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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Paris autrefois - LES COSTUMES, LES SALONS,...

Publié à 11:01 par acoeuretacris Tags : paris autrefois modes restauration
Paris autrefois - LES COSTUMES, LES SALONS,...

 LES COSTUMES, LES SALONS, LA SOCIÉTÉ 
SOUS LA RESTAURATION       

 

(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)   

 

(partie 1)     

 

1815 – 1825     

  

La mode s'est presque toujours montrée essentiellement courtisanesque et 
empressée de saluer l'aurore des nouveaux Régimes. Le retour au blanc complet, à l'éclat neigeux des mousselines claires, marqua surtout le retour des Bourbons. Fleurs de lis, écharpes et cocardes blanches ; chapeaux à la Henri IV munis de panaches blancs, robes et pardessus de perkale, rubans de soie écrue, capotes de crêpe blanc bouillonné, guirlandes de lis dans la chevelure, tels étaient, au milieu de l'année 1814, les principales distinctions du costume féminin. Peu de bijoux, sauf une bague qui se répandit vivement en raison de son allégorie ; c'était un câble d'or avec trois fleurs de lis de même métal, portant cette devise en émail blanc : Dieu nous les rend. 
 
 
 
 
 
La présence des troupes alliées mit en vogue des accoutrements anglais, russes et polonais, sans que le patriotisme songeât à protester. On fabriquait d'innombrables chapeaux à l'Anglaise, lourdes et massives capotes gaufrées, tuyautées, plissées, disgracieuses au possible ; des toques à la Busse, à large assiette et à petite visière ; des casques d'étoffe ornés de plumes de coq blanches, tels qu'on en voyait aux officiers alliés ; quelques rares turbans de kachemire blanc ; le tout orné de lilas blanc ; des robes courtes, des écharpes en sautoir, des toques à l'Écossaise eurent quelques mois de succès. – Le drapeau blanc qui flottait sur les Tuileries semblait donner le ton de la toilette. 
 
 
 
 
 
 
On voyait dans tout Paris des robes de levantine rose tendre et des tuniques de mérinos blanc ; quelques-unes étaient faites en forme de pelisse et n'avaient point de ceinture ; les deux pans flottaient écartés l'un de l'autre. Les robes, dites à la vierge, formant demi-guimpe, montaient jusqu'au menton : les robes blanches, rayées, à petits carreaux bleus ou roses, se multipliaient, les volants de ces robes étaient tout blancs, mais il était de rigueur qu'il y eût des festons de la couleur des raies, et feston sur feston. Les beaux schalls de kachemire, de belle qualité, avec larges palmes et brillantes couleurs, n'étaient point détrônés par les redingotes à trois collets ou les pelisses ; on convenait que rien ne dessinait mieux les épaules et ne drapait plus mollement une femme élégante. 
 
 
Terneaux et Courtois étaient les marchands favoris; on se précipitait chez eux lorsque courait le bruit d'un arrivage des Indes. Les petites bourgeoises, qui ne pouvaient s'offrir le luxe d'un kachemire, achetaient volontiers des schalls de bourre de soie, qu'on fabriquait également de couleurs vives et tranchantes, avec palmes et larges bordures. Les écharpes rayées en tricot de soie, qu'on appelait d'abord écharpes circassiennes, étaient alors connues sous le nom d'écharpes d'Iris ; on savait les porter avec grâce et langueur. 
 
 
« Partout, le besoin des habillements riches se manifestait, écrit M. Augustin Challamel dans son Histoire de la Mode si complète. Autour de Louis XVIII et du comte d'Artois se groupaient des royalistes exaltés. Les appartements des Tuileries ne désemplissaient pas. Dans les hôtels du faubourg Saint-Germain, on ne rêvait que soirées, concerts ou bals. Un grand mouvement s'opéra dans le commerce, ce fut l'excuse de chacun. » 
 
Paris compta bientôt quatre tailleurs pour dames fort renommés treize modistes possédant une nombreuse clientèle, sept remarquables fleuristes, trois couturières en corsets très recherchées et huit bons cordonniers pour chausser exclusivement les femmes. 
 
 
Dans les bals officiels ou privés, ordinairement paraissaient les robes blanches avec des garnitures de fleurs au bas. Les danseuses mettaient des fleurs dans leurs cheveux, plus souvent des roses. On vit les robes à l'Écossaise, les robes à l'indolente, les robes garnies de chinchilla... Les accessoires variaient beaucoup. Ici, les manches étaient bouffantes et rehaussées de plusieurs rangs de « ruches », là elles formaient l'entonnoir, c'est-à-dire qu'elles avaient une certaine ampleur aux épaules et qu'elles s'en allaient s'aplatissant peu à peu jusqu'au poignet, où elles étaient fermées hermétiquement par un ruban, de manière à être terminées par un gant de peau de diverses couleurs. 
 
 
 
 
Costumes de cour
au début de la Restauration
 
 
 
Les dames se décolletaient, se mettaient un collier de perles ou de grenat ; celles qui adoptaient les manches courtes ne manquaient pas d'adopter aussi les gants longs, ce qui composait un gracieux costume. Elles avaient des toques brodées, garnies en perles, ornées d'une guirlande de marabout ; les gants longs coûtaient très cher, mais aucune coquette n'eût hésité à en changer chaque jour, car ils devaient avoir la plus grande fraîcheur. Beaucoup étaient de couleur chamois. 
 
 
La chevelure était disposée en petites boucles presque collées sur le front et aux tempes et formant, vers la nuque, des coques fort peu apparentes. Presque toujours des fleurs artificielles s'y voyaient, mais cependant, il faut le dire, en très petite quantité. 
 
 
La grande préoccupation des élégantes de la Restauration semble avoir été pour la coiffure et principalement pour la variation des chapeaux ; de 1815 à 1830, on compterait aisément plus de dix mille formes de chapeaux et de bonnets ; les journaux de mode négligent même la description des robes et manteaux pour se donner exclusivement à l'art des coiffures, chapeaux de paille d'Italie, capotes de peluche de soie, casques de velours à panaches, chapeaux de gros de Naples ou de crêpe bouillonné, capotes de perkale, turbans de mousseline, toques à la Polonaise, casquettes à l'Autrichienne, turbans moabites, feutres à la Ourika, cornettes de mousseline blanche, de velours noir bordé de tulle, c'était une confusion à en perdre la tête avant de la coiffer. 
 
 
 
Les Petits Spectacles (1819) 
 
 
– Et quels chapeaux ! Qu'on se figure des toques de juges disproportionnées comme élévation, avec d'incroyables auvents semblables aux maisons fantastiques du moyen âge ; qu'on se rappelle les shakos impossibles des fantassins de la Grande Armée et qu'on ajoute à ces meubles pesants des capotes non moins élevées que profondes, qu'on songe en outre à des moules à tourtes du pays de Gargantua et l'on aura un vague aperçu de ces coiffures massives, chargées de rubans, de fleurs, de cocardes, de torsades, de bourrelets, de nœuds de satin, de ruches, d'aigrettes et de plumes ; ce sont là des chapeaux de guerrières, des bassinets, des cervelières, des heaumes prodigieux, des morions abracadabrants, en un mot des casques avec jugulaire, lambrequin et ventail ; mais on a peine à croire que d'aussi bizarres couvre-chefs aient pu jamais protéger le visage rieur et gracieux de nos aïeules parisiennes. 
 
 
La taille des robes s'allongea progressivement ; vers 1822, on était revenu à la taille normale qui ne coupait plus la poitrine en deux et laissait à la gorge plus de liberté ; on reforma aussi par la logique l'art des couturières et aussi des tailleurs. On porta également des robes-blouses en mousseline des Indes qui avaient au bas cinq rangées de broderies en fleurs d'arbre de Judée et quatre biais ; des robes en crêpe Élodie, rose, bleu ou réséda avec bouillons de la même étoffe. – Le génie des modistes, qui avait épuisé toutes les poses des entre-deux, des crevés, des volants, des plissés et des roulés, revint à une expression plus simple dans les garnitures ; de modestes galons de soie ou de couleur ornèrent le bas des jupes. 
 
 
 
 
 
Le canezou, l'antique canezou des héroïnes de Paul de Rock, succéda au spencer ; les jolis canezous seyaient fort bien aux jeunes demoiselles, avantageaient leur taille en lui donnant une souplesse et une grâce infinies. – Le corset reprit faveur et sa confection, jusqu'alors primitive, devint un art véritable qui ne comptait pas beaucoup de maîtres. Un bon corset de chez Lacroix ne se vendait pas couramment moins de cinq louis, et encore cet excellent faiseur ne pouvait suffire aux demandes. Ces corsets étaient en deux parties ; on y ajoutait un petit coussin en satin blanc qui, s'attachant par derrière, à la façon de nos tournures, donnait à la taille plus de cambrure en aidant au maintien de la jupe. 
 
 
Quelques corsets à élastiques, par un procédé ingénieux, se laçaient et se délaçaient d'eux mêmes. Un busc d'acier, bien que signalé comme dangereux par les médecins, servait le plus souvent à agrafer le corset sur la poitrine. 
 
 
 
 
 
On vit bientôt disparaître ces gracieuses épaulettes qui formaient la demi-manche des robes, et presque aussitôt apparurent successivement les manches bouffantes, manches à gigot, à béret, à la folle, à l'éléphant, qui nous ramenaient à la Renaissance, aux corsages outrant la largeur d'épaule et aux tailles guépées. – Durant l'hiver, on portait d'énormes manchons de renard, de chinchilla, ainsi que des boas de fourrure et de plumes frisées qui s'enroulaient sur le torse, se nouaient au cou, tombaient à l'aventure et donnaient aux femmes ainsi enlacées un air provocant d'Ève en conversation criminelle avec le serpent de l'Écriture sainte. Beaucoup de mitaines et de palatines de cygne pour les courses au dehors. 
 
 
La duchesse de Berry avait vainement essayé de porter le sceptre de la mode ; mais elle n'eut jamais la moindre influence sur les costumes de la Restauration... et cela se conçoit ; son physique n'avait rien de la Psyché antique. 
 
 
La Littérature et surtout les romans en vogue servirent à baptiser beaucoup d'étoffes, de couleurs, de bibelots à la mode, de même les pièces à succès, les événements marquants et aussi les divers animaux exotiques que l'on commençait à amener au Jardin du Roi. Le vicomte d'Arlincourt devint, grâce à son roman sentimental, le parrain des turbans à l'Ipsiboé; Mme de Duras, par son conte émouvant de Ourika, baptisa, sans s'en douter, robes, bonnets, schalls et presque tous les chiffons du moment. 
 
 
 
 
 
On vit des fichus à la Dame blanche, des rubans Trocadero qui évoquaient le souvenir du duc d'Angoulême « tra los montes », des chapeaux à l'Emma, des toques à la Marie Stuart, des coiffures à la Sultane, à l'Édith, à la Sévigné, des étoffes Élodie, des cols Atala, sans compter les noms extraordinaires que l'on ne craignit pas, par genre, de donner à certaines nuances d'étoffe vers 1825. Nous ne parlons pas seulement des couleurs eau du Nil, roseau solitaire, graine de réséda, bronze, fumée de Navarin, peau de serpent, brique cuite, jaune vapeur ou lave du Vésuve ; mais que dira-t-on des nuances souris effrayée, crapaud amoureux, puce rêveuse et surtout... araignée méditant un crime ? 
 
 
En 1827, le pacha d'Égypte envoya à Charles X une superbe girafe qui fit l'admiration de tout Paris ; c'était la première qu'on voyait en France ; la mode voulut consacrer cet événement ; en quelques jours tout fut à la Girafe, chapeaux, ajustements, ceintures, coiffures d'hommes et de femmes. C'était le pendant des modes au dernier soupir de Jocko qui suivirent le décès d'un chimpanzé qui avait recueilli toutes les sympathies parisiennes, non moins que dernièrement à Londres le célèbre éléphant Jumbo auquel des Anglaises excentriques envoyèrent des cadeaux : fruits, bonbons, petits fours et jusqu'à des bouquets de fleurs. – Tout se ressemble ! 
 
 
 
 
 
La coiffure se modifia plusieurs fois sous la Restauration ; en 1828, on portait les cheveux nattés disposés en forme de coques, semblables à des pièces montées. M. Hippolyte, le coiffeur habile du temps, qui s'intitulait fièrement perruquier de la Cour, s'ingéniait à faire des boucles ultra-invraisemblables, archi-tourmentées comme la fameuse signature de Joseph Prud'homme. Ces paraphes de cheveux étaient entremêlés de fleurs, de perles, de bijoux en cordons ; il ne manquait sur le sommet qu'un petit amour en sucre, tremblotant sur son fil d'archal, tant ces édifices singuliers ressemblaient aux chefs-d'œuvre de la confiserie maniérée. A défaut d'amour, on piquait dans ces merveilles du peigne une variété de plumes frisées « de l'invention de M. Plaisir ». 
 
 
 
 
 
 
La France avait accepté le retour des Bourbons comme une garantie de repos et de reprise des affaires. Le nouveau gouvernement répondait à ses besoins du moment ; les industriels, les orateurs, les écrivains allaient succéder aux grands généraux ; Bonaparte avait voulu faire d'elle une grande nation ; les royalistes, moins ambitieux, plus calmes, ne rêvaient que de créer une grande monarchie légitime. La société accueillit le Roi non pas comme un sauveur, mais comme un simple tuteur, sans aucune idolâtrie, mais avec un rare sentiment de convenance et de bon goût. 
 
 
Napoléon avait été en quelque sorte l'amant privilégié de la nation, son héros chéri, son Dieu ; pour lui, elle avait donné son sang, son or, ses enthousiasmes ; à l'heure où ses illusions firent banqueroute, elle accepta Louis XVIII comme un sage protecteur qui, à défaut de jeunesse, de bravoure et de galante allure, lui apportait la vague assurance d'une vie sans chaos et comme un parfum réconfortant de la poule au pot de son aïeul. 
 
 
Le nouveau gouvernement eut donc à son début une lune de miel relative après l'inter-règne des Cent-Jours. 
 
 
Le peuple de toutes parts s'enthousiasmait en apparence sur l'air de Vive Henri IV ! ou de la Charmante Gabrielle ; mais, au fond du cœur des gouvernés et du gouvernant, il existait un sentiment de mutuelle défiance. Moins surmené par la conquête, le pays se recueillit ; la culture des lettres et des arts fit refleurir partout notre ancienne suprématie intellectuelle et cette politesse précieuse que la Révolution nous avait quelque peu désapprise. De la licence du Directoire, qui s'était transformée sous l'Empire en une décence obtenue par ordre, on passa à une sorte de pruderie aussi bien dans le costume que dans les idées : chacun demeura sur son quant à soi avec dignité, on rechercha le correct, l'absolu bon ton, le comme il faut, la suprême distinction dans des notes discrètes et sobres ; on se garda de l'éclat et du faux décorum ; la somptueuse pompe impériale fit place à la simplicité voulue.
 
 
 
 
 
 
 
Les femmes comme toujours furent les grandes instigatrices de ce mouvement heureux. On peut dire que dans les salons de la Restauration naquit un nouveau règne. Les femmes ne consentaieut à agréer que des hommages respectueux et des soins attentionnés ; le pouvoir, parfois odieusement despotique, des traîneurs de sabre, s'évanouit pour laisser paraître l'influence bienfaisante des hommes d'esprit et de talent, dont la retenue et l'agréable conversation étaient considérés comme autant de titres à l'estime et à la gloire. 
 
 
« Les femmes spirituelles, d'une certaine beauté, d'un certain relief aristocratique, d'une élégance nouvelle et d'une simplicité à laquelle, pourtant, il n'aurait pas trop fallu se laisser prendre, brillaient dans tous les salons, raconte le docteur Véron. – Lamartine est venu ; la femme politique, la femme poétique et littéraire ont le beau du jeu. Il faudrait faire revivre les diverses classes, les diverses opinions de la société d'alors, pour rendre convenablement justice à tout ce qui s'y rencontrait de femmes distinguées ayant leur cercle, leur monde, leur sceptre respecté, et luttant entre elles de charme, d'esprit et d'émulation. 
 
 
 
 
 
Après les salons en renom Mme de Montcalm, de Mme de Duras et de quelques autres que M. Villemain a décrits avec de profonds regrets pour le temps passé, on citait tout un jeune monde qui, s'épanouissant sous la Restauration, en reproduisait les principaux traits, par une physionomie poétique, par une mélancolie gracieuse et par une philosophie chrétienne. 
 
 
Qui n'a vu, à quelque bal de Madame, duchesse de Berry, se glisser légère, touchant le parquet à peine, si mouvante qu'on n'apercevait en elle qu'une grâce avant de savoir si c'était une beauté, une jeune femme à la chevelure blonde et hardiment dorée ; qui n'a vu apparaître alors la jeune marquise de Castries dans une fête, ne peut sans doute se faire une idée de cette nouvelle beauté, charmante, aérienne, applaudie et honorée dans les salons de la Restauration ? 
 
 
La société d'alors, qu'avait émue et attendrie la vaporeuse Elvire des Méditations, vivait moins terrestre et moins païenne dans ses goûts et dans ses extases que ne l'avait été l'Empire. Cependant l'imposante beauté était encore clignement représentée, avec je ne sais quel éclat d'élégance puisé dans le sang et dans la naissance, par la duchesse de Guiche (depuis duchesse de Grammont) – ... Les hommes politiques étaient alors ménagés et, pour ainsi dire, présidés, dans les salons par Mme de Sainte-Aulaire et par la jeune duchesse de Broglie. On remarquait dans ces personnes distinguées un séduisant accord d'esprit, de pensées, de sentiments élevés et religieux, compatibles avec toutes les attentions et toutes les insinuations politiques et mondaines. » 
 
 
 
 
 
Les femmes élégantes qui voulaient se donner du genre et de l'importance suivaient les curieuses séances de la Chambre des Députés. Chaque femme du monde avait son orateur favori, de même que chaque ministre passait pour avoir son Égérie au faubourg Saint-Germain. M. de Martignac faisait des chambrées de ténor au Palais législatif, grâce à son éloquence facile et spirituelle et à la beauté de son organe ; la très charmante princesse de Bagration guidait toute une petite cour d'amies exubérantes dans le dédale touffu de sa politique. 
 
 
Dans cette nouvelle société d'une politesse affinée et d'un esprit chevaleresque, l'intelligence humaine surtout respirait largement, les questions de littérature et d'art primaient toutes choses et passionnaient les Académies et les salons. – Dans le milieu de Mme de Duras, qui était revenue en France pour faire l'éducation de ses deux filles.- 
 
 
 
 
Le Jardin des Tuileries, près de la rue de Rivoli
(1819)
 
 
 
Félicie et Clara, tous les jeunes poètes et romanciers de la nouvelle génération étaient accueillis avec une grande cordialité, qui les mettait à l'aise, et avec une noblesse douce et courtoise qui formait la caractéristique de cette femme supérieure. Ce fut l'auteur d'Edouard et d'Ourika qui prit Chateaubriand sous sa protection et lui fit accorder, par l'entremise de M. de Blacas, l'ambassade de Suède. Mme Récamier, retour d'Italie, s'était également réinstallée à Paris au début de la Restauration et elle ouvrait ou plutôt entr'ouvrait son nouveau salon de la rue du Mont-Blanc. 
 
Parmi les maisons les plus fréquentées, on citait celle de Mme Ripert, dont le mari était, en compagnie de Michaud, le rédacteur de la Quotidienne. La société royaliste la plus outrée se donnait rendez-vous chez Mme Ripert, femme enthousiaste, mobile, capricieuse, qui passait en un instant de la joie à la tristesse, du sang-froid à la colère, de l'audace à la peur, et qui, en dépit de son amour ardent pour les Bourbons, s'était faite constitutionnelle par pur esprit de contradiction. On voyait chez elle M. Fievée qui était l'ornement de son cercle, dont on citait complaisamment les ana ; MM. Pigeon et Missonnier, rédacteurs appréciés de la Quotidienne, le vieux général Anselme, le comte du Boutet, militaire aimable, et enfin M. de Valmalette, le La Fontaine fabuliste de la Restauration, assistaient régulièrement aux soirées brillantes de Mme Ripert. 
 
 
D'autres salons où l'on portait très haut l'art de prodiguer l'esprit et d'agrémenter la causerie, où le cœur battait d'enthousiasme aux nobles dissertations de l'intelligence, où enfin le culte du beau avait de nombreux desservants, étaient ceux de la comtesse Baraguay d'Hilliers, du comte de Chabrol, préfet de Paris, de Mme la comtesse de Lacretelle, de Mme Auger, femme du secrétaire perpétuel de l'Académie française, de M. Campenon et surtout de Mme Virginie Ancelot, dont la maison était pour quelques-uns une sorte d'antichambre familière qui donnait accès à l'Académie. 
 
 
 
 
La Grande Journée de Longchamps (1820) 
 
 
On était assuré de trouver chez l'excellente Mme Ancelot, qui écrivit plus tard sur ces foyers d'esprits alors éteints un petit ouvrage des plus intéressants, la plupart des personnages marquants de Paris. Là, venaient avec fidélité Perceval de Grandmaison, le tragique Guiraud, Soumet, le comte Alfred de Vigny, Saintine, Victor Hugo, l'enfant sublime ; Ancelot, Lacretelle, Lemontey, Baour-Lormian, Casimir Bonjour, Édouard Mennechet, Émile Deschamps, de Laville de Miremont, auteur de comédies en vers, le comte de Rességuier, Michel Beer, le frère de Meyer Beer ; Armand Malitourne ainsi que de nombreux peintres et musiciens. Mme Sophie Gay, qui tenait elle-même un petit salon, où l'on ne jouait que trop par malheur, était assidue à ces réunions ainsi que sa délicieuse fille Delphine, la future auteur du Lorgnon et de la Canne de M. de Balzac. 

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