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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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Conçus à l'origine pour servir d'échantillons, les berlingots seront fabriqués pendant plus de 25 ans
Premier shampooing de grande consommation lancé par L'Oréal en 1934, DOP n'est rien moins que le premier shampooing "moderne". Deuxième inédit : DOP est la première marque à utiliser la communication de masse. Avec P'tit DOP, 1er shampooing pour les enfants lancé en 1993, DOP connaît une deuxième jeunesse.
Exemple de longévité exceptionnelle.
"La propreté, c'est le respect des autres et de toi-même. Tu dois entretenir tes cheveux" conseille Mario, le coiffeur, au jeune Léo. Ce dernier, perplexe, s'interroge :"comment choisir un bon shampooing ?".
"Tu dois prendre un shampooing très doux qui respecte les cheveux" répond P'tit DOP.
Dopal créé au début des années trente, ancêtre de DOP, vendu en litre dans les salons de coiffure.
Si le mot "shampooing" date de 1877, son origine est un mof hindi, principale langue de l'Inde, "châmpna, cnâmpo" signifie masser, presser.
Les enfants, déjà prescripteurs
Depuis sa création, en 1934, l'histoire de DOP se confond avec la sensibilisation progressive des Français à l'hygiène corporelle. La marque leur apprend à se laver régulièrement et agréablement les cheveux. Rude tâche ! Les Français ont la réputation de préférer le bistrot à la salle de bain ! Aussi, plutôt que de promouvoir le produit shampooing, Eugène Schueller entend d'abord inciter les gens à se laver les cheveux pour créer de nouvelles habitudes.
En somme, vendre du DOP sans parler de la marque. "Dites aux gens qu'ils sont dégoûtants, qu'ils ne sentent pas bon et qu'ils ne sont pas beaux", ordonne le fondateur de L'Oréal à ses publicitaires. Doit-on, pour autant, morigéner ainsi les consommateurs potentiels des produits DOP ? François Clauteaux, directeur de la publicité, suggère alors -nous sommes au début des années cinquante- de contourner la difficulté en s'adressant aux enfants et non aux parents.
C'est ainsi que naissent, en 1952, les "Journées des Enfants Propres". Lieu d'élection : les écoles primaires, généralement des écoles libres. C'est d'ailleurs en Bretagne que tout commence. Les représentants de DOP proposent d'offrir aux enfants des shampooings et des savonnettes. Un programme éducatif accompagne cette "croisade des enfants propres" : le maître d'école explique au tableau noir pourquoi il faut être propre. Une manière de renouer avec la tradition de l'école républicaine et de ses "hussards noirs". Des tournées sont ensuite organisées dans toutes les villes de France où des salles de spectacles sont louées pour accueillir les enfants après l'école.
Ces derniers ne sont pas encore rivés devant leur poste de télévision ! Rien de tel que le jeu pour rendre ludique la propreté corporelle. Avec le "jeu de la toilette", les enfants désignent ceux qui, sur scène, se lavent le mieux; le "concours de mousse" se déroule avec des équipes de deux enfants, un shampooigneur et un shampooigné. Le premier, muni d'un arrosoir, doit faire mousser les cheveux du second, protégé par un peignoir aux couleurs de DOP. A la salle de désigner l'équipe gagnante. Mais les parents ne sont pas oubliés.
Quand DOP fait chanter la France.
30 000 personnes à Calais, 50 000 sur la Grand'Place de Bruxelles ! Les années cinquante sont celles d'une étroite connivence entre DOP et les Français : Eugène Schueller vient d'inventer la publicité moderne. Chansons publicitaires, radio, cinéma, presse, affichage, rien n'est laissé au hasard. Obsession du président de L'Oréal : occuper l'espace, tout l'espace. Trait commun à tous ces supports : ils empruntent à la psychologie des foules les règles de bases du conditionnement des masses. A l'origine du succès de DOP, le média qui, dans les années trente, a également assuré celui de Monsavon : la radio. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, la Compagnie luxembourgoise de radiodiffusion charge Louis Merlin -futur patron d'Europe 1- de relancer Radio Luxembourg. Comment alors recréer un auditoire ? Suggestion de Louis Merlin dont le passé de responsable de la promotion au sein du groupe de distribution Comptoirs Modernes n'est pas sans incidence : trouver des annonceurs qui acceptent de "patronner" une grande émission prestigieuse se promenant à travers la France. Il propose alors à Eugène Schueller et François Dalle de reprendre le principe du Crochet radiophonique, émission hebdomadaire à grand succès de Radio-Cité, créée par Marcel Bleustein-Blanchet avant la guerre et "patronnée" par Monsavon.
A l'instar de "Ploum-Ploum" qui, de ville en ville, fait chanter aux Français un hymne à la gloire de Monsavon, le "magicien" Merlin propose d'associer un cirque au grand orchestre du Crochet. Son nom : Radio-Circus. Toute la publicité est axée sur DOP et sa nouvelle formule en tube : DOP crème. Preuve du succès, le Crochet devient le "Crochet DOP". Le chapiteau s'ébranle en 1948 et jusqu'en 1957, la France sera sillonnée chaque jour par le Radio Circus.
En première partie du spectacle -gratuit- le cirque (4 à 5 000 places !) avec ses fauves, ses acrobates, sa cavalerie (celle d'Alexis Grass) et une parade. En deuxième partie, le Crochet réalisé dans le camion d'enregistrement de Radio-Luxembourg. La foule désigne le meilleur chanteur en criant : "DOP, DOP, DOP, il est adopté par DOP". Dans le cas contraire, la même foule manifeste : "Allez donc vous faire laver la tête, avec DOP c'est toujours un plaisir, DOP, DOP, DOP". Durant cette période, près de quatre millions de Français, sous le chapiteau ou à la parade entonnent chaque année le refrain DOP ! : "DOP, DOP, DOP c'est un shampooing qui rend les cheveux souples et vigoureux". Mais Eugène Schueller n'entend utiliser un média qu'à la condition d'en être le plus important annonceur. D'où la multiplication des émissions de radio, toujours "patronnées" par DOP dont le fameux "Quitte ou double" qui deviendra, en raison du succès, une émission à part entière. Des tournées ont lieu dans toute la France avec comme animateur un jeune chanteur de l'orchestre de Jacques Hélian, déniché par... Louis Merlin : le fameux Zappy Max et sa voix métallique. "Il n'avait pas son pareil pour prononcer "Doppp" d'une façon qui vrillait les oreilles" se rappelle François Clauteaux.
On comptera près de 6000 émissions. Autres jeux inventés par Eugène Schueller : "Emportez-le avec vous". Le concurrent, les yeux bandés, doit, en une minute, identifier un "cadeau". Zappy Max répond par "oui" ou par "non" aux questions posées. Avec la "course au trésor", Pierre Dac donne la composition d'un déguisement que doivent présenter les candidats du lendemain dans la ville suivante. Le "Concours de mousse" met, sur le podium de Radio Circus, des enfants -Eugène Schueller ne les oublie pas- en compétition : le vainqueur, désigné par le public, est celui dont la tête a la plus belle mousse.
Citons également le "Rallye de la propreté" où les concurrents, munis d'un dossard DOP, effectuent un parcours en se lavant les cheveux à une fontaine, les mains à une autre. Eugène Schueller pressent cependant que les millions de Français chantant "DOP, DOP, DOP..." risquent de se lasser. Il bouscule alors la distribution et leur offre... un fauteuil d'opéra ! Accompagnés de trente musiciens, les plus grands ténors vont enregistrer les "Opéras DOP" salle Gaveau. Extrait de l'un d'entre eux, chanté par Mado Robin : "C'est grâce à DOP si tous les cheveux deviennent merveilleux, brillants et soyeux". Après l'Opéra, la variété : Yves Montand, Tino Rossi, Bourvil mais aussi un jeune pianiste d'accompagnement, Gilbert Bécaud, prêtent leur voix. Pour chacun, le chef d'orchestre Roger Roger, qui accompagnait avant guerre les émissions Monsavon de Radio Cité, écrit une partition adaptée.
1er janvier 1955 : un vent nouveau souffle sur le ciel de la radio publicitaire. Louis Merlin lance Europe 1. L'Oréal ne peut être absent de cette aventure. DOP va "sponsoriser" plusieurs émissions dont "Vous êtes formidables" et "100 000 Français ne peuvent pas se tromper", conçues par Jacques Antoine et animées par Pierre Bellemare. Synonyme de jeu sur Radio Luxembourg, DOP se met aux services des grandes causes humanitaires avec Europe 1. Elle obtient ainsi les fonds nécessaires pour la construction d'un centre hospitalier spécialisé dans les opérations à coeur ouvert des enfants. DOP, précurseur de la "marque citoyenne"... Le temps des grandes messes populaires sur la place publique est aussi celui du cinéma. Les quatre circuits de l'époque sont occupés, à l'année, par L'Oréal. L'objectif reste le même : prêcher la croisade de la propreté. Les enfants envahissent les écrans. Une époque bénie puisqu'aucune loi ne leur interdit de nommer le produit. Comme pour la radio, L'Oréal s'entoure des meilleurs spécialistes, puisque Rémo Forlani sera l'un de ses scénaristes. Et quand le groupe n'emploie pas des "stars", il les crée.
Celle qui va tenir les écrans pendant six ans est un enfant de cinq ans. Prénom : Rodolphe. Nom : Clauteaux, le propre fils de François Clauteaux. Sa voix n'est pas inconnue du grand public : il fait ses premiers pas radiophoniques avec Monsavon. Reste à lui donner un visage... que les spectateurs découvrent en 1952. "Moi, je veux un berlingot" réclame-t-il avec son accent méditerranéen. "Ils sont formidables les shampooings DOP"... Six années de slogans vont faire le succès de DOP... et celui de Rodolphe. Il faudra souvent faire appel à un service de sécurité pour le protéger de ses admirateurs. Parmi les nombreux films publicitaires, soulignons celui où Rodolphe et Marcel Fort, son complice et souffre-douleur de toujours, peignent un plafond. Le "pauvre Marcel", maladroit, a de la peinture sur les cheveux. Mais Rodolphe le rassure : "ce n'est rien Marcel, un tout petit peu de DOP crème parfum et ça va être fini...Tes cheveux sont souples, soyeux et sentent bon". Réponse de Marcel : "ton tube est à peine entamé. DOP crème parfum est vraiment économique". Conclusion de Rodolphe : "DOP crème parfum, c'est un shampooing du tonnerre". "Une époque formidable" se souvient, avec nostalgie, François Clauteaux.