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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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Tout le contraire d'un "vieux tableau"
Marque de produit en 1973, la Laitière s'arroge aujourd'hui la première place dans le coeur des Français pour les desserts ultrafrais. Traduction de son succès, l'équivalent d'un million de boules de glaces sont consommées tous les jours en France sous cette même marque. Quand une laitière devient cuisinière, en traversant plusieurs révolutions…
Boîtes de lait condensé pour divers pays vers 1900
Décrivez une femme aux formes généreuses avec des bras blancs veloutés, vêtue d'une coiffe et de linges jaune et bleu, versant, en pleine lumière, du lait crémeux dans un pot d'argile. C'est la Laitière qui vient à l'esprit.
Le yaourt la Laitière ? Une évidence ! Un petit pot de crème au chocolat la Laitière ? Une autre évidence! Un sorbet nectarine la Laitière? Une évidence encore! La force d'une marque réside, en partie, dans sa faculté d'être, par son offre incontournable, une réponse incontestable à une tendance de consommation parfois en gésine. Elle fonde souvent sa singularité en s'inscrivant à contre-courant des codes du marché. Sa pérennité se juge à l'aune de la pertinence de ses innovations et au volontarisme des équipes qui l'animent. Sans oublier l'imprégnation de son imaginaire chez les consommateurs, qui deviennent ses ambassadeurs. Décrivez une femme aux formes généreuses avec des bras blancs veloutés, vêtue d'une coiffe et de linges jaune et bleu, versant, en pleine lumière, du lait crémeux dans un pot d'argile. Dans un réflexe quasi pavlovien, c'est la Laitière qui vient à l'esprit. Elle est devenue si proche des consommateurs que l'on pourrait gommer le nom "la Laitière" inscrit sur l'emballage sans porter préjudice à la marque, celle-ci étant intimement liée à son icône. Supprimer l'icône conduirait au contraire à promouvoir une marque au nom trop générique.
Premiers pots de
verre La Laitière
Evidence, aujourd'hui, défi hier
Pour autant, rien de moins évident quand, jeune chef de produit chez Chambourcy(1), Jean-Claude Marcantetti interpelle, en 1971,Gérard Lotto, alors responsable de fabrication: J'ai une idée, nous allons faire du yaourt au lait entier en pot de verre"(2). "A l'époque, raconte-t-il, plus de la moitié des yaourts consommés était du yaourt nature conditionné en pot de carton ou de plastique. Sur un marché composé de trois segments, yaourt étuvé à 11 g de matière grasse par litre, yaourt étuvé à 0 % de matière grasse et yaourt brassé, j'ai pensé qu'il y avait une place pour un quatrième segment avec une image haut de gamme, grâce à des qualités gustatives immédiatement reconnues par le consommateur. J'en suis venu à la composition de lait entier, où le taux de matière grasse était de 34 g par litre."
Plaque émaillée - fin 19e
Cette révélation lui vient également de la découverte, à Marseille, d'un yaourt vendu en pot de carton sous le nom de la Fermière, qui, sans être au lait entier, présentait un goût meilleur que les produits concurrents grâce à une quantité de matière grasse supérieure à la moyenne utilisée. Cette suggestion semble alors aux antipodes des usages, aussi bien commerciaux – les yaourts sont à base de lait écrémé – que techniques – ils sont vendus dans des pots en plastique ou en carton (12 cl.). Revenir au verre donnerait au produit une image veillotte, et des soucis à la direction de la fabrication, inquiète du moindre morceau de verre brisé dans le produit. Malgré les doutes et les réticences des équipes de Chambourcy, Jean-Claude Marcantetti parvient à ses fins en 1973, en singularisant son produit par une contenance plus importante (15 cl.), vendue à l'unité, non consignée(3) et à un prix de 50 % supérieur à la moyenne des yaourts nature: "La contenance de 15 cl était un pari, alors que tous les pots étaient en 12 cl, mais après examen je me suis rendu compte que pour un produit vendu à l'unité l'impact sur le linéaire serait plus fort et mettrait davantage le produit en valeur."
Commercialisé en juin 1973, le yaourt avait été testé en verre et en carton paraffiné, en région parisienne. Très vite, le verre, symbole de tradition, supplante le carton. Un nouveau code est lancé. Les yaourts des autres marques au lait entier seront, plus tard, commercialisés en pot de verre. Surtout, le produit semble trouver ses consommateurs, grâce à ses qualités organoleptiques. Ne sont-ils pas alertés par des campagnes contre la présence de colorants et de conservateurs dans les produits laitiers et la confiserie ? L'heure est au retour à la nature,au produit sain, authentique, fait "comme autrefois", "à l'ancienne"(4). Après le choix du contenu et du contenant, il reste à donner un nom à ce yaourt. Ce sera "La Laitière", nom découvert par Jean-Claude Marcantetti dans le catalogue des marques de Nestlé. Elle remonte aux années 1870, quand l'Anglo-Swiss Condensed Milk Co. commercialisait du lait concentré, sous le nom de Milkmaid, Milchmäddchen ou La Lechera. La fusion avec Nestlé, en 1905,conduit au déclin progressif de Milkmaid au profit de Nestlé(5). Signe que le groupe suisse croit en l'avenir de ce lait entier, et"malgré le scepticisme du directeur du marketing et du directeur général de Chambourcy", se souvient Jean-Claude Marcantetti, il donne son accord pour redonner vie à la marque.
Les premiers pots se singularisent par une paysanne chaussée de sabots, une cruche de lait dans chaque main. "C'est un produit "désindustrialisé", qui anticipe la vague des produits du terroir", se souvient Michel L'Hopitault. C'est à son agence, Effivente, que Chambourcy confie la création d'un territoire publicitaire. Philippe Auroir, directeur de l'agence, songe à un tableau, une pastorale XVIIIe siècle, "façon Marie-Antoinette à Trianon, le retour à la nature prôné par Jean-Jacques Rousseau". "A l'époque, d'autres marques utilisaient la peinture dans leur communication, rappelle-t-il. Nous feuilletions un ouvrage d'art à la recherche de la perle rare, quand une secrétaire, passant dans le bureau, mit le doigt sur la Laitière de Vermeer(6 ) en criant "C'est ça !". Un tableau que nous avions vu plusieurs fois sans y prêter attention !". Quoi de mieux que cette femme nourricière versant du lait, symbole de chaleur et de générosité ! "Au début,nous ne pensions pas que ce tableau aurait une durée de vie si longue dans la communication." La première publicité télévisée, en 1974, anime la Laitière versant du lait dans le pot, sur un air de flûte: "Comme autrefois, Chambourcy prend du bon lait entier pour préparer de bons yoghourts nature. La Laitière, un yoghourt au bon lait entier. La Laitière, un chef-d'oeuvre de Chambourcy." "Les campagnes d'affichage et d'abribus remportent un franc succès, à tel point que, par exemple, la Ville de Brest accorde une semaine gratuite à la marque", se souvient Philippe Auroir.
Fromage de faisselle moulé à la louche - 1986
"Nous ne pensions pas que ce tableau aurait une durée de vie si longue dans la communication."
Lancement - 1994
Du "blanc" au "non-blanc", une marque transversale
Nourricière, la Laitière est également féconde. Aussi va-t-elle ajouter progressivement à son yaourt nature au lait entier bien d'autres produits "blancs"puis "non blancs". Entre 1969 et 1975, Nestlé France place quelques hommes, mais les résultats financiers de Chambourcy accusent en 1975 les effets du premier choc pétrolier, entraînant le retour aux commandes des anciens dirigeants de Chambourcy dont son président, Jacques Benoit, jusqu'en 1985. Durant cette période, l'objectif est de créer une marque de gamme forte autour de Chambourcy et de ses marques filles, la Laitière, Kremly, Flanby, Viennois, Sveltesse, dans un univers concurrentiel qui compte Mamie Nova, La Roche aux Fées, Danone, Gervais ou Yoplait.La Laitière propose le yaourt sur coulis de fruit en 1979, arrêté en 1984 en raison d'un trop faible tonnage puis relancé.
Les premières campagnes télévisées mettent l'accent, de 1977 à 1979, sur la spécificité du produit,le yaourt au lait entier. A partir de 1979, la marque joue sur le registre de la tradition et de l'authenticité, avec des campagnes de presse et d'affichage vantant les mérites d'"un bon yaourt comme autrefois": "L'authentique laitière, c'est Chambourcy." Au même moment, l'icône de Vermeer figure sur l'étiquette du pot en verre.
Première révolution : la Laitière devient le symbole de la marque. Jusqu'en 1983, les films publicitaires animent cette laitière dont les gestes illustrent l'authenticité de la fabrication. La Laitière joue aussi la carte de la douceur maternelle, avec des films sur le thème de l'allaitement et la transmission de "maman à petite fille". "Durant cette première période, le yaourt en pot de verre demeure la seule locomotive de la marque.", rappelle Jean-Claude Marcantetti.
1996
Au début des années 1990, la gamme propose une vingtaine de produits en pot de verre ou, pour certains comme le gâteau de riz, en pot d'aluminium.
La révolution stratégique, pour la Laitière,date de 1986, quand Chambourcy fusionne avec La Roche aux Fées(7). "Il s'agit de définir une nouvelle gamme commune entre les deux sociétés sous l'ombrelle Chambourcy, conduisant à faire des choix en matière de produit, de référence, de conditionnement, de recette et de marque, avec comme impératif de ne perdre aucun tonnage. Exercice délicat, dans la mesure où les deux entreprises commercialisent la totalité des variétés dans vingtcinq segments !", se souvient Gilles Pacault, alors directeur du marketing. Détenant une position de leader des yaourts en pot en verre, la Laitière est laissée sur ce segment premium. Son territoire s'enrichit avec la crème fraîche (ex-La Roche aux Fées), le fromage frais faisselle moulé à la louche (1986), la relance des petits suisses (abandonnés au bout de deux ans car le segment est dominé par Gervais avec 70 % du marché) en 1988, et la même année les yaourts sur divers coulis de fruits et de miel, et d'autres aux arômes de fruits (citron…). "En 1987, la relance de la marque Chambourcy, après treize ans de silence publicitaire, se fait avec un slogan commun, "Chambourcy, oh oui !", et une musique elle aussi commune à l'ensemble des marques filles, mais adaptée à chacune(8)", rappelle Gilles Pacault, maître-d'oeuvre de ce tournant.
Quand certains ne jurent que par le maintien strict de la Laitière dans l'univers des produits blancs, la marque devient transversale, étendant son territoire aux produits "bruns" ou desserts laitiers frais. Pour autant, cette première grande extension est en cohérence avec l'humus de la marque, proposer des recettes authentiques, faites comme autrefois: "La laitière de Chambourcy, le passé n'a jamais été aussi présent. Chambourcy,oh oui !"
C'est dans des ramequins en verre que la Laitière commercialise en 1989 des entremets cuits et dorés au four, selon les recettes traditionnelles à base de lait, des grands gâteaux en moule aluminium faits comme à la maison, prêts à être présentés et partagés. La même année, la crème caramel aux oeufs frais Chambourcy en pot de verre passe sous la marque la Laitière(9). Au début des années 1990, la gamme propose une vingtaine de produits en pot de verre ou,pour certains comme le gâteau de riz, en pot d'aluminium(10). Sur le plan publicitaire, la marque disparaît du petit écran mais demeure en presse et en affichage.
La gourmandise sous l'ombrelle de Nestlé
Une troisième révolution advient pour la Laitière quand, en 1996, Nestlé se substitue à Chambourcy pour devenir la marque internationale des produits laitiers frais. "Nestlé, c'est bon la vie"signe désormais toutes les campagnes, avec le jingle de Chambourcy. Arnaud de Belloy (directeur général commercial de Nestlé France), alors directeur du marketing, se souvient: "De quinze marques, nous sommes passés à cinq. Nous avons ajouté à la dimension pureté de la Laitière, marque alors devenue prioritaire pour Nestlé, une dimension gourmandise." La même année, la Laitière signe les Petits Pots de crème au citron, saveur vanille, et au chocolat, avec, ce qui est nouveau, du lait, des oeufs et du sucre. Ils sont bien sûr cuits au four dans leurs ramequins en verre. "Avec les Petits Pots,le succès a été tout de suite au rendez-vous. Notre conseiller, le pâtissier Michel Guérard, a jugée la recette excellente. On était obligé de décaler les publicités et les actions promotionnelles, car nous n'arrivions pas à suivre la demande", se souvient Arnaud de Belloy. La marque lance également le premier gâteau au chocolat en entremets individuel et deux nouveaux entremets, le flan aux pommes caramélisées et le gâteau au citron. Leader avec 70 % du marché des yaourts en pot verre, la Laitière, numéro un avec le riz et la semoule au lait, s'arroge 40 % du marché au rayon frais pour ces deux produits.
La campagne orchestrée en 1997 par l'agence Ogilvy, qui vient de succéder à FCB, participe de cette expansion. "Avec Nestlé, nous avons enfin les moyens financiers pour communiquer. L'objectif est de contrecarrer l'offensive de Charles Gervais, présenté dès 1993 comme un chef pâtissier exigeant, mais également celle de Yoplait", résume Arnaud de Belloy. L'agence imagine de transformer la sage laitière en héroïne qui change le cours de l'histoire par le fumet de ses recettes. La saga commence avec la Révolution française : des révolutionnaires vont prendre la Bastille quand ils sont arrêtés dans leur élan par l'odeur, au choix, de la crème caramel ou des yaourts. "L'histoire attendra que je finisse cette crème au caramel", tranche un sans-culotte. "Son petit pot de crème restera dans l'histoire", conclut la publicité. "Pour évacuer l'image parfois sanglante de la Révolution française, nous avons choisi le ton de l'humour."
Au reste, la Laitière, personnage intemporel, peut changer le cours de choses en dehors des périodes révolutionnaires, comme l'attestent les publicités ultérieures, "Le clafouti aux cerises du roi : ce clafouti est une trouvaille ! – Non sire, c'est une révolution" ou celle de "Ravaillac"(11). Elle peut être aussi source d'inspiration quand, en 2002, grâce à Douceurs de lait, Rouget de Lisle crée la Marseillaise en tapant avec sa cuillère sur les petits pots. Et de conclure: "La laitière restera dans l'histoire." La révolution n'épargne pas l'emballage. En 1998, la Laitière quitte son tableau format timbre poste pour faire corps avec l'ensemble du packaging.
Après plusieurs années d'absence de Nestlé sur le segment des yaourts aux fruits, le groupe lance en août 2003 les yaourts la Laitière Fruits pâtissiers, qui marient la catégorie des desserts avec celle des yaourts(12). La publicité transporte la Laitière dans un banquet médiéval au cours duquel deux seigneurs se querellent sur la place de la tarte ou du yaourt dans ce nouveau produit. Avec cette gamme en pot plastique, la Laitière abandonne le pot en verre. Révolutionnaire! Pour autant, il est des révolutions sans lendemain. Celle, entreprise en 1999, qui étend le territoire de la Laitière au rayon épicerie, alors dominé par Mont Blanc et Yabon. Pari risqué, car le marché des desserts prêts à consommer en conserve chute en volume de - 15 % entre 1996 et 1997 et de 4 % entre 1997 et 1998. Sans investissements publicitaires, la marque y propose quatre desserts laitiers appertisés, à base de riz et de semoule. La vente de Mont Blanc, en 2003, met fin à l'aventure. Autre diversification vite abandonnée, la tablette de chocolat au lait lancée en septembre 2002. Peut-on proposer la Laitière non plus au lait entier mais au lait demi-écrémé ? Extension risquée, mais tentée en 2003. Commentée façon Actualités Gaumont des années cinquante, la Laitière propose, en avril de cette annéelà, dans un écran signé Patrice Leconte, la "révolution pour les femmes", des desserts au lait demi-écrémé. Fini le corset, "elles peuvent désormais porter une tenue légère et décontractée". Malgré un message pertinent, le produit ne trouvé pas sa place. Du danger de trop tirer une marque en oubliant ses fondamentaux…
L'expertise de la cuisinière apportée aux glaces
2002 connaît la quatrième période révolutionnaire pour la Laitière: l'univers des glaces. "Son entrée sur ce marché se justifie par le fait qu'elle apporte quelque chose de nouveau. Le segment des glaces en bac est alors dominé par Carte d'Or et par les marques de distributeurs. Il souffre d'une baisse des volumes depuis plusieurs années, car en termes de qualité les marques proposent des produits standardisés. Les consommateurs souhaitent retrouver un vrai plaisir et découvrir de nouveaux parfums. Il y a un vrai besoin non satisfait par l'offre", explique Bernard Tual, directeur marketing de Nestlé Glaces(13).
Très ancré dans la culture de chaque pays, le marché de la glace présente des disparités en termes de niveau de consommation et d'attentes. La France est le pays européen qui consomme le moins de glaces, mais elle le fait pour le plaisir, le bien-être, la sensation – une cinquantaine de parfums dans les bacs –, alors que la Finlande, plus grand consommateur européen, voit dans la glace l'équivalent du yaourt en France. Pour Nestlé, l'enjeu est triple. "D'abord identifier la glace la plus proche du goût français, tout en proposant du neuf en parfum,car le marché de la glace fonctionne un peu comme celui de la mode, les consommateurs aiment la nouveauté. Il faut ensuite se fonder sur la culture culinaire française, celle du dessert. Enfin, il faut choisir une marque face à Carte d'Or, marque statutaire mais qui manque d'émotion", résume Bernard Tual. Exquise, qui ne détenait que 12 % du marché des glaces en vrac contre 36 % pour Carte d'Or, est abandonnée au profit de la Laitière, gage d'onctuosité, d'authenticité et d'émotion.Une prise de risque importane. Toutes les recettes sont refaites.
"Tourbillon de fruits doit être au
sorbet ce que les recettes pâtissières
sont à la crème glacée classique"
La Laitière débarque dans le vrac avec une gamme classique(14 ) dans un format bac aux courbes arrondies et comme slogan "Le vrai bon goût des vraies bonnes choses". Une année lui suffit à franchir le cap des 18 % du marché, en bénéficiant de la force commerciale d'Exquise. Pour nourrir son ambition de devenir un acteur incontournable sur le marché du vrac, elle doit innover. Le cap est mis en 2004 sur les desserts, avec la gamme des Gourmands, un nouveau segment proposant des recettes avec une note pâtissière et pour fer de lance la crème brûlée.Sur le plan publicitaire, contrairement à ce qu'elle faisait à l'origine, la marque ne se contente plus de la reproduction du Vermeer comme signe de culture et de qualité. Elle propose aux consommateurs un voyage numérique: puisque les glaces et les yaourts sont des oeuvres d'art, l'action se situe non dans une cuisine mais dans un musée, avec son inévitable touriste japonais. L'oeuvre de Vermeer est si fascinante que tous ceux qui la regardent sont happés et emmenés de l'autre côté du tableau. A ceux qui ont tenté l'expérience de la traversée, la Laitière en personne offre des glaces tout juste faites. Signature: "La Laitière fait de chaque glace une émotion."
Extension du territoire
Lancée sur le marché en 2005, la Laitière Tourbillon de fruits propose une nouvelle gamme dans l'univers du vrac(15). Pour la première fois,une marque de glace crée une catégorie, le "fruit gourmand", par le mélange de contrastes et de textures entre mousse, sorbet et coulis: sorbet cassis, mousse mûre, coulis de fruit rouge (trois textures et trois parfums). "Tourbillon de fruits doit être au sorbet ce que les recettes pâtissières sont à la crème glacée classique", résume Bernard Tual. Il s'agit de surprendre par le mélange des couleurs et par celui des parfums. Pour la première fois, en 2005, Publicis, agence historique de Nestlé pour les glaces, met en scène le personnage de la Laitière en extérieur, dans une scène champêtre, "pour donner à l'icône une image fraîche en cohérence avec la gamme Tourbillon de fruits", explique Bernard Tual. Assise avec ses amies dans un parc, près de paniers de fruits, la Laitière met en oeuvre son savoir-faire grâce à une idée tirée de l'inadvertance des enfants qui,jouant à la balle, renversent deux paniers.
Le savoir-faire de la Laitière s'enrichit quand Nestlé achète, en 2003,le glacier américain Dreyer's et sa technique révolutionnaire baptisée Low Temperature Freezing (LTF). Cette méthode de brassage lent à très basse température permet d'obtenir naturellement une glace onctueuse mais avec moins de crème, tout en renforçant le goût originel du parfum. Conséquence sur le plan des calories: la glace vanille passe de 119 à 106 calories, la chocolat de 143 à 115, la café de 137 à 110 et la nougat de 134 à 125.
Autour de la nouvelle gamme des Classiques, un film de l'agence Marcel (groupe Publicis) communique: "Onctueuse et légère. Lentement fouettée." C'est la même agence qui promeut, en 2006, le "Craquant", toujours fabriqué par la Laitière dans sa cuisine. "La Laitière ? Elle n'a pas fini de nous surprendre !" La preuve? Chassant sur les terres de Magnum, elle entre sur le segment du bâtonnet, produit déambulatoire d'impulsion, avec le Craquant chocolat, décliné dans une forme inédite en cinq saveurs et une ganache au chocolat truffée de nougatine. Répondant au souci sanitaire des consommateurs, la Laitière propose, en 2008, six nouvelles références de sorbets(16). "Les Français ne veulent pas entendre parler de glaces allégées, mais la tendance aux produits bienêtre se confirme", analyse Bernard Tual. La Laitière lance le "pur sorbet", révolution sur le plan gustatif car plus riche en fruits, et révolution sur le plan nutritionnel car moins riche en sucre (– 20 % par rapport à la moyenne des sorbets). "C'est un défi technique, car la glace est comme une cathédrale, il lui faut une architecture sucrée pour tenir", explique Bernard Tual. Comme le souligne Simone Prigent, directrice du département nutrition de Nestlé, "l'innovation des sorbets participe de la volonté du groupe d'aller vers le plaisir et le bien-être." Cette démarche est illustrée par le bouton nutritionnel présent sur tous les emballages depuis 2008. La publicité, gérée par l'agence JWT depuis 2007, nous le promet : "La laitière a trouvé le juste équilibre." Elle le prouve aussi en ouvrant les portes de la cuisine pour montrer aux enfants comment se fait la glace. "Auparavant, la communication des glaces cachait la fabrication, qui devait rester mystérieuse. La Laitière prend le contre-pied", explique Bernard Tual.
Craquant et fondant - 2006
Contre-pied également dans le mode de distribution. Commercialisée jusqu'alors comme simple produit dans l'univers de la restauration hors foyer(17), la Laitière accroît sa visibilité en entrant en tant que marque dans les restaurants, traditionnels et chaînes intégrées (Accor, Courtepaille…), soit vingt deux mille points de contact, avec comme promesse : "Comme pour tout, votre restaurateur choisit le meilleur."
L'ultrafrais chez Lactalis
L'union fait la force. Nestlé ne l'ignore pas qui, avec 11 % des produits laitiers frais, peine face aux 30 % de Danone et aux 30 % des marques de distributeurs. Même si la Laitière s'arroge la première place dans les desserts ultrafrais avec 16,5 % du marché en valeur. Le groupe suisse décide, en décembre 2005, de s'allier à Lactalis (ex-Groupe Besnier) dans une filiale commune, Lactalis Nestlé Produits Frais (LNPF), contrôlée à 60 % par Lactalis et à 40% par Nestlé. Entérinée par le Commission européenne le 1er novembre 2006, le joint-venture rassemble les activités ultrafrais des deux groupes, yaourts, yaourts à boire, fromages frais et desserts lactés dans neuf pays européens(18).
"Nestlé demeure propriétaire de la marque la Laitière et Lactalis lui verse des royalties. La brand champion,responsable de la marque, de ses valeurs, de ses codes d'expression, est la business unit la Laitière dans la division ultrafrais. Le département glaces est bien sûr étroitement associé à l'évolution de la marque", explique Valérie Blanc, chef de groupe LNPF. Preuve que les liens ne sont pas rompus, le dessert Craquant et Fondant, lancé en avril 2006, fruit de trois ans de recherche, bénéficie de la double expérience de Nestlé par ses activités glaces et chocholats.
Le film signé Ogilvy met en scène la même actrice qui promeut les glaces.Son savoir-faire est toujours mis en valeur comme l'attestent les plus récents films: "C'est en passant ses petits pots de crème d'un seul coup du chaud au froid que la Laitière leur donne une texture ferme si fondante"; "Si la Laitière est aussi concentrée quand elle prépare son riz au lait, c'est qu'elle sélectionne elle-même son riz et qu'elle est la seule à maîtriser sa juste cuisson"; "Seule la Laitière connaît le juste temps pour réussir un yaourt incomparable. C'est là le secret de son yaourt au lait entier". Ni mère ni grand-mère, encore moins servante, mais cuisinière maternelle, moderne même si elle vient du passé, la Laitière est intemporelle. Elle apporte la paix, le calme, quand tout s'agite autour d'elle. Elle rassure, quand l'inquiétude prévaut. Une idée pour un tableau ?
**********
(1) - La société créée en 1934 sous la raison sociale A.L.B., pour Aboucaya, Lapeyre et Baillivet, prend le nom de Chambourcy en 1948. La société J. A. Benoit, fondée en 1949 par deux frères, Jacques et André Benoit, prend une participation dans Chambourcy en janvier 1962 puis fusionne avec Chambourcy le 1er janvier 1966. La marque Benoit disparaît, cas rarissime d'une marque éponyme qui s'efface devant une marque non éponyme. Les événements de mai 1968 conduisent les frères Benoit à se rapprocher d'un grand groupe. Ils choisissent dans un premier temps Unilever, mais craignant d'être évincés de la direction, se reportent sur Nestlé qui entre en octobre 1968 à hauteur de 20 % dans le capital, prend la majorité en 1978 avec 59,4 % et devient l'unique actionnaire en 1988. Jacques Benoit restera chez Nestlé jusqu'à la fin des années 1980, avec le titre de responsable des yaourts Nestlé pour le monde.
(2) - Une histoire de gourmandise, édition Nestlé, 1998.
(3) - Depuis le début des années 1950, des yaourts au lait entier étaient commercialisés dans des pots en verre consignés.
(4) - La Roche aux Fées relance sa gamme en 1976, avec pour slogan "Le pays du lait entier". Monument qui donna son nom à un lieu-dit, La Roche aux Fées devient le nom de la marque de produits laitiers créée en 1935 par Pierre et Marie Saulais. Cédée à Unilever en 1965, elle passe dans le giron de Nestlé en 1986.
(5) - L'Anglo-Swiss Condensed Milk Co, fabrique de lait condensé, fut créée en Suisse, en 1866 par deux américains, Charles et George Page. cf. Nestlé, cent vingt-cinq ans de 1866 à 1991, par Jean Heer, édition Nestlé.
(6) - La Laitière fut peinte en Hollande en 1658 par Johannes Vermeer (1632-1675) dans l'atelier de sa maison de Delft.
(7) - La fusion est préparée entre janvier et juin 1985; les deux sociétés ont la même part de marché (11 %), le même tonnage, le même nombre d'usines.
(8) - C'est la reprise du jingle de La Roche aux Fées, légèrement retravaillé. La musique devint un tube, J'ai faim de toi,chanté par Sandy Stevens, numéro un au Top 50 pendant plusieurs semaines. Un fait exceptionnel dans l'histoire de la musique.
(9) - A l'origine, ce produit appartenait à la gamme Vitho sous la marque Orly. Il est passé sous l'appellation crème caramel de La Roche aux Fées, puis crème caramel Chambourcy, puis la Laitière.
(10) - Gamme la Laitière en 1990: yaourt nature au lait entier, yaourt saveur vanille, yaourt saveur citron, yaourt sur coulis de cerise, abricot, poire Guyot, fraise ou fraise des bois, petits suisses au lait entier, crème fraîche épaisse, fromage blanc de campagne, fromage de campagne en faisselle, crème caramel aux oeufs frais cuite et dorée au four, crème brûlée aux oeufs frais, gâteau de riz au caramel, clafoutis aux cerises cuit et doré au four, gâteau au fromage blanc cuit et doré au four, gâteau de semoule aux raisins cuit et doré au four, entremets au riz.
(11) - Avec le film Ravaillacou "Comment la laitière aurait pu éviter la mort d'Henri IV", la Laitière remporte en 2000 le premier "h d'or", prix créé par la chaîne Histoire et CB News qui récompense le meilleur écran s'inspirant de l'histoire.
(12) - Les yaourts desserts: trois parfums avec morceaux de gâteau (fraise façon tarte sablée, citron façon tarte sablée, poire façon amandine) et trois parfums à base de fruits cuisinés (pommes caramélisées façon tarte Tatin, fraise façon fraisier, pêche caramélisées façon tarte Tatin). Au même moment Danone lance presque les mêmes références avec sa gamme Recette crémeuse.
(13) - Nestlé est présent dans l'univers des glaces depuis l'acquisition, en 1960, de France Glaces (ex Glaces Gervais). En 1989, c'est sous le nom Extrême de Gervais que Nestlé commercialise le cornet de Gervais. En 2000, Maxibon, première référence mondiale des glaces Nestlé, arrive sur le marché français où Nestlé commercialise Exquise, Mega, Kim,Mystère, Crunch, Nuts, Lion, Jungly, Koukoulina et le Pouss Smarties. Avec le lancement de la glace Frubetto en 2001 sous le seul emblème Nestlé, la marque Gervais se fait plus discrète, pour disparaître totalement en 2002.
(14) - Dix classiques à base de crème fraîche (et non plus de matières grasses butyriques), cinq sorbets et quatre glaces pâtissières dont une référence crème brûlée et nougatine craquante, et une autre au citron meringué.
(15) - Le marché de la glace: le vrac (glace en bac, 45 % des volumes de consommation de glaces avec 100 millions de litres), détente-déambulation (cônes, bâtonnets et barres), pôle enfant, SAP (spécialités à partager, bûches de Noël), SEP (spécialité en portion comme Mystère). Le marché n'est pas encore indépendant de la saison, car excepté les ventes de bûches glacées à Noël, 60 % des ventes de glaces se font entre avril et août.
(16) - Seize pour cent des volumes réalisés avec les bacs le sont par les sorbets, 14 % des foyers français consomment des sorbets.
(17) - Marché de la glace en France: 80 % à domicile et 20 % hors domicile (dont 15 % restauration commerciale et sociale et 5 % impulsion (rue, cinéma, plage).
(18) - La France, la Belgique, le Luxembourg, le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Suisse. Nestlé apporte ses marques Nestlé, la Laitière, Sveltesse, Yoco, mais aussi Kremly et Flanby en France et en Belgique, Ekabé au Luxembourg, Ski et Munch Bunch au Royaume-Uni, Longa Vida et Yoggi au Portugal, La Lechera en Espagne, Fruttolo et Mio en Italie et Hirz en Suisse, l'ensemble commercialisé sous la marque ombrelle Nestlé. Coté Lactalis, B'A et Bridélice rejoignent le nouvel ensemble qui représente onze sites de production en Europe, un tonnage total de 620 000 tonnes et 1,5 milliard d'euros de vente, soit 13 % du marché français. Son conseil d'administration comprend des dirigeants des deux groupes. Lactalis Nestlé Produits Frais (LNPF) détient le deuxième rang européen du secteur et emploie plus de trois mille personnes. Lactalis devient le numéro deux mondial des produits laitiers derrière Nestlé et devant l'américain Dean Foods et le français Danone.
Kinder , plaisir inimitable depuis 1975
Première marque de confiserie chocolatée en Europe de l’Ouest, Kinder a choisi une stratégie de niche,fondée sur des produits inimitables. La marque fête les trente ans de présence en France de l’un de ses produits phares, Kinder Chocolat.
Cent trente-cinq millions d’oeufs Kinder Surprise vendus chaque année en France, 1,5 milliard dans plus de trente pays, douze mille surprises différentes, imaginées depuis 1974. Sur les trois cents marques classées par ordre de préférence(1) par les enfants de moins de dix ans en 2005, les confiseries et biscuits arrivent en tête, avec une première place ex aequo pour Nutella et Kinder (87 %). Au palmarès Ipsos TV 2007, le film mettant en scène Didier Drogba et Boris Diaw achetant des barres Kinder Bueno au distributeur arrive au deuxième rang des publicités préférées des Français, avec un score de 34,8 %. Pour l’ensemble de la marque Kinder, en France, le cap des 10000 tonnes a été franchi en 1990, celui des 20000 tonnes en 1996, et en 2007,avec 36000 tonnes, Kinder est la marque la plus dynamique de la confiserie chocolatée. Son taux de notoriété assistée atteint 96 %. Ces quelques chiffres témoignent de la puissance de la marque. Kinder compte aujourd’hui onze marques filles, toutes conçues en Italie par le groupe Ferrero. C’est en Allemagne qu’apparaît, en 1968, la marque Kinder. Elle signe le premier produit d’une longue lignée: la tablette Kinder Chocolat. Le nom – Kinder, “enfant” en allemand –, désigne immédiatement la cible: les enfants. C’est pour eux que Michele Ferrero invente un oeuf aussi gourmand que surprenant.
Le fils du génial inventeur du Nutella souhaitait que l’émotion de l’oeuf de Pâques fût possible tous les jours. Il perpétue l’esprit créatif de l’entreprise familiale en singularisant l’oeuf Kinder par trois promesses: le bon goût de chocolat, une surprise et le jeu. Ici, la récompense est immédiate, nulle besoin d’envoyer des bons d’achat. Les premiers Kinder Surprise sont lancés en Italie en 1973, en Allemagne l’année suivante, en France en 1975. Slogan: “Toute l’année, le plaisir en plus”. Depuis, plus de trente milliards d’oeufs ont été vendus(2) . La marque détient un quasi-monopole, sans concurrent de taille(3) . Deux centres de conception, l’un en Allemagne, l’autre en Italie, inventent cent vingt surprises par an, lovées dans les fameuses coquilles jaune orangé.
Pub Kinder Surprise 2007
Kinder est la marque la plus dynamique de la confiserie chocolatée. Son taux de notoriété assistée atteint 96%.
Pub 2006
logo Kinder
Kinder Surprise, 1975
Kinder Chocolat, 1978
Kinder Délice, 1986
Kinder Country, 1989
Kinder Bueno, 1990
Kinder Pingui, 1995
Kinder Maxi, 1996
Kinder Maxi King, 1999, relancé en 2006
Kinder Schokobons, 2000
Kinder Schokofresh, 2003
Kinder BuenoWhite, 2007
Astérix est le premier personnage licencié, dès 1975, en Allemagne. Le jeu de montage apparaît au début des années quatre-vingt avec le fameux BPZ, du mot allemand Beipackzettel(4) , “notice de montage”: une bande de papier enroulée dans la coquille jaune. Devenues de véritables jouets, les surprises se déclinent en démontables, monoblocs, toons (Félix le chat, la Panthère rose…), figurines en métal, puzzles, objets publicitaires(5) . La numérotation des figurines, démontables pour l’essentiel, intervient en 1990. Les premières références commencent donc par K91. Ce décalage d’un an demeure aujourd’hui. Depuis 2001, la surprise est double, car un “Magicode” à saisir sur le site de la marque permet d’accéder à une zone de jeux en ligne. Chaque famille de surprises se singularise par son emballage: le Seigneur des Anneaux, Astérix, les Schtroumpfs, des dinosaures, des pingouins, ou la série Pierrafeux. Aisément repérable dans les magasins grâce à l’aspect de son emballage et à ses PLV colorées, Kinder Surprise est proposé à l’unité, en tripack (boîte de trois oeufs), quadripack.
La marque fait aussi la joie des collectionneurs(6) .Le Schtroumpf sur échasses et le Schtroumpf aux jeux Olympiques atteignent une valeur de 900 euros! Dans un pays, Kinder Surprise est interdit de séjour: les Etats-Unis, en raison d’une réglementation très stricte sur la présence de jouets dans les produits alimentaires. Du protectionnisme déguisé…
Pub Kinder Chocolat 2008
Des Marchés divers
Par grands marchés, Kinder est présent dans la confiserie ludique (Kinder Surprise, Kinder Schoko-Bons), où il est numéro un, dans les goûters (Kinder Délice, Kinder Pingui) et les barres chocolatées (Kinder Bueno, Kinder Bueno White, Kinder Country, Kinder Maxi),mais aussi sur le marché des adultes, avec Kinder Bueno. Les produits Kinder répondent à différents moments de consommation et différents âges: occasions (Kinder Surprise), petit plaisir (Kinder Chocolat, Schoko-Bons), goûter (Kinder Délice, Kinder Country) et petite faim ou pause (Kinder Bueno, Kinder Maxi).
“Kinder est la première marque de confiserie à proposer des produits destinés aux moments de plaisir, réellement adaptés aux enfants. Les recettes, inimitables, sont à base de chocolat et de lait, dans des portions ajustées à leurs besoins”.
Marque ombrelle
Deuxième pilier, en France, de la marque Kinder, Kinder Chocolat est la première tablette “faite exprès pour les petits”, avec plus de lait et moins de cacao, et présentée en petites portions, sous forme de bâtonnets adaptés à la dimension des mains enfantines. “Kinder est la première marque de confiserie à proposer des produits destinés aux moments de plaisir, réellement adaptés aux enfants. Les recettes, inimitables, sont à base de chocolat et de lait, dans des portions ajustées à leurs besoins”, souligne Jérôme Gray, chef de marque Kinder. A mesure que ses consommateurs d’hier grandissaient, Kinder a élargi son expertise à toute la famille. Près de trois familles françaises sur quatre achètent, chaque année, au moins un des onze produits de la marque, ceux commercialisés toute l’année (barre, confiserie, pâtissier, tablettes, ultrafrais), ou ceux proposés uniquement au moment des fêtes (principalement Pâques et Noël). Ou les deux. Par sa stratégie de niche, la marque a créé de nouveaux segments de marché (oeuf surprise, gâteau individuel, gaufrette fourrée), en proposant des recettes inégalées et en diversifiant les moments de consommation ainsi que les cibles. Kinder entre ainsi dans le territoire du goûter avec, en 1986, Kinder Délice, première génoise enrobée de chocolat, déclinée en goût cacao ou noixde coco,et destinée aux 6-12 ans. En 1989, Kinder Country lance la marque sur le marché des barres, pour faire croustiller le goûter avec des céréales soufflées (orge, riz, froment, épeautre et sarrasin) qui se mélangent au chocolat. “Afin d’être toujours le premier sur le marché, Ferrero met des barrières très élevées à l’entrée par son procédé industriel, ses brevets et la recette de ses produits. Nous devons apporter une véritable valeur ajoutée pour légitimer la prime de marque”, explique Jérôme Gray.
Cas concret d’innovation de rupture: Kinder Bueno. Lancé en 1991, ce produit est, par l’association de textures différentes, une innovation technique majeure: “Deux fines gaufrettes croustillantes enrobées de chocolat au lait, fourrées au lait et aux noisettes broyées”, vante alors la publicité. Ferrero est la seule société à posséder le secret de fabrication de cette recette, dont l’innovation tient aussi au fait que la qualité du produit est maintenue dans le temps, alors que d’habitude la gaufrette absorbe vite l’humidité et n’est plus croustillante. L’innovation est aussi commerciale.
saga des Distributeurs - 2001 - 2008
“Afin d’être toujours le premier sur le marché, Ferrero met des barrières très élevées à l’entrée par son procédé industriel, ses brevets et la recette de ses produits.”
Des messages de plaisir
Kinder Surprise, “des émotions toujours nouvelles”,
Kinder Bueno, “le plaisir qu’on s’offre pour les petites faims”,
Kinder Maxi, “la pause douceur des plus grands”,
Kinder Country, “fait du goûter le meilleur moment de la journée”,
“l’énergie qu’il faut pour les petits gourmands”,
Kinder Schoko-bons, “le petit bonbon gourmand au chocolat”,
Kinder Chocolat, “fait exprès pour les petits”,
Kinder Délice, “le gâteau rêvé du goûter” ou “Le goûter avec de la fête dedans!”,
Kinder Pingui, “au goûter on ne peut pas l’oublier”,
Kinder BuenoWhite, “le plaisirWhite pour les petites faims”,
Kinder Chocofresh, “du plaisir à partager!”,
Kinder Maxi-King, “L’en-cas frais qui change des autres en-cas”.
www.kindergouter.com
www.avecnoschampionsduballon.com
www.magic-kinder.com
www.jeukinder.com
La marque sort pour la première fois de son territoire enfantin pour proposer aux adultes un produit qui répond à leurs petites faims, montrant aussi que le nom d’une marque peut se libérer de sa sémantique et de sa cible d’origine. La campagne met en scène des salariés au moment de leur pause du matin. Ne sachant que choisir dans le distributeur automatique, l’une d’eux demande: “Vous ne connaissez pas Kinder Bueno ?” La barre la plus vendue en France est “le plaisir qu’on s’offre pour les petites faims”.
De l’épicerie à l’ultrafrais
En 1995, la marque double en volume, grâce à deux nouveaux produits: Kinder Pingui et Kinder Maxi. Kinder Pingui la sort de l’épicerie sèche et l’amène à l’univers de l’ultrafrais, avec une recette associant de la génoise avec une mousse de lait et du chocolat craquant. Le goûter de lait frais entier pasteurisé, sans colorant ni conservateur, devient “la première barre chocolatée fraîche”. Afin d’accompagner des consommateurs qui ont grandi, Kinder propose la même année Kinder Maxi, forme adulte de Kinder Chocolat (20 grammes au lieu de 10), proposée non plus au rayon des tablettes mais à celui des barres.
Après les enfants et les adultes, Kinder vise la famille. Lancé sur lemarché saisonnier avant d’investir le marché permanent, Kinder Schoko-Bons entre dans la catégorie des produits destinés à tous: ces bonbons en forme d’oeuf, au lait et éclats de noisette, enveloppés dans des papillotes orange, sont d’abord réservés, en 2000, aux périodes de fête (Noël et Pâques). Ils sont disponibles depuis 2001 toute l’année, au rayon confiserie. “Avec Kinder Schoko-Bons, nous séduisons les enfants par le chocolat, mais aussi les adultes, par sa texture. Les petits gourmands et les grands gourmets sont satisfaits et le caractère familial de la marque s’affirme”, explique Christophe Bordin, responsabledes relations extérieures.
En 2004, Kinder élargit son offre dans l’ultrafrais avec Schocofresh, le “premier rhinocéros de lait enrobé de chocolat au rayon frais”. D’abord commercialisé en Allemagne, le produit est rebaptisé Chocofresh en France. Illustration du souci de Kinder d’offrir une qualité toujours irréprochable, durant l’été, Ferrero France retire des points de vente ses produits les plus sensibles à la chaleur, dont Kinder Surprise. En contrepartie, Kinder Bueno White, proposé en série limitée l’été 2006, s’est vu assigner pour objectif de s’imposer en période estivale, moins propice à la consommation de chocolat. Grâce à sa recette au chocolat blanc et aux pépites meringuées au cacao, le produit résistemieux à la chaleur. Plébiscité par les consommateurs, il a rejoint la gamme permanente en 2007.
Film TV Kinder Fraise
“Avec Kinder Schoko-Bons, nous séduisons les enfants par le chocolat, mais aussi les adultes, par sa texture. Les petits gourmands et les grands gourmets sont satisfaits, et le caractère familial de la marque s’affirme.”
Marque locale, marque globale
Parallèlement aux produits permanents, Kinder propose une gamme saisonnière. Aux références incontournables, comme le calendrier de l’Avent pour Noël et l’oeuf géant pour Pâques, la marque ajoute les petits oeufs croustillants Kinder Softy ou les assortiments Kinder Friends et Kinder Mix, assortiments de mini-Kinder Country, Bueno, Chocolat et Schoko-Bons. Kinder Moulage, premier Kinder en forme de Père Noël, renforce la gamme hivernale, avec Kinder Pôle Express et Kinder la boule Christmas. “Chaque produit vient en complément des précédents: il n’y a pas de cannibalisation entre les territoires. Jamais un lancement ne donne une image vieillissante à ses prédécesseurs”, assure Jérôme Gray. Il est des innovations qui ne peuvent franchir les barrières culturelles.
Kinder Tranche au lait, lancé en France en 1999, rencontre un grand succès en Allemagne mais a du être retiré du marché français. Premier produit Kinder sans chocolat, il est fait de deux couches de génoises avec à l’intérieur mousse de lait, fleur d’oranger et miel. “Ce produit ne répond pas aux attentes des consommateurs français, car ils ne retrouvent pas le goût de chocolat Kinder mais ne le rangent pas dans la catégorie des yaourts, en raison de son goût demiel et de fleur d’oranger. La place des produits de four et des produits ultra frais est plus importante en Italie et en Allemagne qu’en France, où le rayon frais s’est structuré autour du yaourt et du dessert”, explique Jérôme Gray.
Kinder Tranche au lait, commercialisé seulement deux ans dans toute la France, l’est encore dans les régions frontalières de l’Allemagne. D’autres innovations appellent une retouche : lancé en 1999, Kinder Maxi King (gaufrette avec mousse de lait enrobée de chocolat), a rencontré un succès notable à son lancement mais sans lendemain, car la recette ne permettait pas au produit de tenir plus de trois semaines. Il connaît depuis 2006 une deuxième vie, grâce à une nouvelle recette. Surfant sur la vague du frais, Kinder devient liquide en 2004, avec Kinder Happy Time. Mais ce dessert gourmand, mélange de glace mixée et de lait qui se boit à la paille, contenu dans un cône en plastique, ne connaîtra pas le succès escompté. Hors de France, Kinder répond à des attentes liées aux goûts locaux.
En Italie, 50% des volumes de la marque sont réalisés par des produits du four (génoise consommée au petit déjeuner et au goûter). En Allemagne, les produits frais représentent le même pourcentage. “Il est difficile de tenir, en Europe, un discours homogène, avec une réalité si différente”, remarque Alain Klapisz, responsable études et recherches.
Un anniversaire événement
Pour les trente ans de Kinder Surprise, en 2005, une promotion événementielle a été proposée autour d’un oeuf géant de 32 centimètres sous la forme d’une boîte métallique de collection renfermant des surprises inédites, T-shirt et montre anniversaire… Une mécanique fondée sur un jeu simple et connu du consommateur: “gratte et gagne”. Si un objet apparaît sur la carte à gratter “Kinder voit tout en plus grand”, le consommateur le gagne en grandeur nature (monospace Citroën C5, château géant gonflables, karaoké Sony, ballon sauteur). Cette opération a été soutenue par un plan média puissant, et des PLV pour créer un climat d’anniversaire dans les magasins.
Un merchandising puissant grâce aux codes couleurs de la marque.
De la communication sur le produit à la communication institutionnelle
Depuis sa création, Kinder s’est construit comme une mosaïque à travers ses produits, chacun prenant la parole, avec son propre message. “Règle d’or depuis ses origines: la marque s’adresse, en tant que produit, aux enfants, mais elle parle d’abord à lamère, en laissant aux parents la possibilité d’exercer leur autorité sur l’alimentation de leurs enfants. Le style publicitaire souligne la valeur du produit sans être en situation de trop promettre”, résume Alain Klapisz. Un changement de cap survient cependant en 2003, quand Kinder, toujours fidèle à ses fondamentaux, prend en compte les préoccupations des Français en termes d’équilibre alimentaire. Un nouvel emballage résume le discours de la marque (“Kinder aime le lait”), décrit l’intérieur du produit par une photo en coupe et affiche le tableau nutritionnel. Un pictogramme indique le moment de la journée qui lui est adapté. L’image du verre de lait, réassurance de la marque depuis les premières publicités, disparaît en 2004(7).
Désormais, des enfants sont mis en scène, se dépensant au grand air. Toujours, en 2004, Kinder abandonne le petit écran lorsqu’il est consacré à des émissions regardées par plus de 25 % d’enfants de moins de dix ans. Depuis 2005, la marque prend la parole non seulement sur le plan des produits mais aussi sur le plan institutionnel. “La nouvelle promesse Kinder rend la marque plus pertinente, car elle prend en compte l’évolution des attitudes des Français au regard de l’obésité. Nous capitalisons sur la singularité de la marque, qui propose des produits de plaisir”, souligne Alain Klapisz.
La première campagne institutionnelle met en scène des ballons qui illustrent ses gammes. Symbole du jeu et du plaisir, le ballon est le jouet mythique des enfants, un peu comme l’est l’oeuf Kinder. Deuxième temps de prise de parole: en 2007, dans un contexte de lutte contre l’obésité, Kinder libère la notion de plaisir avec le slogan “Kinder, le plaisir est essentiel pour s’épanouir”. Si le plaisir est le message central de toute la gamme, chaque produit a son positionnement, autour d’une cible particulière ou d’un moment de consommation spécifique. Chacun explique en quoi il offre un plaisir par ticulier dans un moment lui aussi particulier (spécificité de la barre, spécificité du goûter…).
Didier Drogba
Ainsi de Kinder Chocolat, qui offre un plaisir spécialement adapté aux plus petits grâce au lait, qui ajoute de la douceur au goût. Autre exemple: la saga publicitaire Kinder Bueno avec le footballeur Didier Drogba ou le basketteur Boris Diaw, disputant avec un autre personnage le dernier Kinder Bueno d’un distributeur automatique. Cette communication illustre le plaisir singularisé par Kinder Bueno avecune touche de fantaisie et de gourmandise, pour répondre aux petites faims des adultes. “En quatre ans, observe Alain Klapisz, le niveau de confiance des mères progresse de 15 points, le niveau de sympathie de 20 points, le caractère différent de la marque au regard des autres de 16 points et le degré de proximité de 15 points. La marque a fortement enrichi son capital émotionnel, pour devenir une grande marque au-delà du discours de chaque produit. Et chacun bénéficie de la dynamique, en termes tant d’image que d’évolution des comportements d’achat.”
Ferrero France en quelques mots
Société implantée en France, à Rouen, en 1959.
Marques: Nutella, Ferrero Rocher, Tic Tac, Raffaello, Duplo et Mon Chéri.
Près demille salariés.
En 2006, un chiffre d’affaires de 928 millions d’euros.
Un chiffre d’affaires multiplié par 2,3 en dix ans.
Numéro un du marché des produits de chocolat (21 %de part demarché en valeur).
En 2006, septième société où il fait bon travailler en France, selon l’institut “Great Place to Work”.
Le plaisir par le sport
Le plaisir promu est également celui de jouer ensemble, de partager, de se dépasser, comme l’illustrent depuis plusieurs années de nombreux partenariats dans l’univers sportif, par lesquels Kinder promeut le bien-être et l’équilibre que procure la pratique régulière d’une activité sportive. A l’occasion de la Coupe du monde de football en France, en 1998, Kinder a soutenu les Bleus au travers de la promotion “Gagnez les champions”. Trente mille survêtements officiels de l’équipe ont été gagnés par les consommateurs.
Boris Diaw
Les joueurs se sont affichés sur les emballages : Barthez sur Kinder Bueno, Deschamps sur Kinder Country, Desailly sur Kinder Maxi, Djorkaeff sur Kinder Délice, et Zidane sur Kinder Chocolat et Kinder Pingui. Les écrans mettant en scène les champions ont été diffusés pendant la compétition. Kinder a récidivé avec la Coupe du monde 2006 : l’opération “Talents en herbe” a permis aux gagnants de vivre deux jours au Centre technique national de Clairefontaine. Depuis 2007, Kinder est aussi partenaire de la Fédération française de basket et de ses deux équipes nationales, féminine et masculine, pour trois ans(8). Cet engagement se traduit, dans la communication publicitaire, par la présence de Didier Drogba et de Boris Diaw pour Kinder Bueno. La marque est, bien entendu, présente autour des terrains de sport et dans de nombreuses compétitions internationales comme la Coupe de la ligue.
Les trente ans de Kinder Chocolat
Historiquement, le média privilégié par tous les produits Kinder a été la télévision. Réalisés d’abord en interne, chez Ferrero Italie, les films publicitaires destinés au marché français, le sont, à compter de 1980, par des agences françaises: Agence 154, FCB, Saatchi et Saatchi (groupe Publicis) en 2001, Louis XIV DDB en 2003, et depuis Providence. “Aujourd’hui, on constate une érosion de l’audience de la télévision. Les consommateurs fréquentent de plus en plus des médias différents”, remarque Alain Klapisz. Aussi Kinder Bueno prendil la parole en affichage, Kinder Surprise dans la presse et Kinder Chocolat sur Internet. “Pour les trente ans de Kinder Chocolat, ajoute Alain Klapisz, la marque est, pour la première fois, entre les mains des consommateurs.
Ce sont eux qui en parlent le mieux, et ils en parlent entre eux sur le réseau social Facebook.” Kinder opte pour une communication bottom up, relayée par une campagne d’affichage et de presse écrite, en lançant sur la Toile un casting de visages d’enfants baptisé “Le plus beau sourire d’enfant”. Du 1er janvier au 27 juillet 2008, les photos d’enfants de trois à dix ans déposées chaque semaine par les parents sur le site www.30anskinderchocolat.fr sont soumises aux votes des internautes la semaine suivante. A la fin de l’opération, un jury sélectionne trente finalistes. Quatre lauréats figureront sur le paquet de Kinder Chocolat Anniversaire Collector, commercialisé entre janvier et avril 2009. Ils succéderont, pour un temps, à Günter Euringer, ce jeune Allemand de dix ans qui incarna Kinder Chocolat de 1973 à 2005, avant d’être remplacé par un compatriote prénommé Helmut. A quand, un héraut, garçon ou fille, tournant comme la présidence européenne ?
Günter Euringer incarne Kinder de 1973 à 2005.
Kinder, nom commun ou marque notoire ?
En pays germanophones, la question a été tranchée différemment au nord et au sud du lac de Constance.
Nom commun. Le 20 septembre 2007, la Cour fédérale de justice de Karlsruhe (Allemagne) a jugé que le mot Kinder n’est pas une marque déposée. Ferrero avait tenté de faire interdire des produits du confiseur allemand Haribo ainsi que du groupe Zott, respectivement Kinder Kram (“trucs de môme”) et Kinderzeit (“le temps des enfants”), parce que leur nom contenait le mot Kinder. Or ce mot est “très utilisé dans la langue allemande puisqu’il signifie “enfants”, a observé la Cour. “Si la marque peut protéger l’image graphique du logo, un mot comme Kinder est trop commun pour qu’une marque se l’approprie”. Les produits d’Haribo et Zott peuvent donc demeurer dans les rayons, “leur emballage ne ressemblant en rien à celui des célèbres chocolats”, a conclu la Cour.
Marque notoire. En août 2007,la société suisse Jackson International Trading, qui fabrique des confiseries pour enfants, a voulu appeler un de ses produits Kinder Party. Elle a déposé une demande, en faisant valoir que le mot Kinder, qui désigne l’une des franges les plus importantes des consommateurs de confiseries, devait rester à la libre disposition de tous les fabricants. Le tribunal administratif fédéral l’a déboutée, en estimant que le nom Kinder est aujourd’hui attaché aux produits Ferrero, ce qu’attestent ses volumes de vente.
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1 - Dans sa première étude Kid’s Attitude sur les 6-14 ans, soit 6,5 millions d’enfants, l’institut Ipsos Observer s’est penché, en 2005, sur les préadolescents et sur leur rapport aux marques et à la publicité. Les Kgoys, acronyme, sont les“Kids Getting Older Younger”, des enfants qui entrent dans l’adolescence de plus en plus tôt identifiés par Kathleen McDonnell dans son livre Honey, We Lost the Kids paru en 2002 aux États-Unis.
2 - Les oeufs Kinder sont produits dans les usines d’Alba, de Stadallendorf (Allemagne), d’Arlon (Belgique), de Belsk (Pologne) et de Buenos Aires (Argentine).
3 - De 1993 à 1997, Nestlé s’est associé avec Disney en commercialisant, sur le plan européen, la “Boule Disney family”, sphère de chocolat au lait avec, à l’intérieur, une boule rouge en plastique dans laquelle était placée une figurine peinte à la main.”
4 - “Bei” pour “avec”, “pack”pour “emballer” et “Zettel”pour “morceau de papier”.
5 - Du Kinder Surprise considéré comme une oeuvre d’art (Arte, 2006). En s’appuyant sur le discours théorique de Marcel Duchamp, du critique d’art Thierry de Duve et de Nicolas Bourriaud, ancien codirecteur du Palais de Tokyo, Pascal Globot tente de déterminer, avec force images colorées, si ces figurines sont des productions artistiques au même titre qu’une toile exposée dans un musée.
6 - L’oeuf Kinder a suscité une kindermania. Il existe un magazine sur les surprises Kinder. Il est allemand et s’appelle Das Ei (“L’Œuf”). Des centaines de sites sont consacrés à la collection des surprises Kinder à travers le monde: www.magic-kinder.com pour entrer dans lemonde fantastique des Kinder Surprise; www.alixkinder.com, site recommandé par Ferrero; www.ksmaniak.com; c.k.s.free.fr; collections.listings.ebay.fr; kinderophile.com; le blog www.oeufs-kinder-surprise.com; jpvkinder.ifrance.com…
7 - Même si le lait entre à concurrence de 40 % dans la composition de certains produits. Exemple de slogan supprimé: ‘Dans 100 grammes de Kinder Chocolat, il y a l’équivalent d’un verre de lait.’
8 - Sur le plan local, Kinder, dont le siège social est à Rouen, est partenaire de deux équipes normandes de basket, le SPO Rouen et l’équipe de Saint-Thomas du Havre.
Jean Patou,
une “mélodie” toujours dans l'air du temps
De Joy en 1930 à Enjoy en 2002, l'histoire, cousue de fil d'or, de la
maison de parfum Jean Patou dont certaines pages comptent
parmi les plus singulières dans l'univers de la mode féminine.
Le bouquet floral le plus cher au monde ? Joy, créé en 1930 par Jean Patou. Comptez près de 1 000 euros - 957 euros exactement -, pour l’extrait de parfum présenté dans un flacon Baccarat 30 ml. Son accord unique de rose de mai et de jasmin nécessite 10 600 fleurs de jasmin et 28 douzaines de rose! Il faut plus de sept millions de fleurs de jasmin pour obtenir deux kilogrammes de concrète, dont on extrait un kilo d’huile essentielle, l’absolu, quintessence du parfum de la fleur dont le coût avoisine 23 000 euros le kilo. Celui d’absolu de rose de mai de Grasse ne vaut seulement que... 7 000 euros.
Les fleurs de jasmin ne s’ouvrant qu’à l’aurore et au crépuscule, elles doivent être cueillies à la main pendant ces quelques heures où les pétales restent ouverts.
Deuxième consommateur mondial de jasmin naturel, Jean Patou se singularise, depuis ses origines, par la maîtrise totale de ses créations et l’utilisation des matières premières les plus précieuses, sous le contrôle d’un nez, toujours maison. Jean Patou se distingue également, en possédant, comme Chanel, ses propres champs de fleurs à Grasse.
Jean patou
Patou habille la haute société
Si Joy a immortalisé le nom de Jean Patou en le plaçant au firmament des plus grands parfumeurs de tous les temps, son rôle de précurseur dans la mode féminine participe également de sa célébrité. Le créateur phare des années vingt et trente est aussi l’inventeur du sportswear. Il aurait pu, comme ses parents, devenir tanneur pour la maroquinerie de luxe, mais c’est auprès de son oncle que Jean-Alexandre Patou, né en Normandie en 1880, va apprendre le métier de fourreur en 1907 et se distinguer - déjà - par sa technique de coupe très pure et le choix des couleurs. C’est tout naturellement au moment où triomphe Paul Poiret qu’il ouvre, en 1910, une maison de Haute Couture avec un département de fourrures. Si cette première aventure se solde par un échec, Jean Patou récidive l’année suivante avec une nouvelle maison, revendue en 1912, pour acheter son premier magasin. Situé au 4, rond-point des Champs Elysées, Parry, nom de l’enseigne, propose des fourrures et des tenues de ville ou de soirée dans un style d’avant garde.
Précurseur par sa simplicité, Jean Patou habille déjà quelques actrices célèbres comme Lantelme et Eve Lavallière. Succès oblige, il acquiert un hôtel particulier ayant appartenu à Talleyrand, au 7, rue Saint Florentin, pour ouvrir sa maison à son nom qui accueille salons, bureaux et atelier.
Date de la présentation officielle de sa première collection ? Le 2 août 1914, le lendemain de la mobilisation générale contre l’Allemagne et le jour de l’invasion de la Belgique. Mobilisé en 1914, Jean Patou sert comme capitaine de zouaves dans l’armée d’Orient aux Dardanelles en 1915. A son retour, il présente, en 1919, sa première collection de Haute Couture dans les salons de son hôtel particulier.
Dans la société frivole de l’après-guerre, le couturier s’adapte aux aspirations d’une clientèle féminine active, sportive et libérée, tout entière gagnée au style émancipé de la garçonne1.Afin que les élégantes des années vingt puissent vivre pleinement avec leur temps, Jean Patou les idéalise en leur proposant de somptueuses robes du soir mais aussi des toilettes d’après-midi, des robes de plage, des tenues de golf, des robes de croisière réalisées en jersey - avant Gabrielle Chanel!-, à motifs géométriques ou cubistes, déclinées dans des teintes nouvelles, vert, bleu ou beige, sa couleur de prédilection. Face à Chanel, il positionne sa maison en s’appropriant la haute société.
Précurseur
"Tout homme devrait s’efforcer avant tout d’être de son temps", suggérait Jean Patou.
Il le prouve en étant le premier à créer des maillots de bains en tricot et à lancer une nouvelle mode, le sportswear, synonyme d’élégance sportive. Jean Patou accompagne ainsi la naissance d’un nouveau style de femme libérée mais toujours séductrice et féminine. Passionné pour les vêtements de sport, il dessine les tenues de la célèbre championne de tennis Suzanne Lenglen, surnommée la "Divine" et réputée pour son tennis d’avantgarde.
Suzanne Lenglen, la célèbre championne de tennis
Elle incarne une nouvelle mode du tennis avec ses jupes plissées de soie blanche s’arrêtant au-dessus du genou, un cardigan blanc, sans manche, dénudant ses bras et ses molets recouverts de bas blancs ! En dehors des courts de tennis, Jean Patou habille également les dames des cours d’Europe - dont la grande duchesse Maria Pavlovna -, ou de scène, parmi lesquelles Joséphine Baker, Louise Brooks ou les Dolly Sisters.
En 1924, année de la création de la société Patou Couturier, il ouvre un magasin de maillots de bain à Deauville et à Biarritz. Le succès immédiat de son style à la simplicité novatrice, utilisant également des imprimés ramenés des Balkans lors de ses séjours dans plusieurs ambassades d’Europe orientale, conduit Jean Patou à ouvrir rapidement un bureau à New York. C’est pour la femme américaine, qui, à ses yeux, est plus grande et moins ronde que la femme française que Jean Patou, aidé de Georges Bernard, va créer ses futurs modèles. Il revient des Etats-Unis en 1924 avec six mannequins. La clientèle américaine ne jure alors que par lui. C’est encore en précurseur qu’il utilise, à partir de 1924, son monogramme J.P. en losange, comme élément stylistique.
Il brode ce "logo avant l’heure" sur les vêtements de Suzanne Lenglen et lance ainsi l’usage des initiales. Il est également le premier à assortir ses modèles d’accessoires qu’il nomme des "petits riens" et qu’il baptisé tout simplement "Les Riens".
Et, puisque Mademoiselle Chanel expose son visage au soleil, en 1925, à Deauville, Jean Patou propose, en 1927, l'Huile de Chaldée(2), la première huile solaire qui protège l'épiderme et atténue les coups de soleil. Aux recettes pour éclaircir le teint, signe jadis de distinction, succèdent les recettes pour brunir. Les valeurs s'inversent : une peau bronzée devient le symbole d'une vie moderne, un signe extérieur de richesse qui prouve qu'on a les moyens de partir en vacances.
Jean Patou, inventeur du sportswear et des initiales comme logo
Parfums Amour-Amour,
Que sais-je ?
et Adieu Sagesse 1925.
La maison Patou comble toutes les femmes,
les blondes, les brunes et les rousses,
avec trois parfums
L’air du temps
On ne parle pas encore de "segmentation" de l’offre ni de "moments de consommations" quand Jean Patou enrichit l’univers de ses "Riens" avec ses trois premiers parfums aux noms évoquant les trois moments forts de l’amour. Amour-Amour, proposé lors de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels, est destiné aux blondes sensuelles.
Que sais-je ? est réservé aux brunes et Adieu Sagesse, aux rousses. Les trois flacons, dessinés par l’architecte décorateur Louis Süe et le dessinateur André Mare, se parent d’un bouchon en forme de pomme de pin. Suivront Moment Suprême (1929), composé par Henri Almeras, le premier "nez maison" et le plus célèbre parfumeur grassois qui fit ses premières armes chez Paul Poiret, Le Sien, premier parfum unisexe en 1929 pour lequel Jean Patou disait vouloir "un parfum à dominante masculine, frais, tonique, convenant parfaitement aux hommes, mais également aux femmes résolument modernes qui jouent au golf, fument et conduisent à cent vingt kilomètres/heure". Dans le sillage de Paul Poiret, il décline, pour chaque parfum, une ligne de cosmétiques - fards, poudres, rouges à lèvres et vernis à ongles -,sous le nom de Sex Appeal !
Précurseur, Jean Patou l’est toujours quand, en 1930, il modifie son bar, dédié aux hommes venus, rue Saint Florentin, accompagner leur épouse ou leur maîtresse en bar à parfums : il compose, à la demande, en fonction de l’humeur, des activités et des vêtements de ses clientes, les jus Cocktail dry, Cocktail sweet et Cocktail bitter sweet. Il fut le premier à présenter ses flacons dans des étuis, minaudières et coffrets en cuir conçus par une maison de prestige, Cartier. Certains avaient la forme de briquets destinés pour les parfums voyageurs des "Madones des Sleepings". Après les fragrances Invitation (1932) et Divine Folie (1933), Jean Patou saisit l’occasion du lancement du paquebot Normandie en 1935 pour promouvoir - on ne parle pas encore de marketing événementiel-, le parfum du même nom et offrir, lors du voyage inaugural du Havre à New York, le 29 mai 1935, à chaque passagère de première classe, une édition limitée. Clin d’œil aux "congés payés", la maison se met au parfum avec Vacances en 1936. La même année, Jean Patou meurt prématurément. Sa maison emploie alors plus de 1000 personnes.
Marketing évènementiel avant l’heure !
Joy, un défi au temps
Six ans plus tôt, Jean Patou écrit une des plus belles pages olfactives de l’histoire du parfum qui va le faire entrer dans la légende. Nous sommes en 1930 quand, un an après le krach de Wall Street, Jean Patou veut offrir à ses riches clientes et amies américaines, qui ne peuvent plus venir assister à ses défilés, un parfum hors du commun, somptueux, intemporel, un parfum à l’égal de la haute-couture. Il lance alors un défi à Henri Almeras :"Oubliez que nous sommes sous pression, que notre chiffre d’affaires a baissé, car beaucoup de nos clientes ne sont plus assez riches pour acheter. Je vous laisse libre de choisir les plus belles matières premières, pour faire un cadeau à celles de nos clientes qui ne peuvent venir à Paris cette année. "Antidote à la déprime et au pessimisme, Joy, le "parfum roi", est le parfum de toutes les audaces. Celle du jus, somptueux bouquet aux fragrances les plus rares et les plus précieuses fondé sur un accord très riche de jasmin de Grasse, de rose de mai de Grasse et de rose de Bulgarie. Révolution dans le monde du parfum, Jean Patou demande à Henri Alméras de doubler la concentration en ingrédients naturels. Deuxième audace : le mariage de deux fleurs traditionnellement mises en valeur séparément.
"Une femme raffinée doit bannir toute excentricité,
tant dans le choix d’un parfum que dans celui d’une robe.
Elle doit savoir se parfumer avec la même discrétion,
le même goût et la même élégance qu’elle met à s’habiller."
Depuis, l’accord ou "mélodie" rose/jasmin est une constance absolue des parfums Jean Patou3. Troisième et quatrième audaces, son prix, exhorbitant, est à l’origine du premier slogan dans le monde du parfum :" Joy, le parfum le plus cher au monde". Traduit à l’international par the costliest perfume in the world, ce slogan fut conçu, en pleine crise économique, par Elisa Maxwell, amie et conseillère de Jean Patou. Quant au nom, si une certaine amie américaine, prénommée Joy, est mentionnée dans une des lettres d’amour de Jean Patou, Elisa Maxwell écrit dans ses mémoires J’ai épousé le monde : "Ce mot porte un message compris dans le monde entier. Partout où l’on vend des parfums, Joy sera le standard de l’excellence, exactement comme Rolls-Royce l’est pour les voitures". Avec Joy, Jean Patou donne un peu de joie à ses clientes américaines.
Des parfums "cousu-main"
Le flacon, passé à l’alcool avant son remplissage, est rempli à la main au compte-gouttes puis le bouchon est posé selon l’une des très anciennes traditions, le verre sur verre, appelé bouchage “à l’émeri”, lui permettant ainsi d’être parfaitement ajusté au col de chaque flacon. Pour garantir l’étanchéité, une fine membrane animale, appelée baudruche, est appliquée, humide, sur le col du flacon et sur le bouchon pour les maintenir ensemble. Sèche, la membrane devient solide etconstitue un sceau parfait. Der nière étape : le coiffage avec un fil d’or pour en garantir l’inviolabilité, véritable sceau de la tradition Jean Patou.
Le succès est tel que le parfum est commercialisé en 1932 dans un flacon en cristal de Baccarat. Présenté avec des facettes, le flacon, conçu par Louis Süe, est construit sur le "nombre d’or", concept de l’Antiquité grecque des proportions qui régissait l’harmonie des formes. La même année, Jean Patou s’inspire d’une tabatière chinoise de jade ancienne de sa collection pour le dessin de la flaconnette noire et rouge de Joy. Taillé et poli à la main, le flacon est décoré d’or fin appliqué au pinceau et cuit deux fois pour une meilleure protection. Aujourd’hui, la formule de Joy est identique à celle de 1930 même si certaines conditions climatiques changent les récoltes et la qualité des essences. Il revient au nez maison d’être le gardien de la tradition grâce aux communelles, mélanges de qualité de roses différentes, recomposées chaque année en fonction de la qualité des récoltes, afin de ne pas en être tributaire.
Jean Kerléo, nez maison de 1967 à1998
1000 ou la perfection à la millième ébauche
A la mort de Jean Patou, Raymond Barbas, son beau-frère et son plus ancien collaborateur dans le département parfum depuis 1923, reprend les destinées de la maison. D’autres fragrances vont suivre, au nom évocateur d’une époque : Colony et son flacon en forme d’ananas avec un vaisseau en 1938 pour l’Exposition coloniale, L’Heure Attendue créé en 1945 pour symboliser la fin de la guerre, Lasso (1956), Eau de cologne Monsieur Net (1956) dotée, révolution pour l’époque, d’un flacon bille, Câline (1964). Henri Giboulet, successeur d’Henri Almeras, décline Joy avec Eau de Joy en 1955. Joy signe également une ligne de bain parfumée, Joy de Bain (crème, lait, gel moussant, savon et poudre) ainsi qu’un parfum crème, Velours de Joy.
Jean Kerléo(4), alors assistant de Jacques Jantzen chez Helena Rubinstein, reprend le flambeau en 1967 et sera le parfumeur de la maison jusqu’en 1998. Il conçoit Eau de sport, première fragrance de la première licence Jean Patou quand, en 1967, René Lacoste sollicite son ami Raymond Barbas(5).
Fidèle à sa réputation de parfumeur d'exception et d'audace, Patou propose, en 1972, 1000, le parfum "somptueux, exubérant, déraisonnable"selon le souhait de Raymond Barbas. Dix longues années de recherche seront nécessaires pour atteindre la perfection à la millième ébauche. Autour de l'osmanthus de Chine, arbuste originaire de l’Himalaya qui porte une petite fleur blanche très rare appelée la fleur d’or aux notes subtilement abricotées, Jean Kerléo compose une harmonie : rose centifolia et damascena, violetta odorata, jasmin de Grasse, santal de Mysore, patchouli d'Indonésie. Le flacon de 1000, classique et pur, est réalisé dans un beau verre poli à la main. Le bouchon, décoré à l'or fin, est réhaussé du monogramme Jean Patou gravé dans le verre. Jean-Baptiste Mondino fait alors ses premières armes publicitaires et des Rolls Royce, parties de la rue Saint Florentin, livrent des exemplaires personnalisés aux femmes les plus élégantes de Paris.
Pendant les premières années, 1000 devait être commandé et les flacons étaient numérotés.
Parfum 1000 - 1972
Patou tourne la page haute-couture
En 1980, année de lancement du premier parfum masculin, Patou pour Homme, Jean de Moüy, petit-neveu de Jean Patou, prend les rênes de la maison. En 1982, il rachète la filiale américaine, vendue en 1966 au groupe américain Borden et ouvre des filiales à Panama, Milan, Londre et Genève. Pour répondre aux souhaits d’une clientèle nostalgique, il décide de rééditer en 1984 douze anciens grands parfums. Il revient à Jean Kerléo de recréer les jus initiaux grâce aux archives de la maison. Les parfums sont réunis sous le nom "Ma Collection" ainsi que le flacon original en édition limitée de Normandie en 1986, de L’Heure Attendue en 1991 et de Colony en 1994. Parallèlement, Jean Kerléo enrichit la gamme avec Eau de Toilette de Joy, Eau de Patou en 1976, et Ma liberté en 1987. Pour promouvoir cette dernière fragrance, le Quotidien de Paris avait parfumé son édition du 16 mars 1987. La même année, Patou met fin à son activité haute-couture. "Une femme raffinée doit bannir toute excentricité, tant dans le choix d’un parfum que dans celui d’une robe. Elle doit savoir se parfumer avec la même discrétion, le même goût et la même élégance qu’elle met à s’habiller", conseillait Jean Patou. Une règle d’or respectée par les grands stylistes qui lui succèderont : Claudie Mac Avoy, Rosine Delamare (1942 à 1953), Marc Bohan (1953-1957) et son assistant Gérard Pipart, Karl Lagerfeld (1958-1963), Michel Goma (1963-1974) et son assistant Jean-Paul Gaultier, Angelo Tarlazzi (1973-1976) - créateur de l’uniforme d’été d’hôtesse de l’air du Concorde -,et Christian Lacroix (1981-1987). Le département haute-couture ne se relèvera pas du départ de ce dernier car beaucoup de "petites mains" rejoindront sa société nouvellement créée.
Pur classique, le flacon de 1000
est en verre poli à la main
Édition spéciale limitée,
réalisée en 1972 en joaillerie
Passage de témoins
Sublime, lancé en 1992 dans un flacon qui évoque une fleurfruit, et promu par l’égérie Alessandra Martinez dans un film publicitaire réalisé par Claude Lelouch, précède la naissance du second jus masculin, Voyageur, en 1995. Avec Patou For Ever, Jean Kerléo compose, en 1998, son dernier parfum. Avec pour slogan The discriminating perfume, sous titré "Le parfum qui choisit ses femmes", Patou donne un nouvel élan à sa vocation de parfumeur. Voluptueux par la richesse de ses composants, Patou For Ever offre une alliance de fruits et de fleurs qui rayonne sur la peau de façon unique : la rose et le jasmin se marient avec l'iris et la violette, la framboise,l'ananas et le melon(6).
Jean Kerléo trouve en Jean-Michel Duriez, qui a fait ses premières armes dans le laboratoire de parfumerie fine du groupe japonais Kao Corporation,le futur nez de la maison.
Examen de passage réussi, la même année, avec son premier jus, Un Amour de Patou. Suivront, Patou Nacre et Patou HIP, séries limitées pour le marché américain, Paname de Patou pour le duty free et 2000 En Patou, fragrance réalisée pour le passage à l’an 2000, à 2000 exemplaires et vendue 2000 francs le flacon !
Jean-Michel Duriez compose, en 1999, Lacoste for Woman, le premier jus féminin de Lacoste et le masculin Lacoste 2000.
Jean-Michel Duriez,
4ème nez maison depuis 1998
Aux mains du groupe Procter & Gamble Prestige Beauté(7) depuis septembre 2001, Patou réduit, dans un premier temps, son portefeuille de marques à cinq fragrances féminines - extrait de Joy, Eau de toilette de Joy, Eau de parfum de Joy (ex. Eau de Joy), 1000 et Sublime -, tout en relançant la gamme des laits parfumés et gels douche.
Mais, pour être toujours de son temps,Patou charge Jean-Michel Duriez de composer une nouvelle eau de parfum(8) pour une nouvelle génération de femmes. "Le nom Enjoy témoigne de l’évolution de la femme depuis Joy. Epanouie,séduisante, passionnée,tantôt provocante, tantôt tendre, la femme est aujourd’hui, maîtresse de son destin", explique l’"écrivain, sculpteur ou compositeur d’odeurs", comme il aime à définir son métier."Pour séduire les jeunes de 25/35 ans, Enjoy propose une note de tête à base de cassis, poire et pomme verte, une note de cœur - respect de la "mélodie" oblige -, à base d’extrait de rose de Bulgarie, de rose de Turquie et de jasmin d’Inde et une note de fond à base de patchouli, ambre, vanille et musc."
Lancé le 17 décembre 2002, avec, non plus une Rolls Royce mais la C3 de Citroën, Enjoy est immortalisé par la comédienne Chiara Mastroianni, photographiée en noir et blanc par Peter Lindbergh. Sur le bouchon plat, taillé selon les lignes du flacon de Joy, le monogramme estampillé de... J P ! Ce même monogramme signera prochainement une nouvelle page olfactive de la maison Patou : la haute parfumerie.
Tailor made fragrance ou comment personnaliser, comme la haute-couture le fait pour le corps, la fragrance selon la texture de la peau.
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1 - roman de Victor Marguerite publié en 1922.
2 - Nom donné en référence au pays de Sumer, en Babylone, où vivait une femme au teint d’or d’une beauté légendaire. La marque aura une déclinaison avec Bronze de Chaldée,une crème hydratante.Avec l’Huile de Chaldée,Baccarat crée son premier flacon dans l’univers du parfum. La ligne Huile de Chaldée sera relancée de 1993 à 2001.
3 - Seul, l’extrait Joy est composé avec les fleurs cultivées à Grasse, quantité disponible limitée et coût élevé obligent.
4 - Il décroche en 1965 le Prix des parfumeurs de France, un concours destiné à récompenser l'auteur d'un parfum original. Il est le fondateur de l’Osmothèque.
5 - Signé Jean Patou avec, en haut et à droite du flacon en forme de buste, le crocodile Lacoste. C’est avec Lacoste pour Homme que la signature Jean Patou disparaît.
6 - Le flacon, signé par Xavier Rousseau, est coiffé d'un bouchon en verre prune souligné d'une bague dorée. La pompe indépendante, livrée avec chaque produit, permet d'utiliser Patou For Ever soit en flacon, soit en vaporisateur.
7 - Procter & Gamble a racheté la marque Jean Patou mais non la société.Le groupe est, aujourd’hui,numéro trois mondial du parfum avec,en marques en propre,Jean Patou etGiorgio Beverly Hills eten licences :Lacoste,Hugo Boss,Laura Biagotti,HelmutLang,Yohji Yamamoto,Valentino, Baldessarini, Rochas,Gucci, Escada, Dunhill et Montblanc.
8 - Enjoy est également décliné en lait parfumé, gel douche et déodorant à bille.
Heineken sous une bonne étoile
17 000 hectolitres en 1873, 22,4 millions en 2001 !
Heineken, première marque internationale de bière, commercialisée dans plus de 170 pays, est également la première marque européenne. Voyage au cœur de l'étoile de la bière.
Trois générations, trois défis, pour un succès planétaire. Aujourd'hui, première marque internationale de bière, Heineken est née sous une bonne étoile. La marque doit à son créateur,Gerard Heineken,la création du process industriel qui lui donne, depuis ses origines, une qualité constante. Son fils, Henry, jette les bases de l'exportation, prouvant ainsi que, selon son vœu, “Beer can travel”. Enfin, Alfred, le petit-fils, décédé le 3 janvier 2002 à l'âge de 78 ans, fait de Heineken un produit d'image dans plus de 170 pays, attestant que “Brand can travel”. Trois chiffres témoignent de sa renommée : 13 000 bouteilles de bière Heineken sont consommées, toutes les minutes, dans le monde. Placées verticalement, les bouteilles, produites dans l'année, peuvent faire 32 fois le tour de la terre.
Gérard Adriaan Heineken
Henry Pierre Heineken
Alfred Henry Heineken
Heineken, une réponse aux attentes des consommateurs
Deux exploits, loin des ambitions de Gerard Adriaan Heineken quand, à 22 ans, il acquiert, le 16 décembre 1863, la brasserie “De Hooiberg”(la meule de foin) alors la plus grande brasserie de la capitale, fondée en 1592 par Weijintgen Elberts, veuve d'un brasseur. Preuve que la bière n'est pas du ressort des seuls hommes ! Et c'est en tant que principal actionnaire de la société Heineken's Bierbrouwerij Maatschappij NV (HBM), créée en 1873, que Gerard Adriaan Heineken décide de lui donner son patronyme. Son entreprise fabrique 17 000 hectolitres grâce à deux brasseries, l'une construite à Amsterdam en 1867 et l'autre à Rotterdam, en 1873.
C'est pour mieux satisfaire les attentes de ses clients que la bière blonde Heineken est fabriquée selon une nouvelle technique,baptisée “fermentation basse”(1). La marque se distingue également de ses concurrents - on dénombre alors plus de 500 brasseries aux Pays-Bas -, grâce aux innovations, dont celle du professeur Carl von Linde, inventeur d'un système de réfrigération élaboré en 1881. Pour donner à sa bière une qualité constante, Gerard Adriaan Heineken charge le docteur Elion, élève de Louis Pasteur (2), de créer une souche pure de levure. Baptisée “Heineken A”, elle entre dans la composition de la bière depuis… 1886.
Le froid industriel et la pasteurisation confèrent ainsi à la bière une qualitétoujours identique et l'aptitude à voyager ! Signes de reconnaissance, la marque reçoit, en 1883, le diplôme d'honneur à Amsterdam et une médaille d'or lui est décernée dans la catégorie des bières supérieures à l'Exposition Universelle de Paris, en 1889.
Ces deux distinctions figurent toujours en bonne place sur l'étiquette de la bouteille ! Au reste, la société est alors la seule, à l'époque, à disposer d'un laboratoire. Et elle sera la première, en Europe, à recevoir quelques années plus tard - en 1992 -, la certification Iso 9002 décernée à la brasserie de Schiltigheim, en Alsace. C'est avec cette même ville que Heineken noue, le 17 octobre 2001, un partenariat pour sensibiliser les enfants, et à travers eux, la population, aux enjeux de l'eau. Principal constituant de la bière, l'eau représente plus de 90% de sa composition.Elle est également utilisée dans le processus industriel du brasseur. L'opération “Soyons citoyens de l'eau” participe ainsi de la politique de développement durable de Heineken en France (3).
Les premiers pas à l'international
Quand Gerard Adriaan Heineken meurt le 18 mars 1893, son épouse, Marie Tindal lui succède jusqu'en 1914. La société vend 200 000 hectolitres de bière par an quand la moyenne des autres brasseurs hollandais ne dépasse pas 3 000 hectolitres. Et la marque a déjà franchi les frontières puisqu'elle est vendue en France, son premier marché extérieur, depuis 1876. Mais sa véritable internationalisation débute en 1931, deux ans après l'inauguration de la première ligne d'embouteillage à Rotterdam. Heineken est alors une des premières brasseries à livrer aux pubs et débits de boissons la bière en bouteille. Il revient à la deuxième génération de relever le défi de l'exportation. Aux commandes de la société depuis 1914, Henry Pierre Heineken, fils du fondateur, va faire de l'exportation une réponse à la crise économique. Un joint venture, Malayan Breweries Ltd, est créé à Singapour en 1931, avec Fraser & Neave, un fabricant de soft drink. Nom de la marque élaborée sur place et exportée à Hong Kong et en Thaïlande : Tiger Beer. Exception à la règle non écrite selon laquelle, à l'époque, la bière Heineken ne peut être fabriquée qu'en Hollande : elle l'est, depuis 1937, et sous la marque Heineken, dans les Indes hollandaises (Indonésie). La première licence !
Premier brasseur à exporter aux Etats-Unis après la prohibition ?
Heineken. C'est un retour pour la marque déjà présente avant la Première Guerre mondiale.
Devant le refus de la compagnie de navigation de réembarquer les barils vides, Heineken arrête l'exportation en 1916. Aussi, la date du 11 avril 1933 est-elle mémorable, à double titre. Pour les Américains, elle sonne la fin de la prohibition. Ce même jour, les premiers barils quittent Rotterdam pour Hoboken, dans l'Etat de New-York. On peut lire dans le New-York Times du 14 avril 1933 :“la première cargaison d'importation légale de bière depuis treize ans est arrivée. Il s'agit de la bière Heineken.
Premier joint venture créé à Singapour en 1931. Tiger beer, première bière fabriquée sous licence.
”Reste que les ventes ne décollent pas,freinées par la crise économique, la dévaluation du dollar en 1933, les taxes et le pourcentage d'alcool limité à 3,2 degrés. Un combat perdu d'avance ? C'est compter sans l'ingéniosité de Leo van Munching, responsable des ventes Heineken pour le marché américain. Il n'est pas un jour sans qu'il ne tente de convaincre les cafés et bars de proposer aux consommateurs la bière Heineken.Son mot d'ordre :“ Deliver in the morning, promote in the evening” Message reçu ! La marque que la réclame surnomme alors “The Champagne of beers” est, aujourd'hui, le numéro un des bières importées.
Une marque mondiale
Troisième défi relevé par la troisième génération : faire de Heineken une marque mondiale. Entré dans la société en 1942, l'année où la famille perd son contrôle, Alfred Henry Heineken, fils d'Henry Pierre, s'initie au marketing, aux Etats-Unis, de 1946 à 1949. Avec lui, la petite entreprise hollandaise devient un groupe de dimension internationale. Principes intangibles : un produit au packaging et au goût identiques quel que soit le pays. Son crédo :“je ne vends pas de la bière mais de la chaleur humaine et de la gaité”. Commercialisée, durant l'entre-deux guerres, principalement dans les pubs où la notion de marque importe alors moins que dans les magasins, Heineken doit, au sortir de la deuxième guerre mondiale, affronter un double défi :celui de la concurrence de nouvelles boissons comme Coca-Cola et la naissance des magasins libre-service.
Désormais, la bière Heineken doit être gérée comme une marque avec une communication offensive et une image uniforme et cohérente pour le consommateur. Auparavant, les brasseurs qui commercialisaient Heineken apposaient leur nom et le dessin de leur brasserie sur l'étiquette. Signes du changement : la bouteille change de forme en 1945,un département des ventes est créé en 1951 et le marketing acquiert ses lettres de noblesse. Sur le plan de l'identité visuelle, les lettres en majuscule sont abandonnées au profit d'un "e" rieur." Des experts ont travaillé des journées entières au microscope afin de déterminer l'inclinaison du "e" du logo.
Trop penché dans un sens, il a un air triste, et dans l'autre un air idiot. Voyez-le, maintenant : il sourit”, résume alors celui qu'on surnommera Freddy. Deuxième changement en 1954 : la bouteille abandonne la couleur rouge pour le vert. Freddy Heineken qui vient, la même année, de reprendre le contrôle de la société et qu'il dirigera de 1964 à 1989, n'aura de cesse de répéter que “le plus beau coup de ma vie aura été de changer la couleur de l'étiquette et de la bouteille de Heineken. Le rouge est une couleur dangereuse lorsqu'il s'agit de produits alimentaires ou de boissons. En revanche, le vert représente la sécurité.” Avec son étoile… rouge (4),Heineken part à la conquête du monde. Toujours en trois temps : l'exportation, la licence et la filiale. La bière, produit pondéreux, ne peut être exportée si elle ne dégage pas de marge. D'où l'impératif de la valeur ajoutée, point de passage obligé pour être présent à l'international. Afin de conserver la même qualité gustative, la fabrication, locale à partir de la licence, reçoit de Hollande, par avion, la levure “A”. Heineken détermine la composition et la qualité des matières premières, le procédé de fabrication,le packaging et la politique de prix. Chaque mois, les brasseries agréées envoient des échantillons contrôlés par un panel d'experts à Amsterdam (5).
Durant les années 50 et 60, l'Afrique de l'Ouest demeure le principal marché d'Heineken qui exporte alors près de la moitiéde sa production. Afin de contourner les restrictions aux importations adoptées par certains pays et le coût élevé de la création d'usines sur place, Heineken développe la licence.
Ponctuelle, les premières années,elle se multiplie après l'acquisition de Amstel, en 1968, qui utilisait cette méthode d'exportation depuis plus longtemps. Aujourd'hui, Heineken a planté ses couleurs dans plus de cinquante Etats (6) dans lesquels il faut distinguer les marchés matures, à forte concentration capitalistique,où il est très difficile de s'introduire,des marchés en développement où Heineken peut soit créer la demande, comme au Vietnam, soit la dynamiser comme en Pologne. Ce n'est qu'au début des années 70 que le brasseur joue la carte européenne (7). Un continent longtemps négligé (sa part de marché ne dépasse pas alors 3%) en raison du coût des investissements plus lourds qu'en Afrique et en Asie. La décolonisation et les risques de nationalisation imposent un changement de stratégie.
Campagne 1999
Campagne 1998
Première étape : la Grèce où Heineken détient une position importante grâce à l'acquisition de Amstel. En 1972, le groupe rachète la société française Albra (Alsacienne de Brasserie et ses principales marques Mützig et Ancre) et, deux ans plus tard, l'italien Dreher. Distribuée,en France,dans le circuit CHR par Moët & Chandon, depuis les années soixante, Heineken crée une filiale en 1976 qui devient Heineken France quand l'Alsacienne de Brasserie prend ce nouveau nom en 1980.
Heineken France fusionne avec Brasseries Pelforth et Union de Brasseries dans Française de Brasserie, en 1986 et devient Brasseries Heineken (8) en 1993. Sur fond de construction européenne, des brasseurs européens se constituent.Le groupe Heineken joue alors la carte de la production locale dans les principaux marchés européens avec une présence sur les différents segments. Cible retenue : le sud de l'Europe où la consommation de bière est plus faible que dans le nord. Ce n'est qu'en 1993 que Heineken est importée en Allemagne, patrie de la bière ! Aujourd'hui, le groupe est le premier brasseur européen.
L'exception française
“Le nom de Heineken est un don du ciel.C'est un nom de bière avec une consonnance légèrement germanique et un semblant de diminutif qui appelle l'affection”, résumait Freddy Heineken. Traduction par le slogan publicitaire des années soixante : “Friendly people drink Heineken”. C'est en Hollande que Heineken inaugure, le 1er janvier 1968, la première publicité télévisée.
En France, où la consommation de bière est une des plus faibles en Europe - 34 litres/hab/an contre 137 en Allemagne -, Heineken va utiliser le grand écran (9) jusqu'en 1992, loi Evin oblige ! (10) Avec son agence historique, Publicis (11), la marque va séduire bon nombre de réalisateurs parmi lesquels Robert Enrico en 1976 (signature “ Heineken,j'aime sa finesse “), Bertrand Blier (1977),Alain Franchet (1982 et 1990), Jean-Baptiste Mondino (1986). C'est en 1982 que l'on entend pour la première fois la célèbre phrase : “Heineken dédie ce film à tous ceux que la bière fait rêver.” Révolution pour une marque de bière, Heineken met en scène des hommes et… des femmes dans des lieux branchés. “Comme les boissons alcoolisées, Heineken quittera les écrans en fin d'année. Aussi Heineken dédie ces images à tous ceux qui ont aimé ses films. Heineken, la bière qui a un nom”, concluait le dernier film publicitaire en 1992. Le slogan “Heineken, la bière qui fait aimer la bière”, lancé en 1980 par Publicis, est remplacé en 1996 par “L'esprit bière”.La célèbre musique “Every Kind of people” signée Robert Palmer, qui identifie la marque depuis 1982, ne peut s'entendre qu'à la radio (mais pas entre 9 h et 17 heures!). Reste que la marque privilégie essentiellement les supports presse et affichage.
2002
2006
En 2004, Heineken réinvente le packaging de la boite 33 cl. Largement inspirée des lignes généreuses du fût Heineken, la boite 33 cl change de look pour plus d'originalité. Son toucher relief lui apporte un design résolument moderne et son décor aluminium suggère sa fraîcheur intense.
2005, l'année de la pression ? C'est en tout cas le défi relevé par Heineken avec le lancement de deux nouveautés pression.
Heineken sort des sentiers battus. La vraie bière pression ne se cantonne plus à ses lieux de consommation habituels cafés et bars mais elle devient nomade avec le nouveau fût pression à emporter! Pratique et convivial, ce fût est facile à emporter et à partager en toutes occasions. Alliant une technologie exclusive à un design soigné, le fût Heineken offre une bière d'une grande qualité pression. Il remporte, à ce titre, un Oscar de l'emballage cette même année.
Heineken propose aussi une nouvelle offre pression destinée aux bars et brasseries, d'une fraîcheur sans égale, avec une température de service ramenée à 2/4 °C. Elle se décline en une colonne perlée pour les établissements de jour ou givrée pour les bars de nuit.
Heineken n'en reste pas là et ose en 2006 le lancement de la bouteille 15 Cl. Véritable révolution dans le rayon bière, petite et pratique, son format mini cible les consommateurs occasionnels de bière et plus particulièrement les femmes. Elle est idéale à l'apéritif pour tous ceux qui souhaitent déguster une Heineken en plus petit.
Dans l'univers de la nuit, quatre ans après le succès de la bouteille aluminium, son designer, ORA-ITO offre un nouveau souffle à ce contenant inédit. Des lignes plus fluides, une silhouette affinée et conique, la nouvelle bouteille aluminium fait une entrée remarquée dans les établissements les plus prestigieux.
Sa grande sœur en profite pour se faire une nouvelle jeunesse dans les linéaires des grandes surfaces sous la forme d'un pack de trois bouteilles. Les jeunes adultes peuvent désormais apprécier les soirées premium " à la maison " !
Plus moderne, dynamique et audacieuse que jamais, la marque Heineken est une pionnière en matière d'innovation et continue à relever tous les défis afin de satisfaire au mieux ses consommateurs.
Campagne de Pub
En 2005, Heineken change de ton et opte pour une campagne sur le thème " For a Fresher World " La marque fait appel à l'artiste PARRA et à son style unique pour réaliser la nouvelle campagne 2006. Inspiré des années 60,70, l'artiste apporte un ton décalé, plein d'humour et un traité original tout en rondeur et en couleurs auxquels la marque s'associe pour un impact saisissant auprès du grand public.
Verre premium
2002 aux formes galbées, réalisé par
le designer Martin Szekely
Il est un territoire sur lequel Heineken est particulièrement présent : les cafés, hôtels et restaurants et qui représentent plus de la moitié de son chiffre d'affaires (12).
“C'est sur ces terrains que se bâtissent la notoriété et la réputation de la marque”, explique Fabrice Herlax, chef de groupe.
Les opérations de publicité sur le lieu de vente - on dénombre près de 40 000 cafés brasseries aux marques du groupe - permettent de démultiplier la visibilité de la marque : parasol, cendrier, verre (verre prestige puis nouveau verre Premium 2002 aux formes galbées, réalisé par le designer Martin Szekely), dessous de verre, plateau, etc...
Vers un marché premium
Heineken entend également animer la marque par l'emballage, le design et la fonctionnalité des packs. Travailler sur l'emballage permet de gagner en durée de conservation, en résistance et praticité. “La marque est la première clé d'entrée du consommateur sur le marché de la bière, le format, la deuxième et le prix, la troisième. Si, depuis trente ans, la consommation de bière, surtout la bière de table, a baissé, elle s'est néanmoins orientée, comme le vin,vers la qualité.L'offre se caractérise par des produits ayant plus de statut et de goût. Aujourd'hui, notre enjeu est double : croître en volume et en valeur pour attirer des nouveaux consommateurs et offrir une bière Heineken toujours plus premium. Ce qui se concrétise par le lancement de nouveaux formats, l'élargissement de la distribution et toujours plus d'innovation et de qualité”, résume Fabrice Herlax. Grâce aux formats spécifiques, Heineken peut ainsi différencier son offre selon les circuits de commercialisation et proposer ainsi des moments bière uniques. Heineken se singularise par des lancements spécifiques.
C'est, en 1998, la bouteille sérigraphiée de 33cl et la “long neck” de 33 cl (à destination du CHD), la boite 50 cl galbée aux formes féminines et la boîte 33 cl profilée reprenant la silhouette du fût (13). La même année, un nouveau système d'ouverture, plus large, facilite l'ouverture et la dégustation. Pour célébrer le passage à l'an 2000, une boîte 33 cl. “Millenium”représente en 1999 le planisphère avec le passage vers le 3ème millénaire heure par heure. 1999 toujours avec un packaging événementiel, un jéroboam de trois litres et les duos de boites de 25 cl “pour toi/pour moi” vendues lors de la Saint Valentin. Pour la première fois, l'étoile se transforme en cœur ! Pour répondre au nomadisme,Heineken propose,en 2000, le “basket pack”, six bouteilles de 33 cl faciles à emporter grâce à une poignée. Raison Pure signe, la même année, un nouveau packaging. Initiative emblématique sur le marché de la bière en 2002 : la bouteille 33 cl., 100% aluminium, matériau noble et moderne, dessinée par Ora-ïto et destinée aux bars de nuit et discothèques. Preuve que l'on peut être plus que centenaire et néanmoins apte à anticiper les futurs modes de consommation
Bouteille sérigraphiée à destination du CHD
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(1) On parle de fermentation haute quand le moult est fermenté à une température d'environ 15°C et de fermentation basse à 8 ou 10°C (Pils).
(2) Fondateur de la brasserie moderne grâce à ses travaux sur la maîtrise de la levure pour stabiliser la bière.
(3) Cf La Revue des marques n°37, janvier 2002, “la planète verte au secours de la planète bleue”.
Sources : Heineken History, 1949-1988 ;The magic of Heineken, 2001 ; www.heineken.fr
(6) Angleterre (1969), Sierra Leone (1972), Trinidad (1972), Jamaïque (1972), Norvège (1975), Suède (1975), Sainte Lucia (1976), Tahiti (1976), Haiti (1977), Irlande (1978), Italie (1979), France (1980),Maroc (1980), Grèce (1981), Corée du sud (1981, Licence arrêtée en 1987 car son associé voulait également vendre Budweiser sous licence), Japon (en 1983 avec Kirin), Espagne (1988), Brésil (1990), Hongrie (1991),Vietnam (1992), Allemagne (1992) Chine (1993), Pologne, Cambodge et Bulgarie (1994), Ghana, Viêt-Nam, Thaïlande…
(7) Heineken était déjà présent en Europe avec des participations financières : la Brasserie Léopold à Bruxelles acquise en 1927 et vendue à Stella Artois car jugée peu rentable ; 8% dans le capital de l'italien Cisalpina en 1960.
(8) En France,Brasseries Heineken détient 31 marques dont“33”Export,Murphy's,Amstel, Buckler,Panach',Pelforth,George Killian's,la Dry,Affligem,Record,Mützig,Porter 33,Ancre et Pélican. (22% du marché français).Trois sites de production :Mons-en-Baroeul dans le Nord, Schiltigheim en Alsace et Marseille. En 2000, Heineken détient des participations dans 110 brasseries implantées dans 57 pays ayant brassé 97,9 millions d'hectolitres de bières (dont 21,6 millions pour la marque Heineken).
(9) De 1968 à 1992, Heineken n'a été présent que deux mois en publicité télévisée.
(10) Depuis 1971,Brasseries Heineken soutient l'Ireb,l'Institut de recherche sur les boissons alcoolisées qui a mis au point le test de mesure de la Gamma GT pour dépister l'abus d'alcool par prise de sang. Brasseries Heineken est l'un des membres fondateurs de Entreprise et Prévention en 1990 ; l'entreprise signe en 1997 le Code d'éthique des Brasseurs de France.
(11) De 1990 à 1992 le budget publicitaire est chez J.Walter Thompson pour cause d'alignement international.
(12) Heineken distingue quatre types de points de vente : les points de vente “habitude”,
(le café traditionnel,proximité),les points de vente “pratique”(café de gare,brasserie sur lieu de passage), les points de vente “détente” (restauration, pub, concept bar), et divertissement (discothèque, bar ambiance, parc d'attraction).
(13) à partir de 1961, les fûts en bois disparaissent au profit du métal.
(14) Un litre de bière contient en moyenne un litre d’eau, 200 grammes d’orge, deux grammes de houblons et de la levure. Boisson plusieurs fois millénaire, la bière (cervoise chez les Gaulois, ) a des vertus thérapeutiques. Cléopâtre l’utilisait dans son bain pour entretenir la fraîcheur de son teint et garder la peau douce. Issue des céréales, la bière est riche en minéraux, en magnésium et en vitamine B ; elle facilite le transit stomacal et intestinal.
Guerlain…
le “musicien des odeurs”
Le plus ancien des parfumeurs français est aussi celui qui a ouvert le plus de voies olfactives et a fait de la parfumerie un art majeur. Depuis 1828, il ne s'est jamais départi de sa vocation n'associant jamais son nom à la haute couture ni à la joaillerie.
Eau de Cologne Impériale, Jicky, L'heure bleue, Mitsouko, Shalimar, Habit Rouge… Autant de noms évocateurs de parfums magiques qui défient le temps et qui comptent au nombre des sept cents fragrances du plus ancien des parfumeurs français.
Dénominateur commun à toutes les créations de la maison issues de l'“orgue à parfums”,un même sceau olfactif, la fameuse “guerlinade”, formulée par Aimé Guerlain, une tonalité claire et florale, un accord secret à base de jasmin rehaussé de rose,d'iris,de vanille et de fève tonka.“Les parfums Guerlain détiennent ce pouvoir immuable de faire émerger et mettre en scène toute une partie intime, tout un arrière-pays, quelque chose qui dési-gnerait à la fois l'origine et la transmission, le début des choses et le don de soi”, explique Jean Paul Guerlain, cinquième génération (1) de la plus prestigieuse lignée de parfu-meurs du monde, et quatrième “nez” maison.
Capable de reconnaître trois mille nuances olfactives, il fut durant un demi-siècle le créateur de quarante-trois parfums.“Nous nous servions du “grand livre”, un manuscrit relié de cuir noir qui contenait toutes les formules depuis les origines. Quand nous le sortions du coffre, nous le posions sur un pupitre pour en tourner délicatement les pages. C'était notre bible. Elle a été remplacée par l'ordinateur” (2). Si Jean Paul Guerlain a quitté la maison en janvier 2002, il demeure conseiller en tendances olfactives (3) auprès de Renato Semerari, président-directeur général de Guerlain.
Le flacon abeilles aux
armoiries de l'impératrice
Eugénie - 1853
Les lettres de noblesse
Né dans un “berceau d'odeurs” - son père est marchand d'épices -, Pierre François Pascal Guerlain devient à dix-neuf ans, commis marchand chez un fabricant en parfumerie, puis accomplit en Angleterre, alors berceau des fragrances et des parfumeurs les plus réputés dans le monde, des études de médecin chimiste. Las de se heurter aux refus des coiffeurs de commercialiser ses créations, il décide de n'être distribué que par lui-même dans la capitale. Une stratégie maintenue jusqu'en 1999 ! Il ouvre donc boutique, en 1828, au 42, rue de Rivoli au rez-de-chaussée de l'hôtel Meurice, lieu de villégiature privilégié des Britanniques avec, pour enseigne “Parfumeur Vinaigrier”.
La boutique, rue de la Paix, de 1939 à 1914
Il propose alors savons, vinaigres de toilette – comme la maison Maille – (4) et parfums des grandes maisons anglaises, des eaux de Cologne et des préparations thermales préparées dans son usine de fabrication près de l'Arc de triomphe, mais également des accessoires pour femmes, poudriers, polissoirs en ivoire… A l'époque, le parfum n'est pas en odeur de sainteté. Apanage des courtisanes, il est suspecté de vulgarité. Jamais les essences ne doivent toucher le corps, seulement le papier à lettres, les gants… Précurseur, Pierre François Pascal Guerlain pressent que les moeurs vont évoluer. C'est rue de la Paix, alors carrefour de l'élégance qu'il propose, depuis 1839, des fragrances sur mesure pour de nombreuses personnalités.
Le flacon Tortue - 1914
réalisé par Baccarat
C'est à lui que s'adresse Honoré de Balzac, sur le point d'écrire César Birotteau, l'histoire d'un parfumeur parisien. Fournis-seur depuis 1842 de la grande duchesse de Bade, de celle de Wurtemberg et de Sa majesté la reine des Belges, la maison vend dans toute l'Europe grâce à des dépositaires et ouvre en 1851, un magasin à Londres. Cliente de prestige pour l'Eau de Cologne impériale, première fragrance de la maison Guerlain créée en 1830, l'impératrice Eugénie la reçoit, en 1853, l'année même de son mariage avec Napoléon III, dans un flacon créé spécialement à son intention : rond, décoré d'une constellation d'abeilles moulées en relief, avec une étiquette vert Empire et l'aigle impérial. Cette création vaut à Pierre François Pascal Guerlain le titre de “parfumeur breveté de Sa Majesté”. L'Eau de Cologne Impériale compte encore aujourd'hui une clientèle importante. Et le flacon n'a pas changé.
Shalimar - 1935
L'heure bleue - 1927
Vol de nuit - 1936
Naissance d'une dynastie
En 1862, deux avant son décès, Pierre François Pascal cède la conduite de sa maison à son fils aîné Aimé qui poursuit l'oeuvre de son père et s'associe en 1874 avec son frère, Gabriel, le gestionnaire. La maison, dès lors, va se sin-gulariser par le “nez” maison toujours issu de la famille et par le couple créateur-gestionnaire éga-lement familial. Aimé crée des parfums dont les noms évoquent des contrées lointaines ou mystérieuses - United States Perfume, Far West, Oppobalsam de la Mecque, Moskwaskia…-, des fleurs ou des rêves avec Fleur d'Italie (1884), Skine (1885) et Rococo (1887). Avec Jicky, surnom de son neveu Jacques (ou nom d'un amour de jeunesse quand il était en Angleterre ?), Aimé révolutionne en 1889 le parfum, alors considéré comme devant être la photographie d'une fleur, en utilisant, pour la première fois, des composants de synthèse (coumarine, linalol et vanilline) quand, jusqu'alors étaient seuls tolérés les bouquets floraux, à base d'extraits de fleurs ou d'infusions de produits naturels.
Ce parfum fut d'abord adopté par les hommes et dédaigné par les femmes tant semblait brutale sa composition offrant une pointe d'odeur animale inconnue jusqu'alors. Gabriel dessina le fla-con en hommage à son père avec un bouchon représen-tant un bouchon de champagne. Passage de témoin en 1890 : Jacques, fils de Gabriel, devient le nouveau créateur de la maison et son frère, Pierre, le gestionnaire à qui Aimé cède en 1894 la propriété de la maison.
Vega - 1936
Jacques crée Ambre en 1890 puis Jardin de mon curé en 1895 car la mode est alors au petit jardin intime à la campagne. Et puisqu'il est de bon ton d'exprimer ouvertement ses sentiments, Jacques propose Voilà pourquoi j'aime Rosine en 1900. Le Mouchoir de Monsieur et Voilette de Madame répondent à la mode des tissus et accessoires. Entre 1890 et 1900, pas moins de dix nouvelles fragrances sortent, tous les ans, de la maison. Parfum des Champs-Elysées est lancé en 1904 avec un flacon en cristal de Baccarat en forme de tortue, Après l'Ondée en 1906 offert comme une note d'espoir pour ce nouveau siècle. En 1912, L'Heure Bleue rend hommages aux peintres impressionnistes. Le roman de Claude Farrère La bataille et son héroïne inspirent en 1919 le choix de Mitsouko (“mystère” en japonais) qui, grâce à la découverte de l'aldéhyde C14 en 1908 ouvre la voie à tous les chyprés fruités.
Shalimar - 2002
Deuxième révolution ini-tiée par Guerlain en 1925 : avec Shalimar (5), Jacques ouvre la voie à une nouvelle famille olfactive, les parfums orientaux. Deuxième parfum le plus vendu au monde après le N° 5 de Chanel, Shalimar, oriental doux, est présenté dans un flacon dessiné par Raymond Guerlain inspiré des vasques des palais du Rajasthan. Ce parfum rend hommage à l'Inde, aux jardins envoûtants de Shalimar (Cachemire) où le souverain mongol shah Jahan fit construire le Taj Mahal, un temple dédié à l'amour éternel pour sa belle épouse Mumtaz Mahal dis-parue. Orient toujours avec Liu en 1929 dans un flacon de cris-tal noir inspiré d'une boîte à thé chinoise. En hommage au roman de l'aviateur Antoine de Saint-Exupéry et en l'honneur également de la compagnie Air France lancée en 1933, Jacques imagine, la même année, Vol de Nuit. Le décor en relief sur le flacon représente une hélice d'avion en mou-vement. Et puisque l'heure est aux grands espaces, Vega célèbre en 1936 la plus belle étoile.
Liu - 1927
La maison Guerlain se singularise de nouveau en ouvrant, le 27 avril 1938 le plus grand institut de beauté du monde décoré par Christian Bérard et Giacometti dans l'hôtel particulier de la famille, construit en 1914 par l'architecte du Ritz, au 68 avenue des Champs Elysées. Victimes de bombardements pendant la Seconde Guerre Mondiale, l'usine Guerlain de Bécon-les-Bruyères reste silencieuse jusqu'à la Libération quand les soldats américains faisaient la queue devant la boutique des Champs-Elysées pour offrir à leur fiancée un peu de l'air de Paris.
Le parfum, portrait d'une femme
Ode sera le dernier parfum créé par Jacques, en 1955, avec la collaboration de son petit-fils Jean-Paul. Ce dernier, alors âgé de dix-huit ans, raconte qu'il est entré en parfumerie “par erreur” puisque c'est son frère aîné Patrick qui était destiné à devenir le “nez” maison. Attiré par la carrière littéraire, Jean-Paul Guerlain voit son destin contrarié par une mauvaise vue. Hébergé par son grand-père, celui-ci le met, un jour de 1955, au défi de reconstituer le parfum de la jonquille dont un flacon d'essence avait été égaré. Dans l'usine de Courbevoie construite en 1947,“j'ai mélangé produits de synthèse et essences naturelles, narcisse, feuille de violette, jasmin... Cela sentait si bien la jonquille que mon grand-père a cru que j'avais retrouvé le flacon perdu. C'est ainsi que je fus intronisé parfumeur”, se souvient Jean-Paul Guerlain. C'est à la demande du dis-tributeur du Mexique qui se plaignait alors du manque d'eau de toilette masculine qu'il crée en 1959, son premier parfum, Vetiver, une eau de Cologne masculine à base de tabac, de cuir, de mousse des bois et associé à une racine que l'on trouve dans l'océan indien, le Vétyver.Après Champ d'arômes destiné en 1962 pour la mère de son fils, Jean-Paul Guerlain devenu le “nez” maison au décès de son grand-père en 1963, lance sur le plan mondial le parfum pour homme Habit Rouge censé “retranscrire l'odeur puissante et charnelle du cheval mêlée aux effluves du cuir des harnachements”(6).
Passionné d'équitation, héritage familial oblige, Jean-Paul Guerlain a choisi ce nom donné aux vestes des cavaliers anglais en compétition. Mais ce sont les femmes qui vont l'inspirer, “Chacun des mes parfums est le portrait d'une femme” dira-t-il, en mémoire de son grand-père qui lui donna ce conseil : “Souviens-toi d'une chose, on créé toujours des parfums pour la femme avec laquelle on vit et que l'on aime”. En écho au roman de Françoise Sagan, Jean-Paul Guerlain propose en 1969, Chamade. C'est pour sa mère qu'il crée Parure en 1975, “transcription olfactive des mes émotions enfantines”. Après quatre ans de réflexions et cinq cents essais, il imagine Nahéma “en pensant à Catherine Deneuve, que je n'ai jamais rencontrée, mais que j'ai admirée dans le film Benjamin ou les mémoires d'un puceau, et qui est à mon avis l'une des plus belles femmes au monde. J'ai construit ce parfum comme un morceau de musique, je voulais recréer le rythme lancinant du Boléro de Ravel” (7).
Suivront Jardins de Bagatelle (1983) et Derby (1985). C'est en hommage à Dacia de Pauw, sa muse pendant vingt ans, qu'il crée en 1989, Samsara, parfum ainsi présenté :“à l'aube du troisième millénaire,la femme se réincarne en Guerlain”. Samsara (qui signifie en sanscrit “la roue de la vie”), oriental, boisé et fleuri propose un itinéraire à la croisée de deux cultures, Orient et Occident. Le flacon rouge, couleur du sacré en Orient créé par le sculpteur Robert Granaï, reprend la silhouette d'une danseuse khmère du musée Guimet et le bouchon se veut symbole de méditation. Ce parfum bénéfice alors de la première campagne publicitaire mondiale de la maison confiée à l'agence RSCG. “Je crée des parfums parce que je veux faire jaillir des émotions que je n'arrive pas à décrire”,explique Jean-Paul Guerlain. La naissance de son deuxième petit-fils lui en donne l'occasion quand, un jour, à Scilla, petit village de Calabre, il eut “la vision d'une senteur qui ressemblerait à l'odeur des bébés. C'est un vieux rêve de parfumeur : recréer l'émotion de la peau.”
1989
Petit Guerlain à base de mandarine, jasmin, bergamote, menthe et camomille est né en 1994. Fidèle à la devise du fondateur - “Faites de bons produits, ne trichez jamais sur la qualité, ayez des idées simples et appliquez-les scrupuleusement” -, Guerlain est la seule maison qui utilise 80 % de matières pre-mières naturelles. Jean-Paul Guerlain parcourt le monde à la recherche des plus belles matières premières pour la composition de ses parfums.
Lancement en 1963
Changement d'ère
A la faveur du retrait du capital de certains membres de la famille, Henri Racamier, alors président de Louis Vuitton, prend 14 % du capital de Guerlain en 1987 juste avant que la société Louis Vuitton ne convole en justes noces avec Moët-Hennessy.
La maison reste familiale jusqu'en 1994, date à laquelle Christian Dior (LVMH) rachète 58,8 % du capital pour devenir actionnaire à 100 % en 1996.
La famille Guerlain a encore son mot à dire : Eric Guerlain est vice-président du conseil d'administration de Christian Dior et Edouard Guerlain est au collège des censeurs de la maison de couture.
Jean-Pierre Guerlain (décédé en 1997) président du conseil de surveillance de Guerlain et Jean-Jacques (décédé en 1997), vice-président.
Quand au “nez” il est toujours maison (8). Mais ce n'est pas lui qui, grande première dans l'histoire de la maison, crée, en septembre 1996, le jus Champs-Elysées, (nom déposé en 1937), premier parfum à avoir dompté le mimosa.
Premier visage pour Guerlain
Pour la première fois de son histoire, Guerlain choisit le visage d'une actrice célèbre - Sophie Marceau - pour incarner, dans une robe signée Dior, cette fragrance. Signature du film réalisé par l'agence Australie :“La vie est plus belle quand on l'écrit soi-même.” (9). Cette campagne entend promouvoir la marque ombrelle Guerlain peu connue à l'international quand ses jus le sont depuis longtemps.
L'ambition est alors de positionner la marque Guerlain comme élégante, raffinée, parisienne, innovante et contemporaine.
La même année, Guerlain ouvre son premier magasin “hors barrière” à Toulouse qui s'ajoute aux magasins parisiens (10).
En août 1999, la maison tourne une page de son histoire dans la capitale : elle s'interdisait depuis 1828 toute vente hors de son propre réseau.
Le tabou tombe avec une boutique aux Galeries Lafayette (11) premier point de vente mondial pour les parfums et au Bon Marché en novembre de la même année.
L'installation aux Galeries Lafayette coïncide avec la mise en place d'un nouveau concept de boutiques.
Mis au point par l'architecte américain Peter Marino à qui LVMH a également confié la transformation du magasin Dior de l'avenue Montaigne, ce concept est progressivement mis en place à Paris, New York et Tokyo. Si la maison possède son propre site corporate, c'est sur celui des Galeries Lafayette que, depuis 2001, elle vend en ligne parfums, maquillage et crèmes de soins.
Le magasin Marionnaud de la Madeleine accueille la marque depuis 2003.
La boutique des Champs-Elysées réouverte en 2005
Des pomades aux cosmétiques
Depuis 1828, le parfumeur n'est jamais sorti de sa vocation, sauf pour produire des cosmétiques, ne faisant en cela que suivre l'exemple des fondateurs, qui fournissaient en onguents et poudre de riz les cours royales et impériales du XIXe siècle. Mais à l'époque on parlait de “pommades” et non de “cosmétiques” pour les crèmes de jour, masques, préparations pour les mains et les ongles, brillantine, etc… La crème Secret de Bonne Femme créée en 1904 existe toujours, tout comme le baume pour les lèvres à base de tanin de bordeaux.
Lancée en 1980, la gamme de produits de soin Issima (12) s'est progressivement enrichie avec Success Night, soin anti-ride de nuit proposé en 1996, Issima Substantific en 2001 et Issima Successlaser (13) en 2002. En 2001, Guerlain s'associe avec un laboratoire de recherche cosmétique, l'Institut Esthederm, pour lancer les produits Etat Pur fondés sur l'E.V.E. (éléments de vie essentiels) qui permet aux cellules de l'épiderme de retrouver leur capacité de réplication. Côté maquillage, Guerlain lance en 1984 Terracota, poudre bronzante pour les femmes puis une version pour hommes au début des années 1990.
En 1997, la ligne femme s'étend : on mêle à la poudre bronzante des actifs pour lutter contre la déshydratation ainsi que des agents anti-radicalaires et anti-irritants. Elle contient aussi des réflecteurs de lumière, touche finale à un éclat qui existe désormais en trois versions pour s'adapter aux différentes carnations. En 2002, la gamme est destinée non seulement au visage mais à tout le corps. Le parfumeur invente, en 1987, les Météorites, une poudre sous forme de billes dont chacune des six couleurs a une fonction. Dernier lancement, en septembre 2005 d'un nouveau rouge à lèvres Kiss Kiss. Les lignes d'acces-soires pour le bain et la maroquinerie, vendues depuis 1994, ont été arrêtées en 1999.
Gamme lancée en 1980
Donner un avenir à son passé
Si les commanditaires privés ont disparus, Guerlain décline néanmoins des parfums événements : en 1999, le parfumeur crée des lignes éphémères destinées à ne durer qu'une saison telles l'eau de toilette au muguet pour le 1er mai, Terracota pour l'été, Belle Epoque pour le 150e anniversaire de Harrod's à Londreset Cherry Blosson pour la fête nationale des cerisiers au Japon ; en 2000, Philtre d'amour pour la Saint-Valentin. Pour attirer une nouvelle clientèle, plus jeune, Guerlain inaugure en 1999 une grande première dans l'histoire de la parfumerie avec le lancement simultané de cinq eaux parfumées Aqua Allegoria, imaginés par Jean-Paul Guerlain en villégiature à Rome lors de la semaine pascale.
Dernière campagne - 2003
Cette gamme de senteurs impressionnistes autour de la rose, du pamplemousse, de l'herbe verte, de la vanille et de la lavande prouve que la nature est toujours la première source d'inspiration de Guerlain. En 2000 cette gamme est étendue avec un nouvel arôme baptisé Floria Nerolia et une ligne de produits de soins (Aroma Allegoria). La même année, Guerlain propose Too Much une réinterprétation de Champs-Elysées et Météorite, une fragrance inspirée de la ligne de maquillage du même nom. Guerlain lance en septembre 2003 le féminin L'instant de Guerlain, créé par le “nez” Maurice Roucel (qui avait participé à la création de Champs-Elysées). L'année suivante, la version homme de l'Instant de Guerlain est élaborée par Béatrice Piquet et Sylvaine Delacourte. Ses notes sont le patchouli, la bergamote et les fèves de coco amer. Le flacon est inspiré des années 1930, fermé par un bouchon en bakélite et en résine.
Kiss-Kiss lancé en 2005
Et puisqu'il faut, selon une des devises de la maison, “donner un avenir à son passé”, Guerlain inaugure, le 7 juin 2005, sonnouvel institut au 68 avenue des Champs-Élysées sur 600 m2, revisité par l'architecte Maxime d'Angeac et la diva des intérieurs modernes, Andrée Putman. Les “dames de table” ont retrouvé les gestes d'hier pour enrouler les fils de soie autour du col des flacons. La maison permet de s'offrir une fragrance rien qu'à soi, signée Guerlain. Ce nouveau service coûtera 30 000 € €pour un flacon de 500 ml en cristal de Baccarat, 20 vaporisateurs de 60 ml et 3 bouteilles de 30 ml. Luxe encore : celui de la Collection privée constituée d'une dizaine de fra-grances rares composées avec des créateurs de parfums, en exclusivité… pour la coquette somme de 20 000 euros. Jean-Paul Guerlain a signé l'extrait créé pour fêter la réouverture de la maison. Avec son flacon de cristal baccarat et son collier de perles baroques. En tête, les odeurs fétiches du parfumeur : bergamote, néroli, et ylang ylang de sa plantation des Comores. Un coeur de jasmin et d'iris et un fond vanillé et boisé pour arrondir le tout. Son nom ? Plus que Jamais Guerlain. En écho avec la devise du fondateur :“la gloire est éphémère,seule la renommée dure.”
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(1) - Préface de Guerlain, les flacons à parfum depuis 1828, Editions Milan, 1997.
(2) - Les routes de mes parfums, Jean-Paul Guerlain, le cherche midi, 2002.
(3) - Il demeure président de la “Cosmetic Valley” premier réseau français et mondial ld'industriels de la filière parfums et cosmétiques à Chartres et dans le département d'Eure-et-Loir.
(4) - Cf La revue des marques, n° 28 novembre 1999.
(5) - Il serait né du hasard quand examinant un échantillon de vanilline, Jacques Guerlain en aurait versé quelques gouttes dans un flacon de Jicky.
(6) - La route de mes parfums de Jean-Paul Guerlain, édition Le Cherche Midi
(7) - Op. cit
(8) - Dans le film réalisé en arabe, Sophie Marceau dévale les Champs Elysées avec les épaules voilées d'un sombre châle.
(9) - Dont l'eau de toilette masculine Héritage (1992), un “Air de Samsara” en 1994, le masculin Coriolan (1998) (du nom d'un héros de la Rome antique), Quand vient l'été en 1998. Mahora (2000) “floral solaire” aux notes exotiques, Purple Fantasy en 2001.
(10) - Les magasins Champs-Elysées (1914), place Vendôme (1935), rue de Passy (1957), rue de Sèvres (1965), rue Tronchet (1985), Maine-Montparnasse (1989), rue Bonaparte (1992), Faubourg Saint Honoré (1999). 42 boutiques à travers le monde dont celles de Milan, Francfort, Tokyo, Singapour, Hong Kong, Budapest, New York et Toronto et les points de vente multimarque (1 100 en France et 13 000 dans le monde) etune cin-quantaine d'instituts de beauté dans le monde.
(11) - L'enseigne distribuait la marque depuis 1995 dans une trentaine de succursales en province
(12) - Aquaserum (1986), Eysérum (1989), Evolution, Odélys (ligne de soins du visage pour les peaux sensibles en 1993 et Alpha Bella, marques réunies sous l'ombrelle Issima.
(13) - Une ligne composée d'un soin antirides (l'injectine, actif breveté, cible les cellules cutanées, comme pour regonfler la ride de l'intérieur) et d'une crème