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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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14 février 842
Le 14 février 842, à Strasbourg, Louis le Germanique et Charles le Chauve se prêtent serment d'assistance mutuelle dans la lutte qu'ils mènent contre leur frère aîné Lothaire.
Ce grand moment de l'Histoire occidentale, qui voit l'émergence des langues européennes, nous a été rapporté par le chroniqueur Nithard, mort en 844, dans son Histoire des fils de Louis le Pieux.
Tout a commencé avec Charlemagne, grand-père de Louis le Germanique, Charles le Chauve et Lothaire. Le grand empereur avait réuni l'Occident sous son autorité, de l'Ebre (en Espagne) à l'Elbe (en Allemagne). Mais il ne croyait pas que la dignité impériale lui survivrait et ne voyait pas d'inconvénient à se soumettre à la coutume germanique du partage de l'héritage entre tous les fils.
Le 6 février 806, à Thionville, Charlemagne prépare la division de son empire entre ses trois fils, nommés «consorts du royaume et de l'Empire». Mais la disparition prématurée de deux d'entre eux permet au survivant, Louis 1er le Pieux (ou le Débonnaire, traduction tardive et fautive du mot latin Pius, Pieux) de récupérer l'intégralité de l'héritage à la mort de Charlemagne, en 814. Né en 778 (l'année de Roncevaux), ce dernier a été nommé par son père roi roi d'Aquitaine dès l'âge de 3 ans et a géré ses terres avant de recevoir la totalité de l'empire en héritage.
Ainsi, par le plus grand des hasards, l'empire rassemblé par Charlemagne en un demi-siècle de guerres échoit intact entre les mains de son unique héritier. Mais la coutume germanique va reprendre le dessus et entraîner la dissolution rapide de l'empire.
Louis le Pieux tente dans un premier temps de préserver l'essentiel de son héritage. Par un texte connu sous le nom d'Ordinatio imperii, il promet en 817 la dignité impériale et la plus grande partie de l'empire à son fils aîné Lothaire. Mais l'empereur se remarie ensuite avec Judith de Bavière et a un nouveau fils, Charles, qu'il veut doter à tout prix. Devant une assemblée de la noblesse, à Worms, en 829, il lui attribue l'Alsace, la Bourgogne et quelques autres terres. Ses autres fils n'apprécient pas la remise en cause de l'engagement de 817. Ils se révoltent contre leur père et le déposent.
Mais les trois compères ne tardent pas à se diviser. Irrités par l'autoritarisme de Lothaire, Pépin et Louis se liguent contre lui et se rapprochent de leur père qui effectue un nouveau partage dont Charles, cette fois, est exclu ! Le nouvel accord ne dure pas. Le 30 juin 833, les trois aînés, provisoirement réconciliés, convoquent leur père au sud de Colmar, en un lieu plus tard nommé le «Champ du Mensonge». Ils le déposent à nouveau, à nouveau se disputent et à nouveau, Pépin et Louis réinstallent leur père sur le trône.
Sur l'insistance de Judith, son époux l'empereur consent à rendre une part d'héritage à leur fils Charles. Et voilà que meurt Pépin en 838. Tout le partage est à refaire... Louis, mécontent des négociations, s'apprête à reprendre les armes contre son père. Quand celui-ci meurt le 20 juin 840, rien n'est réglé et les trois frères survivants se disputent de plus belle.
Les deux cadets font cause commune contre leur frère aîné Lothaire et le 25 juin 841, le défont à Fontenay-en-Puisaye, près d'Auxerre, en Bourgogne. Cette victoire les conduit huit mois plus tard à confirmer leur alliance par les serments de Strasbourg. À cette occasion, Louis le Germanique prononce son serment non dans sa langue mais en langue romane (l'ancêtre du français), pour être compris des soldats de son rival et associé. Charles le Chauve fait de même en langue tudesque (l'ancêtre de l'allemand).
Le serment est repris par les soldats présents dans leur langue habituelle. C'est que les habitants du «Regnum francorum» (le royaume des Francs) ont pratiquement oublié le latin et commencent à se distinguer par leurs idiomes selon qu'ils se trouvent à l'ouest ou à l'est de la Meuse... Aussi peut-on dire que les serments de Strasbourg traduisent l'émergence des langues modernes. C'est ce qui fait leur importance historique, bien plus que leur aspect proprement politique.
L'empire s'émiette
Le conflit entre les trois frères s'achève provisoirement par un compromis conclu à Verdun en août 843.
Par le traité de Verdun, Louis le Germanique conserve la Francia orientalis et Charles le Chauve, son demi-frère, né de Judith de Bavière, la Francia occidentalis.
Charles le Chauve
Lothaire, l'aîné, obtient le titre impérial, purement honorifique, et se contente de la partie centrale de l'empire. Son domaine consiste en une frange de territoires étirée des bouches de l'Escaut à la plaine du Pô, en Italie, en passant par le couloir rhénan et le sillon rhôdanien.
Fidèle à la tradition germanique de partage des héritages, Lothaire 1er ajoute à la difficulté en partageant son domaine entre ses trois fils, à sa mort en 855. L'aîné devient à son tour empereur sous le nom de Louis II et conserve l'Italie. Le second, Charles, devient roi de Bourgogne. Ses territoires s'étendent en fait de la Méditerranée à la Bourgogne actuelle, en incluant la Provence, Lyon et la Suisse. Beaucoup plus tard, en 1032, ils seront adjoints à l'empire refondé par Otton 1er.
Le troisième, Lothaire II, reçoit la partie située entre la Meuse et le Rhin. Il lui donne son nom. C'est la «Lotharingie» (après moult déformations, ce nom deviendra... Lorraine). Cette province médiane et indéfendable va dès lors susciter la convoitise de ses deux puissants voisins : la Francie occidentale et la Francie orientale.