Publié à 12:00 par acoeuretacris
Une Histoire tout récente née d'un lointain passé
Depuis le plus haute Antiquité, l'homme a considéré le sang comme un symbole même de la Vie, la "Rivière de Vie". On lui attribuait la possibilité de ranimer un organisme épuisé par l'hémorragie, de redonner, si ce sang était "jeune et frais", force et vigueur au vieillard, ou même le bon sens au fou. La transfusion du sang ou de ses composants est à l'heure actuelle une pratique courante. Mais, que de longs tâtonnements, depuis la découverte en 1628 par l'anglais Williams HARVEy du principe de la circulation sanguine, avant de parvenir à la sécurité dont bénéficie maintenant cette opération. On a longtemps pratiqué sur l'homme des transfusions de sang animal, avec des résultats le plus souvent catastrophiques, si bien que le Parlement de Paris, dut réglementer ces pratiques par un arrêt en date de 1668. Quelques tentatives artisanales continuent cependant à être effectuées ça et là. Elles ne reposent sur aucune vérité physiologique. Mais, en 1873, un premier pas est fait lorsque LANDOIS et MULLER démontrent que le sang humain mélangé à celui d'un animal s'agglutinait en amas visibles à l'oeil nu. Ces agglutinats traduisaient une incompatibilité qui entraînait la mort du sujet transfusé. A partir de cette date, on ne pratiquera plus que la transfusion d'homme à homme. Cependant, des accidents, dont la plupart étaient mortels continuaient à se produire, ou bien, à l'inverse, on assistait à des résurrections spectaculaires.
En 1900, LANDSTEINER fait une découverte capitale. Il constate la possibilité d'incompatibilité entre divers sangs humains, expliquant ainsi les succès et les échecs des transfusions. Il démontre que le sang contient deux sortes de substances particulières : les agglutinogènes dans les globules rouges et les agglutinines dans le sérum.
Les études de HECKTOEN, de SCHULTZ, et surtout celles de OTTENBERG en 1911, démontrent qu'il faut tenir compte des groupes d'isoagglutination pour injecter du sang aux malades. Les groupes I, II, III, IV sont déterminés. Aujourd'hui, ils sont appelés AB, A, B, O.
Les premières transfusions médicales
Les transfusions de sang sont faites jusqu'alors de bras à bras ( Transfusion sanguine directe ), cette méthode de transfusion fut mise au point en 1898 par CRILLE, elle consiste à relier une artère du Donneur à une veine du malade, soit par une canule, soit par une suture qui entraînait pour le Donneur la perte définitive de son artèreradiale.
En 1902, le Français FLEIG employa, pour la première fois, du sang rendu incoagulable, parce que « défibriné » pour la transfusion sanguine. Cette méthode fut abandonné rapidement.
Le 16 Octobre 1914 eut lieu, à l'Hôpital de Biarritz, la première transfusion sanguine directe de la première guerre mondiale : Isidore COLAS, un breton en convalescence à la suite d'une blessure à la jambe, sauve par le don de son sang le Caporal Henri LEGRAIN du 45ème d'Infanterie, arrivé exsangue du Front. Leurs sangs devaient être compatibles puisque l'opération réussit. A la fin de 1914, 44 transfusions avaient été pratiquées en France selon ce procédé, avec des résultats intéressants, malgré la méconnaissance complète des groupes sanguins.
Le problème de la conservation et du transport du sang avait fait l'objet, au début du siècle, des recherches d'ARTUS, PAGES et PECKELHARING.
Dès 1914, HUSTIN utilise les propriétés anti-coagulantes du citrate de soude. Au début de 1917, HEDON, médecin de Montpellier, démontre que la transfusion citratée est possible. Les 13 et 15 mai de cette année, JEANBRAU pratique avec succès les trois premières transfusions de sang conservé.
Mais de l'utilisation du sang total, les chercheurs en vinrent très vite à la possibilité d'emploi de ses éléments séparés. Dès 1916, ROUX et TURNER préconisaient la transfusion d'hématies isolées du plasma, lorsqu'il existe une anémie avec masse sanguine normale.
Rappelons aussi que ce sont les Français : RICHET, BRODIN et SAINT-GIRONS qui, les premiers, dès 1918 démontrent expérimentalement l'intérêt des injections de plasma.
Plus tard, le plasma fut utilisé dans le traitement des brûlés.
Le Docteur Arnault TZANK, mobilisé à l'ambulance chirurgicale du Professeur GOSSET, y apprend les réussites de JEANBRAU et s'enthousiasme pour ses méthodes. Dès la fin de la guerre, il se consacre aux problèmes de la transfusion. Il organise en 1923 le premier centre de Tranfusion à l'hôpital Saint-Antoine de Paris, avec quelques donneurs de bras à bras et crée « L'oeuvre de la Tranfusion Sanguine d'urgence ».
Les premiers résultats qu'il obtient sont spectaculaires : en 1924 le nombre des morts par hémorragie chez les accouchées de cet hôpital diminue de douze à une.
Cet établissement, qui a pris en 1926 le nom de « Centre de Transfusion Sanguine et de Recherches Hématologiques », reçoit l'année suivante sa consécration officielle par la reconnaissance d'utilité publique.
Le pavillon DEUTCH de la MEURTHE y ouvre ses laboratoires à la recherche systématique.
Dès lors, les progrès seront possibles grâce à la ténacité et à l'abnégation des chercheurs, à l'enthousiasme et à la générosité des "Donneurs" qui apportereront à la science leur contribution bénévole et efficace.
En cette année, 270 transfusions de bras à bras au moyen d'une seringue sont réalisées dans la région parisienne. Une trentaine d'années plus tard il y aura à Paris 200 000 dons de Sang.
Cette progression est identique sur tout le territoire, elle débute dans les villes de facultés où se trouvent les grands services d'hématologie, plus particulièremement à Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Strasbourg où s'organisent les structures de véritables centres de Transfusion Sanguine régionaux ou départementaux comme à Auxerre, Saint-Etienne, Saint-Germain.
A Bordeaux, dès 1934, JEANNEREY, est le premier à préparer et à utiliser du sang conservé, avec RINGEBACH.
Au début de la seconde guerre mondiale, le centre de Saint-Antoine recueille le sang de volontaires dans des ampoules citratées que l'on utilise surtout dans les grands centres chirurgicaux de l'Arrière. En 1944, consacré "Centre National de la Transfusion Sanguine", il organise le ravitaillement en sang des organismes de réanimation du front de l'Ouest et de la première Armée Française en Alsace et dans les Vosges, où il prend le relais des centres d'Alger, de Tunis et de Rabat créés en 1943 sous l'impulsion de BENHAMOU aidé par STORA et JULLIARD. Les premières "Journées du sang", qui sont organisées dans les grandes entreprises nationales et la population française dans les zones libérées, soulèvent un admirable élan qui unit le Front et l'Arrière : train, puis ambulance, puis Jeep, jusqu'aux postes sanitaires les plus avancés, avec, pour seul idéal, "que nul blessé ne meure faute de sang". Il n'est alors utilisé que du sang de groupe O conservé en flacon de verre et du plasma sanguin liquide. Pendant ce temps, les Américains et les Anglais mettent au point la fabrication du plasma sec
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Entre temps, WIENER et LANDSTEINER ont découvert en 1940 un nouvel agglutinogène, qu'ils rendent responsable d'accidents inexpliqués de la transfusion et qu'ils appelent Facteur Rhésus, ou Rh.
En 1946, COHN mettait au point les techniques de fractionnement des constituants du plasma sanguin qui sont principalement : le fibrinogène, les gammaglobulines, l'albumine.
Les Journées du Sang
Après la fin du conflit mondial, la Transfusion Sanguine connaît en France des temps difficiles. Les nouvelles méthodes de transfusion-réanimation exigent de grandes quantités de sang. Or, le corps médical a tendance à revenir à la transfusion directe.
L'emploi du sang frais continue à avoir de nombreux partisans, celui du sang conservé n'est pas en pratique courante.
Dans les hôpitaux on manque de sang. Les donneurs de "bras à bras" sont trop souvent sollicités en urgence et l'on ne conserve en flacon de verre que le sang de quelques donneurs "occasionnels".
Comment répondre aux demandes croissantes ?
La solution naît d'un accident fortuit et douloureux.
En mars 1949, une explosion brûle gravement trois personnes dans une petite usine de Vincennes. Elles sont traitées avec du plasma liquide en très grandes quantités. Le Maire de Vincennes, au chevet de ses administrés, apprend que le plasma provient du sang recueilli au Centre de Saint-Antoine dirigé par le Docteur Arnault TZANK.
Il propose que les Vincennois viennent offrir leur sang au centre de prélèvement.
Tout au contraire, il est décidé qu'ils ne se rendront pas à Paris. C'est au centre de se déplacer vers eux. Il faut qu'on établisse à l'hôtel de Ville un centre de prélèvement temporaire pour que tous les volontaires puissent venir offrir leur sang.
Par la suite, on informera largement le Grand Public par voie d'affiches, de radio, de films, de conférences et l'on encouragera la création de la toute jeune "Association des Donneurs de Sang Bénévoles".
Cette année-là, la Transfusion Sanguine civile prendra son essor en France.
De grands centres régionaux se créent dans la plupart des villes de Facultés et avec le concours de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale et l'aide du Ministère de la Santé, le Centre National s'installe rue Alexandre Cabanel ( Paris XVème).
Cet établissement devient une véritable usine de production des dérivés du sang, le plus important centre de recherches hémobiologiques, avec ses laboratoires hautement spécialisés. On y délivre un enseignement pour les médecins, futurs chefs de centres de Transfusion Sanguine.
En même temps commence à se relier le "réseau transfusionnel" Français, avec ses cabines fixes et ses équipes mobiles de collecte de sang. La Croix Rouge Française participe activement à cette action, avec les donneurs de sang bénévoles. Toute une organisation nouvelle doit être créée, un matériel spécialement adapté doit être conçu.
Par tout les temps, été comme Hiver, jour et nuit, loin de leurs foyers, sur toutes les routes de France, mais surtout poussées par un dévouement opiniâtre et sans faille, les équipes Mobiles animées du même idéal que leurs prédécesseurs, collectent en tous lieux afin que : "Nul ne meure faute de Sang".
Après Vincennes, en 1949 ils sont des milliers de mineurs à s'être rendus à Merlebach pour y faire don de leur sang, puis cela fut le tour de ceux de l'Est, du Nord, du Pas-de-Calais, avant celui des ouvriers de la sidérurgie, de l'industrie automobile. Les grandes villes sont appelées à constituer ce que l'on va bientôt désigner sous le terme de maillon de la "chaîne du sang" : Dunkerque, la première, en 1950, puis des centaines d'autres, aux quatre coins de la France. A Abbeville, 4853 donneurs, soit 43% de la population, se présentent en trois jours.
L'élan fraternel est donné. Quels sont les sentiments qui animent ainsi les milliers de donneurs de sang répertoriés en France dès la création de l'oeuvre Nationale de la Transfusion Sanguine ? Qu'est ce qui peut bien motiver ces volontaires à faire régulièrement don de leur sang, sans aucun profit ?
Avant tout il y a chez eux le désir de participer à une oeuvre exaltante de solidarité; la certitude de rendre un service utile et de remplir son devoir d'homme sain face au malade ou à l'accidenté; la satisfaction surtout d'accomplir une geste anonyme et bénévole à l'égard d'un inconnu.
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