Thèmes

tourisme un jour 5 janvier

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· Animaux - Oiseaux - (58)
· Mythologie Greco-romaine- (74)
· La(les)mode(s) - (17)
· Années 50 - (37)
· Arbres et arbustes (22)
· Préhistoire - (25)
· Au Jardin - (27)
· Parcs , réserves naturelles, zoos... (49)
· Bonjour + texte (589)
· Mammifères - (29)

Rechercher
Statistiques

Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
5848 articles


Un jour... une histoire... 5 janvier 1895

Publié à 10:13 par acoeuretacris Tags : un jour 5 janvier
Un jour... une histoire... 5 janvier 1895

 

5 janvier 1895

Dégradation du capitaine Dreyfus

 

Le 5 janvier 1895, le capitaine Alfred Dreyfus est solennellement dégradé dans la cour de l'École Militaire, à Paris. Il a été condamné au bagne à vie pour haute trahison. «Dreyfus n'a exprimé aucun regret, fait aucun aveu, malgré les preuves irrécusables de sa trahison. Il doit en conséquence être traité comme un malfaiteur endurci tout à fait indigne de pitié» peut-on lire dans le compte-rendu du Matin.

 

L'«Affaire» proprement dite commence un an plus tard avec la découverte de faits nouveaux par le lieutenant-colonel Picquart. Elle va troubler la vie politique française pendant plusieurs décennies.

 

 

 

Une condamnation sans histoire

 

L'affaire Dreyfusdébute comme une banale affaire d'espionnage militaire par la découverte d'un bordereau adressé par un officier français à l'attaché militaire de l'ambassade allemande, le major Schwartzkoppen.

 

Madame Bastian, femme de ménage à l'ambassade, avait récupéré le bordereau le 26 septembre 1894 dans une corbeille à papier et l'avait remis au service français de contre-espionnage pour lequel elle travaillait en secret.

 

Le soir même, le colonel Henry entrevoit dans le document la trahison d'un officier d'état-major.

 

En l'absence du général de Boisdeffre, chef de l'état-major, le général Mercier, ministre de la Guerre, est immédiatement informé et ordonne une enquête discrète.

 

 

Général Mercier

 

 

Les soupçons se tournent très vite vers le capitaine d'artillerie Alfred Dreyfus, stagiaire au deuxième bureau de l'état-major, qui a été en contact avec les différents services auxquels il est fait allusion dans le bordereau.

 

Capitaine courageux

 

Né à Mulhouse 35 ans plus tôt, Alfred Dreyfus appartient à la bourgeoisie alsacienne.

 

Sa famille, d'origine israélite, est très riche. Elle s'est en partie établie en France après l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne en 1871.

 

Lui-même a fait ses études à l'École Polytechnique puis à l'École d'Artillerie et du Génie de Fontainebleau. Brillant officier et ardent patriote, il entre à l'École de Guerre et passe à l'état-major peu après son mariage à la synagogue avec Lucie Hadamart.

 

Ce parcours sans faute, ainsi que sa prestance intellectuelle, sa fortune familiale et ses origines alsaciennes et israélites lui valent de nombreuses jalousies.

 

 

Alfred Dreyfus

 

 

sur le bordereau au commandant Armand du Paty de Clam. Le 6 octobre 1894, celui-ci convoque Alfred Dreyfus et, sous le prétexte d'une blessure à la main, lui demande de rédiger une lettre sous sa dictée.

 

 

Armand du Paty

 

 

A peine Dreyfus s'est-il exécuté que Du Paty de Clam l'accuse d'être l'auteur du fameux bordereau. Il lui tend un pistolet et lui suggère de se suicider pour échapper au déshonneur, ce à quoi Dreyfus, qui tombe des nues, se refuse. Il est aussitôt mis au secret à la prison de la rue du Cherche-Midi.

 

Alors commence la tragédie. Sollicité par les enquêteurs, le célèbre Adolphe Bertillon, chef du service de l'identité judiciaire (et inventeur de l'identification par les empreintes digitales), confirme les soupçons du commandant du Paty de Clam, contre l'avis d'autres graphologues plus prudents mais moins prestigieux.

 

Dreyfus est arrêté le 15 octobre 1894 sous l'inculpation de haute trahison. Il échappe à la guillotine en vertu d'une loi de la IIe République qui a aboli la peine de mort pour les crimes politiques. Le 22 décembre 1894, il est donc«seulement» condamné au bagne à vie par un tribunal militaire.

 

Personne en France ne doute alors de sa culpabilité. Jean Jaurès lui-même s'étonne le 24 décembre, à la Chambre des députés, qu'on ne l'ait pas plutôt fusillé que banni. Beaucoup de Français pensent de même, considérant que la justice militaire est trop indulgente pour les bourgeois de sa sorte. Certains, qui plus est, commencent à se dire que l'on ne peut décidément pas faire confiance à un israélite ! Pour eux, «cosmopolitisme juif» et patriotisme sont incompatibles...

 

Le quotidien antisémite d'Édouard Drumont, La Libre Parole, qui tire à environ 500.000 exemplaires, mais aussi La Croix, quotidien catholique de la congrégation des Assomptionnistes (170.000 exemplaires), mènent une campagne contre la présence d'officiers juifs dans l'armée. «Dans toute vilaine affaire il n'y a que des Juifs. Rien de plus facile que d'opérer un bon nettoyage», écrit le second (14 novembre 1894).

 

Il n'y a guère que sa femme Lucie et son frère Mathieu qui persistent à croire à l'innocence du capitaine. Ils entretiennent une longue correspondance avec celui-ci, qui, sur l'île du Diable, survit dans le seul espoir de faire reconnaître la vérité. Il doit supporter les brimades de l'administration pénitentiaire à son égard (enfermement entre deux palissades pour ne pas voir la mer, enchaînement la nuit à son lit pendant plusieurs semaines, privation d'informations sur l'extérieur,...).

 

 

Le doute s'installe

 

Tout se corse en mars 1896, alors que l'opinion publique a pratiquement tout oublié de cette histoire d'espionnage.

 

Le lieutenant-colonel Georges Picquart, qui dirige le deuxième bureau (le service de renseignements), reçoit un pneumatique (un«petit bleu»).

 

 

Georges Picquart

 

 

Il révèle une correspondance entre Schwartzkoppen et un officier français d'origine hongroise, le commandant Charles Walsin-Esterhazy, joueur et passablement débauché.

 

 

Charles Walsin-Esterhazy

 

 

Picquart découvre que le procès de Dreyfus s'est fondé sur un dossier secret contenant des pièces trafiquées et sans valeur. Ayant fait part de ses doutes au général de Boisdeffre, chef de l'état-major, il est réduit au silence par un limogeage en Tunisie.

 

En octobre 1896, le colonel Henry, des services secrets, désireux d'écarter les soupçons pesant sur Esterhazy, produit un bordereau (une correspondance entre les attachés militaires allemand et italien) qui accable Dreyfus. On apprendra plus tard qu'il s'agit d'un faux document !

 

Entre temps, la famille du capitaine Dreyfus fait appel au journaliste Bernard-Lazare pour chercher des motifs de réviser le procès.

 

Bernard-Lazare (31 ans), de son vrai nom Lazare Bernard, est un critique littéraire de confession israélite connu pour ses articles acerbes et ses convictions anarchistes.

 

 

Bernard Lazare

 

 

Il publie en novembre 1896 une brochure : L'erreur judiciaire, la vérité sur l'affaire Dreyfus, sans rencontrer guère d'écho, sauf auprès du vieux sénateur de Strasbourg, Auguste Scheurer-Kestner.

 

Début novembre 1897, un banquier avertit Mathieu Dreyfus qu'il a reconnu l'écriture de l'un de ses clients dans le fameux bordereau. Et ce client n'est autre que... le commandant Esterhazy.

Dans le même temps, Georges Picquar

t communique ses informations sur Esterhazy à un ami, l'avocat Louis Leblois, qui les transmet à Mathieu Dreyfus et Auguste Scheurer-Kestner.

 

 

Auguste Scheurer-Kestner

 

Le 14 novembre 1897, le sénateur Scheurer-Kestner publie dans Le Temps une lettre où il annonce des faits nouveaux et assure de l'innocence de Dreyfus. Le lendemain, Mathieu Dreyfus ne s'embarrasse pas de précautions et dénonce Esterhazy comme le véritable auteur du bordereau.

 

Le patriotisme contre les principes

 

Le frère du condamné, Mathieu Dreyfus, le vice-président du Sénat, Scheurer-Kestner, et le député Joseph Reinach obtiennent enfin qu'Esterhazy soit traduit en conseil de guerre.

 

Le 11 janvier 1898, Esterhazy, qui a lui-même demandé à être jugé, est triomphalement acquitté par un conseil de guerre malgré les graves présomptions qui pèsent sur lui.

 

Contre toute attente, c'est le lieutenant-colonel Georges Picquart qui fait les frais du procès. Accusé d'avoir fabriqué le «petit bleu», il est emprisonné pendant un an au Mont-Valérien et chassé de l'armée.

 

Le président du Conseil Jules Méline déclare un peu vite :«Il n'y a pas d'affaire Dreyfus !» En fait, l'Affaire commence.

 

À Paris, chacun prend parti et l'Affaire prend vite un tour politique :

 

– il y a d'un côté ceux qui considèrent qu'on ne transige pas avec les principes et que Dreyfus, comme tout citoyen a droit à un procès équitable ; ce sont les «dreyfusards». Parmi eux beaucoup de pacifistes de gauche et des chrétiens fervents comme l'écrivain Charles Péguy.

 

– de l'autre côté, les «antidreyfusards» considèrent que l'intérêt national prime sur les droits de la personne ; en l'occurence, dans une période de crise internationale où la France n'attend qu'une occasion pour prendre sa revanche sur l'«ennemie héréditaire» (l'Allemagne), il n'est pas question de porter atteinte au moral de l'armée avec un procès en révision de Dreyfus, que celui-ci soit innocent ou pas ! L'origine israélite et bourgeoise de Dreyfus contribue à attiser les passions, l'antisémitisme venant au secours d'un patriotisme dévoyé (mais on convient avec l'historien Vincent Duclerc qu'il y aurait eu une Affaire même si Dreyfus n'avait pas été juif...).

 

 

caricature antidreyfusarde

 

 

Si la capitale se passionne pour l'Affaire, la France profonde lui reste globalement indifférente malgré les efforts de Jean Jaurès, devenu dreyfusard, pour convaincre le monde ouvrier que la justice n'a pas de classe et que l'on doit défendre Dreyfus, tout bourgeois qu'il soit.

 

Phénomène inédit : dans les capitales européennes comme à Paris, l'opinion éclairée se passionne pour le sort de Dreyfus. C'est la première fois qu'une affaire judiciaire et politique retentit au-delà des frontières nationales. Et, à la différence des Français, notons-le, les étrangers sont massivement dreyfusards.

 

 

De l'Affaire à Israël

 

Parmi les nombreuses conséquences de l'Affaire Dreyfus en France et dans le monde, notons celle-ci :

 

Un jeune journaliste hongrois d'origine juive, Theodor Herzl, suit l'Affaire dès le premier procès de Dreyfus. Révolté par l'antisémitisme français, il en conclut à la nécessité de créer un État juif pour accueillir ses coreligionnaires et publie un livre pour les en convaincre. Israël est ainsi né de l'injustice faite à Dreyfus.