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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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Il est impossible de dater précisément l’émergence des cocktails ni d’identifier l'inventeur du premier cocktail (et non pas coktail ou coctail). Mais pour que la création des cocktails soit rendue possible, il a fallu que soient réunies un certain nombre de conditions :
des boissons, alcoolisées ou non, en qualité et en variété suffisantes;
des consommateurs curieux pour vouloir s'aventurer dans de nouvelles directions gustatives;
des lieux appropriés, avec des professionnels capables d'innover et de mettre au point des compositions savoureuses et originales.
Ces repères donnent davantage de précision quant à la période d'apparition des cocktails, à savoir la seconde moitié du 19ème siècle. Car c'est seulement à partir de cette période que les liquoristes et distillateurs maîtrisent suffisamment leur savoir-faire pour proposer des boissons stables et variées autorisant des mélanges plus complexes. Par ailleurs, le développement commercial permet de découvrir de nouvelles boissons venues d'autres horizons. Et l'émergence d'une bourgeoisie aisée va donner naissance à une clientèle avide de nouveautés.
L’influence anglo-saxonne
La société britannique est la première à s'intéresser à ces nouvelles préparations. Au 19ème siècle, son hégémonie mondiale lui permet de découvrir en avant-première de nouveaux spiritueux tel que le rhum. C'est également en Grande-Bretagne que se développe le gin : cet alcool de grain, fortement réglementé dans sa production et donc plus limité dans ses parfums, constitue une base idéale pour des compositions plus aromatiques qui empruntent d'autres ingrédients venus des confins plus ou moins lointains de l'empire.
Le gin n'était pas un très bon alcool. Distillé de façon rudimentaire, il est trouble et on doit fortement l'aromatiser aux baies de genièvre et à la coriandre. On doit même le sucrer pour qu'il devienne buvable. Quoi de plus naturel que d'essayer de masquer ce fort goût de gin en ajoutant quelques adjuvants ...
Au 19ème siècle, de retour en Angleterre, après plusieurs campagnes dans les pays de l'empire colonial, les officiers de l'armée britannique conservent l'habitude qu'ils ont prise de consommer le gin lié à la quinine pour lutter contre la fièvre. Ils introduisent en Angleterre le Gin Tonic ainsi que de nombreuses autres boissons.
Sous le long règne de la reine Victoria, se développe également un nouveau type d'établissement : le gin palace, luxueusement aménagé, avec boiseries exotiques, glaces taillées et fauteuils confortables. On y sert du London dry gin, accompagné de soda, de tranches de citron, puis d'eau de quinine, l'ancêtre du tonic. D'autres compositions plus sophistiquées suivront ...
C'est donc dans une Angleterre à l'apogée de son influence que sont élaborés les premiers mélanges, alors qu'en France on ne connaît que le ratafia (eau-de-vie et jus de raisin) et certains vermouths (comme le Chambéry).
Les cocktails : synonyme de bon vivre
À la même époque, les États-Unis s'intéressent aussi aux cocktails. Paraît en 1862 à New York, le Bartender's Guide, le premier livre sur les cocktails, rédigé par un certain Jerry Thomas. Il y explique 236 recettes avant tout culinaires, dont treize seulement concernent les cocktails, définis comme "une invention moderne servie à des réunions de pêcheurs ou à d'autres occasions sportives".
La technologie va contribuer au fort développement des cocktails puisque c'est à partir des années 1870 qu'apparaissent les premiers appareils permettant d'obtenir de la glace artificielle, un ingrédient indispensable à tout cocktail digne de ce nom.
Très vite, les cocktails vont devenir l'apanage de lieux de qualité, tels les paquebots et les avions, fréquentés par une clientèle aisée. Elle apprécie de se voir servir des boissons sophistiquées, aux compositions savantes et peu accessibles au commun des mortels.
Dès la fin du 19ème siècle, le Manhattan et le Martini dry sont devenus des classiques sur les deux rivages de l'Atlantique. Ils symbolisent à merveille la rencontre entre plusieurs mondes : le vermouth italien se confronte avec le bourbon américain et le gin britannique. Le mélange devient union et symbolise l'essor d'un nouveau mode de vie.
En 1922, la guerre est finie depuis 4 ans, l'Europe s'amuse. Ce sont les "années folles" (the gay twenties), une vague d'optimisme délirant qui touche également les États-unis. C’est à cette période que sont créées les recettes devenues aujourd’hui incontournables : le Bloody Mary et le Side Car sont créés à Paris, respectivement en 1921 et 1924. On boit le Martini, le Gin Fizz, l'Americano, le John (ou Tom) Collins, le Manhattan, etc., dans le monde entier.
La prohibition
Au cours de cette période, les États-Unis connaissent la prohibition (1919-1933). Pendant plus d'une décennie, la consommation d'alcool est interdite par la loi (XVIIIème amendement) pour éviter l'ivresse due à la consommation de rhum. Ce combat contre l'ivrognerie n'a cessé de s'intensifier dans les milieux "bien pensants" nationalistes américains. Selon l'Ami Saloon League dite "progressiste", l'ivrognerie est le mal des sociétés européennes décadentes, importé aux États-Unis par les immigrants catholiques (Italiens, Irlandais, etc.), et il s'agit de restaurer une Amérique saine et démocratique. Tandis que la loi est adoptée par l'ensemble des États de l'Union, s'organisent les distilleries clandestines, la contrebande et les débits clandestins (speakeasies) qui rapportent d'immenses fortunes à leur propriétaire. Les gangsters s'y intéressent et leurs mitraillettes font la loi entre bandes rivales, face à des autorités municipales ou fédérales faibles et souvent compromises : c'est l'âge d'or d'Al Capone et du syndicat du crime.
Les alcools frelatés sont vendus très cher, mais les Américains les achètent. Ils sont rarement consommés tels, mais agrémentés de jus de fruits ou d'autres ingrédients afin de cacher l'alcool tant pour son goût que vis-à-vis des autorités en cas de contrôle. Dans les speakeasies, où l'alcool est consommé en cachette, l'imagination des barmen vient à l'aide du contrevenant en élaborant des recettes où l'alcool ne se perçoit plus: c'est le cas du Pussyfoot et de recettes similaires.
Les agences de voyages américaines se spécialisent dans les week-ends "mouillés" (wet) à Cuba, où l'on peut boire en toute impunité. La Havane devient pendant quelques années la capitale des cocktails (Daiquiri, Cuban, Cuba libre, etc.). Ce mouvement donnera naissance à une école cubaine du cocktail, qui survit encore aujourd'hui après quarante ans de castrisme. La leçon sera mise à profit par les barmen du monde entier, qui puiseront dans le registre exotique pour élargir leur palette de recettes.
Devant une telle désinvolture à l'égard de la loi, les autorités de l'Union décident d'abolir le 18 ème amendement en 1933.
Professionnels et amateurs
Tout en découvrant en permanence de nouveaux ingrédients tels que la vodka, la tequila, les fruits exotiques, les liqueurs sophistiquées, le monde des barmen va se professionnaliser à partir des années 1940. Apparaissent des organisations professionnelles (International Bartender Association), des règles de confection des cocktails et des concours de plus en plus sérieux et appliqués. L'imagination comme le savoir-faire sont sollicités, avec le concours des grandes marques de spiritueux, qui peuvent y trouver de nouveaux arguments pour valoriser leurs produits.
Actuellement, trois pôles dominent cet univers professionnel : les Anglo-Saxons, de par leur prééminence historique ; les Italiens, à qui le vermouth et de nombreuses liqueurs originales ont donné une maîtrise des arômes complexes ; les Français, qui, champions de l'accueil et de l'art de vivre, ont su hisser l'art du cocktail au niveau de leur réputation de meilleurs cuisiniers du monde.
Parallèlement, l'usage du cocktail se démocratise et, avec la société de consommation, les mélanges savants ne sont plus uniquement réservés aux happy few. Sans prétendre rivaliser avec les professionnels, de nombreux amateurs commencent à se risquer dans l'élaboration de recettes classiques, voire à improviser des compositions personnelles. De nos jours, la quasi-totalité des ingrédients sont disponibles facilement et presque partout. Quoi de plus convivial que de commencer une réunion familiale ou un dîner entre amis par quelques cocktails ! L'ambiance est tout de suite créée et permet de rompre la glace de manière attractive. Ce qui n'empêchera pas les amateurs de fréquenter les bars et établissements où officient les professionnels du cocktail. Ils y découvriront de nouvelles compositions très originales et apprécieront l'ambiance inimitable de ces lieux où la personnalité du barman et sa convivialité comptent autant que son talent.