Le requin a fait son apparition il y a plus de 400 millions d'années à partir d’un ancêtre commun au Dévonien inférieur. Le requin est un poisson au squelette cartilagineux, au même titre que les raies et les chimères.
Les requins ont très peu changé depuis leur apparition. Ils se diversifièrent sous plusieurs formes au Carbonifère et, après une longue période de déclin, évoluèrent de nouveau au Jurassique, quand les groupes modernes apparurent.
Les requins forment encore aujourd'hui un groupe dominant.
Cette diversité montre que le requin, pourtant ancien, a réussi à conserver son efficacité de prédateur malgré les extinctions qui ont ponctué son histoire.
Un squelette interne cartilagineux
Les requins font partie des poissons vertébrés dits à mâchoires, ou gnathostomes. Ils ont cependant la particularité de posséder un squelette interne cartilagineux, non ossifié.
Requin conservé avec l'empreinte des parties molles dans le gisement éocène de Monte Bolca. by Gianalberto Cigolini
Ce caractère original est utilisé par les zoologues pour les regrouper dans la classe des chondrichtyens (poissons cartilagineux), qui réunit également les raies, les chimères et tous les requins primitifs du paléozoïque. Ce squelette cartilagineux donne une légèreté accrue à ces animaux. Mais le cartilage qui le compose se fossilise très mal.
Les Chondrichtyens
C’est dans les eaux du Dévonien qu’est apparu un groupe de poissons plus évolué, caractérisé par un développement plus poussé des nageoires et des mâchoires : la classe des Chondrichtyens ou Poissons cartilagineux.
Les représentants actuels sont nombreux. On y distingue deux ordres : les Sélaciens et les Batoïdes.
Platyrhina bolcensis, Batoïde d'un gisement éocène.by Gianalberto Cigolini
Les représentants actuels sont divisés en deux sous-classes :
Les Elasmobranches : Squales, Raies, Torpilles…
Les Holocéphales : Chimères
Parce qu’ils n’ont ni cuirasse externe résistante, ni squelette interne ossifié, les Chondrichtyens sont difficiles à découvrir à l’état fossile.
On n’en trouve généralement que les dents et plus rarement les écailles.
Classe | Sous-classe | Ordre | Age |
Chondrichtyens | Elasmobranches | Cladosélaches Pleuracanthodes Sélaciens Batoïdes | Dévonien-Permien Carbonifère-Permien Dévonien-actuel Jurassique-actuel |
Holocéphales | | Dévonien-actuel |
Les premiers requins
Aujourd'hui encore, la date et le lieu d'apparition des premiers requins restent une énigme. Les scientifiques s'accordent toutefois sur le fait qu'il y a près de 440 millions d'années vivaient des poissons sur lesquels on ne possède que peu de renseignements, si ce n'est que leurs écailles étaient très semblables à celles des requins actuels.
Dent du requin Xenacanthus texensis, du Permien inférieur. by Gianalberto Cigolini
C'est en Espagne que l'on a retrouvé les plus anciennes dents fossiles de requin (Leonodus), datées du début du dévonien. À partir de cette époque, et très rapidement, ce nouveau groupe de prédateurs va devenir de plus en plus important puisqu'on compte une trentaine d'espèces fossiles distinctes, vieilles de plus de 360 millions d'années, retrouvées dans les différentes mers du globe.
La sous-classe des Elasmobranches est apparue au Dévonien, avec l’ordre des Cladosélaches, qui survécut jusqu’à la fin du Paléozoïque.
Helicoprion, un requin du Carbonifère, possédait des dents en spirales. Dessin de William Fraschini
Les traces fossiles très bien conservées de Cladoselache ont permis d'établir que ces requins de taille modeste avaient une allure tout à fait moderne mais qu'ils possédaient aussi des particularités anatomiques bien différentes de celles des requins actuels.
Cladoselache. Illustration D.Finnin
Cladoselache est très intéressant pour l’étude de l’évolution. Il est possible qu’il correspondait à un groupe de Poissons cartilagineux qui aurait donné naissance à tous les autres : les Elasmobranches et les Holocéphales.
A partir de cet ordre, les Elasmobranches ont pu évoluer vers deux ordres : les Pleuracanthodiens et les Sélaciens.
Schématiquement, les Pleuracanthodiens ont vécu dans les eaux douces du Carbonifère et du Permien. C’étaient des animaux au corps allongé.
A la même époque, les Sélaciens s’étaient adaptés à la vie dans la mer. Leur évolution, à partir des Cladosélaches, a commencé vers la fin du Dévonien.
L'opportunité de survivre
Les requins vont profiter de la disparition des placodermes (poissons cuirassés) à la fin du Dévonien pour occuper de façon définitive le haut des chaînes alimentaires marines.
Les premiers Sélaciens, apparus au Dévonien supérieur, sont les Hybodontidés. Hybodus qui a vécu jusqu’au Crétacé avait déjà l’aspect d’un requin actuel. Les Hybodontidés ont disparu à la fin du Crétacé.
La majorité des requins du paléozoïque va tragiquement disparaître lors de la grande crise de la fin du Permien.
Les rares survivants, comme les xénacanthes, vont subsister une quarantaine de millions d'années après la crise, puis finiront par s'éteindre.
Fossile d'un xénacanthe. Ce chasseur d'eau douce se reconnaît à son épine sur le crâne et à sa nageoire caudale très étroite
Selon toutes les estimations, les extinctions de la fin du Permien ont représenté la catastrophe la plus importante que la vie sur Terre ait jamais connue.
Leur place de seigneurs des mers ne va pas rester longtemps vacante et ce sont les vrais requins, en particulier les hybodontes, qui vont rapidement en profiter.
Tristychius, un requin hybodontoïde du Carbonifère inférieur . Illustration encyclopédie illustrée Könemann
Les requins de type moderne sont apparus au début du Mésozoïque. Au court du Jurassique supérieur, une ultime divergence s’effectue dans l’évolution des élasmobranches (requins et raies) qui a conduit au développement des requins modernes.
Stethacanthus, un ancien requin du Dévonien supérieur.
Plusieurs améliorations furent apportées à leurs squelettes. Les vertèbres cartilagineuses s’imprégnèrent de calcium (calcification), leur permettant ainsi de résister aux fortes pressions.
Les os de la mâchoire supérieure s’articulèrent autour de la boîte crânienne, permettant à l’animal d’ouvrir grand sa gueule.
Le cerveau et ses zones sensorielles s’agrandirent, en particulier les lobes olfactifs.
Au cours du Mésozoïque, ils se différencièrent en deux lignées séparées :
Les Requins vrais, prédateurs et nageurs rapides
Les Raies, les Torpilles et les Batoïdes, spécialisés pour la vie sur le fond
Une explosion d'espèces
Cette explosion des nouveaux requins est certainement la mieux documentée puisque près de 2 350 espèces fossiles datant des 200 derniers millions d'années de l'histoire de la vie ont été décrites par les spécialistes.
C'est probablement au Jurassique inférieur ou moyen (il y a 180 millions d'années environ) qu'apparaissent les premiers requins de type requins dormeurs (hétérodontiformes), requins-nourrices (orectolobiformes) ou roussettes (carcharhiniformes).
Un requin dormeur taureau actuel. By Ynk
A la même période, d'autres espèces vont évoluer différemment pour donner naissance à des requins tels que les requins grisets (hexanchiformes), les aiguillats (squaliformes), les anges de mer (squatiniformes) et les raies (batoïdes).
Protospinax sp., Batoïde du Jurassique Supérieur. Museum d'Histoire Naturelle, Paris
La mer chaude et peu profonde du Crétacé va être le centre d'une intense activité animale et, de ce fait, constituer un immense réservoir de proies, favorisant naturellement une importante recrudescence des prédateurs, au premier rang desquels les requins.
L'un des cas les plus spectaculaires est certainement celui des Lamniformes, qui apparaissent il y a près de 140 millions d'années (Protolamna) et formeront le groupe des grands prédateurs.
Cette formidable radiation va à nouveau s'interrompre avec la crise qui marque la fin du Crétacé et qui touchera près de la moitié des genres fossiles auparavant connus.
Les requins et les raies, bien que très affectés, vont retrouver de leur superbe et se diversifier à partir de l'Eocène pour évoluer progressivement vers les espèces que l'on connaît aujourd'hui, à quelques exceptions près, comme le géant Carcharocles megalodon.
De nos jours, la petite trentaine d'espèces de chimères représente les survivants du formidable groupe des holocéphales, qui est, semble-t-il, apparu vers la fin du dévonien, mais dont l'origine reste plus que mystérieuse, même si, pour certains chercheurs, il s'agirait d'un groupe de requins un peu particuliers du paléozoïque.
Chimère commune (Chimaera monstrosa) atteint 150 cm pour 3 kg.
Sur les Chimères, tous les paléontologues ne sont pas d’accord et leur classification fait l’objet d’une controverse. Certains pensent que ce sont les derniers représentants de la classe des Placodermes (poissons cuirassés), privés de la cuirasse.