Vue aérienne de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, le 20 février. SEBASTIEN BOZON / AFP
Après des années de débats, le réacteur n° 1 de la centrale de Fessenheim va être définitivement mis à l’arrêt vendredi Le démantèlement de la plus vieille centrale nucléaire de France va être long : il doit se poursuivre au moins jusqu’en 2040.
Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 10h09, mis à jour à 14h21
Le réacteur n° 1 de la centrale de Fessenheim, plus ancienne centrale nucléaire française en activité, doit être définitivement mis à l’arrêt dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 février.
L’opération doit commencer à 20 h 30 ce vendredi et s’achever à 2 heures du matin samedi. Elle mettra un point final à des années de remous, de débats et de reports sur le sort de la centrale alsacienne, bâtie dans les années 1970, tout près de la frontière avec l’Allemagne.
« Une équipe de quart, composée de dix à quinze à personnes », doit lancer le processus d’arrêt du réacteur, a expliqué à l’Agence France-Presse une source syndicale au sein de la centrale. « Pour l’ensemble du personnel de quart, cette nuit d’arrêt du réacteur n° 1, réaliser les gestes pour le découpler définitivement sera quelque chose de très difficile à vivre. »
Mais certains salariés menacent de désobéir et de ne pas appliquer les procédures d’arrêt du réacteur à eau pressurisée de 900 mégawatts (MW). « Dire si réellement certains agents refuseront de le faire, c’est une initiative personnelle pour laquelle je ne peux pas me prononcer », explique la source syndicale. Un autre salarié estime « complètement impensable » que les procédures ne soient pas respectées. « C’est une question d’honneur. Le travail sera fait et bien fait. Tout le monde suivra les ordres. »
« Je compte sur le professionnalisme, l’engagement et le sérieux des salariés d’EDF » a déclaré de son côté la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, lors d’une conférence de presse à Colmar.
Le réacteur n° 2 arrêté le 30 juin
Si la procédure suit son cours normalement, la puissance du réacteur doit baisser progressivement et il sera déconnecté du réseau électrique national lorsqu’il sera descendu à 8 % de sa puissance habituelle.
La procédure est identique à celle d’une opération de maintenance classique. Mais, cette fois, aucune remise en service n’aura lieu. Le réacteur n° 2 doit, lui, être arrêté le 30 juin.
Un décret publié au Journal officiel mercredi « abroge l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim dont EDF est titulaire », inscrivant noir sur blanc le caractère définitif de cet arrêt.
L’évacuation du combustible de la centrale sera, selon le calendrier prévu, achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l’échelle d’une centrale entière qui devrait commencer à l’horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu’en 2040.
Pour Matignon, la fermeture de Fessenheim « constitue une première étape dans la stratégie énergétique de la France, qui vise un rééquilibrage progressif » entre les différents types d’énergies, avec une diminution progressive de la part du nucléaire – actuellement de 70 %, la plus importante au monde – et une augmentation de celle de l’électricité d’origine renouvelable.
Mais la polémique sur le bien-fondé de cette fermeture ne va pas cesser avec l’arrêt du réacteur n° 1.
Protestation des pro et des antinucléaires samedi
Samedi, les associations de défense de l’environnement, hostiles depuis des années à cette centrale, tiendront une conférence de presse à Colmar dans la matinée. Puis elles se rassembleront dans le centre de Strasbourg l’après-midi, rejointes notamment par l’association écologiste allemande Bund. Celle-ci a prévu de déboucher le sekt (vin mousseux allemand), mais pas avant l’arrêt du deuxième réacteur, le 30 juin. « L’arrêt de cette centrale moribonde est un motif de célébration transfrontalière, mais pas un motif de triomphe », le combustible radioactif restant présent encore plusieurs années, a-t-elle commenté.
A l’inverse, le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger a demandé aux salariés « pardon pour ce choix irresponsable dont vous êtes les premières victimes ». Quant à la ministre de la transition écologique Elisabeth Borne, qui se rend vendredi dans le Haut-Rhin, elle a assuré qu’il n’y aurait « aucune perte d’emploi ».
Samedi matin, pourtant, les élus locaux iront brandir une banderole au pied de la centrale, réclamant que l’Etat n’abandonne pas ce territoire abreuvé depuis quarante ans par les taxes versées par EDF. Ils redoutent que des centaines de familles dotées de revenus confortables ne le quittent.
Les élus seront suivis dans l’après-midi par des associations pronucléaires qui veulent « protester contre cet acte de vandalisme climatique et environnemental ».
Douze réacteurs supplémentaires, sur les 58 que compte la France, doivent être arrêtés d’ici 2035, sans toutefois conduire à des fermetures complètes de centrales comme à Fessenheim.
Dans la petite commune de moins de 2 500 habitants, l’éclairage public sera éteint toute la nuit de vendredi à samedi. Une « plongée dans le noir » qui symbolisera un territoire « qui n’a pas beaucoup de lueurs d’espoir », a expliqué son maire, Claude Brender.