Histoire des marques -

La saga des marques - Apple -

Publié à 10:41 par acoeuretacris Tags : marques
La saga des marques - Apple -

Un seul mot, synonyme de convivialité, simplicité, liberté et communauté ? Ajoutons les adjectifs “visionnaire”, “avant-gardiste” et “anticonformiste”. Quelle entreprise a limogé son fondateur et l'a rappelé au pire moment,pour retrouver les chemins de croissance ? Quelle marque peut se targuer d'être citée comme marque préférée(1)avec seulement 4 % de part de marché dans le monde ? Apple ! Dernier constructeur à financer, seul, le développement de ses machines, de son système d'exploitation et de ses logiciels - le hardware et le software -, la célèbre marque à la pomme détient une place à part dans l'informatique mondiale dominée - jusqu'à 2005 - par l'univers Wintel (Windows et Intel) de Microsoft.

On lui doit la démocratisation, dans la vie quotidienne, de l'usage de l'informatique et, plus récemment, de celui des médias numériques. Soulignons que sa part de marché est supérieure, de l'ordre de 20 % à 25 %, dans certains pays dont les Etats-Unis et la France et que son implantation est historiquement très forte dans les secteurs de l'édition, du graphisme, les métiers artistiques et créatifs et plus récemment chez les professionnels de la musique et du cinéma.Avantages compétitifs ? Le design, les prouesses technologiques et la facilité d'utilisation. Apple, surnommé l'“enfant terrible”, incarne une certaine Amérique, celle de la conquête, du risque et de la rébellion. La marque réunit autour d'elle une communauté forte de 25 millions de clients dans le monde qui sont autant de disciples fidèles
(2).

Les grand-messes annuelles Mac World à San Francisco (mais aussi à New York et Tokyo) et Appel Expo à Paris, accueillent le messie venu les délivrer de l'obscurantisme technologique. Gourou, sauveur et prophète, Steve Jobs, toujours êtu d'un jean délavé et d'un polo noir et chaussant des baskets New Balance, évangélise les utilisateurs du monde PC pour les convertir au Mac. Il manquait à la marque un lieu de culte, lieu de dévotion : le 19 mai 2001, Apple inaugure, à McLean, en Virginie, dans la banlieue de Washington, et Glendale (Californie) les deux premières boutiques Apple Store avec pour slogan “Shop different”.

Pour autant, des pépins, Apple Computer n'en a pas manqués ! Témoins, l'échec de l'ordinateur Lisa à l'origine du départ de Steve Jobs en 1985, le Mac LC (low cost) vendu à 2 400 dollars en 1990, l'invention trop précoce de Newton, mélange d'agenda électronique, de télécopieur et de radiotéléphone, précurseur malheureux en 1993 du futur agenda électronique Palm Pilot,la place marginale de la marque sur le marché professionnel des entreprises, le Power Mac 64 Cube (2000), victime de problèmes de fabrication, vendu seulement à 141 000 exemplaires, et l'arrivée tardive dans le numérique. En décembre 2000, on peut lire dans la presse française : “Apple est une belle pomme à cueillir pour pas cher à Wall Street” ! Depuis, son destin a singulièrement changé :alors cotée à moins de dix dollars,l'action dépassait les 80 dollars en janvier 2006 ! Trentenaire depuis le 1er avril 2006, Apple croque l'innovation à pleines dents. N'est-il pas devenu le numéro un mondial de la musique en ligne ?

 

Applemania

 

Au commencement,une amitié pour une passion commune, l'électronique et un garage pour berceau (comme Hewlett et Packard !). Autre point commun : les fondateurs ont le même prénom :Steve. Steve Wozniak, ingénieur chez Hewlett-Packard,et Steve Jobs, programmeur de jeux vidéo chez Atari, passent leurs soirées et leurs week-ends à bidouiller, dans le garage californien (Cupertino) du père adoptif du second. L'Apple I voit le jour le 1er avril 1976 mais il faut entrer 3 000 caractères de code avant de démarrer ! Sa diffusion restera donc confidentielle. “Nous étions dans un champ d'orchidées, dans l'Etat de l'Oregon, quand Steve a choisi le nom Apple”, se souvient Steve Wozsniak. La légende raconte que, pour être au mieux de sa forme, Steve Jobs mangeait une pomme, matin, midi et soir. Et si la pomme, symbole de la connaissance et fruit défendu depuis Adam et Eve, pouvait enfin ouvrir non plus les portes de la servitude mais celles de la liberté ? Croquée, le bien est fait, celui du partage de la connaissance ! La pomme sera le nom et le logo(3)de la société, Apple Computer, créée ce 1er avril.

Le succès arrive en avril 1977 avec l'Apple II, premier ordinateur personnel commercialisé à grande échelle et qui s'implante, notamment, dans le domaine de l'éducation. Moulée dans une coque de plastique beige,cette machine est la première munie d'un écran et d'un clavier quand les concurrents proposent des unités centrales qu'il faut raccorder à des périphériques séparés. Il faut attendre 1978 pour que l'Apple III, équipé du premier lecteur de disquette, supprime l'usage du magnétophone destiné à sauvegarder les informations. Après l'innovation, la révolution. Le slogan de la société “l'ordinateur pour le reste d'entre nous” prend toute sa signification quand, pour concurrencer le PC (personnal computer) d'IBM lancé trois ans plus tôt, Apple propose, en 1984, le Macintosh (nom d'une pomme du Canada).Ridley Scott réalise le spot publicitaire “1984” diffusé une seule fois à la télévision américaine lors de la finale du Super Bowl.

C'est une charge contre IBM qui met en pièces la prophétie de George Orwell : “Le 24 janvier, Apple présente le Macintosh. Et vous verrez que 1984 ne ressemblera pas à 1984.” En France, Philippe Michel (CLM/BBDO) réalisera plusieurs publicités dont celle d'un patron parlant à son fils à l'arrière d'une voiture de luxe. Le “Mac”, pour les fidèles,est une machine révolutionnaire fondée sur la simplicité d'usage grâce au système d'exploitation pour la première fois incorporé au coeur même de l'appareil. Il se distingue également par la convivialité de l'interface graphique, le bureau virtuel et ses icônes (poubelle, dossiers, applications…) et la fameuse souris, innovations conçues dans le laboratoire de Xerox
(4). Pour autant, la convivialité ne semble pas de mise au sein de la direction :les deux Steve quittent la société en 1985.

L'un, volontairement
(5), l'autre, Steve Jobs, remercié pour ne pas avoir voulu écouter ses équipes de vente qui souhaitaient des ordinateurs plus puissants. Il sera remplacé par John Sculley qu'il avait débauché un an plus tôt chez Pepsi Cola pour apporter à l'entreprise le sens du marketing. C'est pour l'avoir senti trop tôt, avec le lancement sans lendemain du Newton, que John Sculley doit céder sa place à Michael Spindler. Jusqu'au début des années 1990, la part de marché mondial d'Apple flirtait avec les 15 %. En 1995, le constructeur cumule plus d'un milliard de dollars de commandes non honorées et sa part de marché tombe à 7,8 % et ce, malgré de nouvelles machines développées en partenariat avec IBM et Motorola (microprocesseur PowerPC). La concurrence a désormais pour nom Microsoft et son logiciel Windows 95 qui va envahir le marché mondial quand Apple refuse toujours, malgré quelques exceptions, de céder les licences d'exploitation du Macintosh. La valse des dirigeants continue : Michael Spindler cède sa place à Gilbert Amelio en attendant le grand retour du sauveur, Steve Jobs, en 1997(6).
 
Think different
 
1997. Apple est au bord du gouffre. Steve Jobs est rappelé au poste de président intérimaire, avec, pour seul salaire, un dollar par an. Juste de quoi acheter une pomme ! Et ce dernier d'accueillir, en août 1997, comme nouvel actionnaire à hauteur de 6 %, Microsoft, alors accusé par la justice américaine pour ses tendances monopolistiques !(7)Coup de génie du fondateur ? L'iMac, troisième grande rupture technologique de la marque, casse, le 15 août 1998,les codes du marché avec ses rondeurs, sa coque translucide, ses couleurs vives (fraise,myrtille, raisin, mandarine et citron vert) et la suppression de l'unité centrale intégrée à l'écran. Dédié à Internet (le “i” de Mac) et conçu par Jonathan Ive,responsable du laboratoire de design industriel d'Apple depuis 1992, cette machine annonce l'avènement de l'ordinateur sympathique, “détechnicisé” et permet à Apple (4 % de part de marché) de renouer avec les profits.

Sa présence au musée Guggenheim de New York le fait entrer dans l'immortalité. La campagne de communication “Think different” réalisée par TBWA Chiat/Day, l'agence de publicité des débuts, met en scène ceux qui ont changé le monde, les Picasso, Martin Luther King, Einstein, la Callas, Mohammed Ali, Gandhi, Hitchkock, le dalaï-lama, Bob Dylan ou Ted Turner. “Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde, y parviennent”, prévient la marque.Apple n'oublie pas la concurrence avec cette fameuse publicité comparative qui représente, en 1998, un requin avec pour slogan “Prédateur de Pentium”.

Mais en 2000, le lancement du Power Mac 64 Cube pourtant élu “produit de l'année” par le magazine Business Week est un échec : fiabilité discutable, absence de cible et coût élevé (25 000 Frs). Le succès du iBook (iMac portable),“le Mac à emporter” lancé en 1999, du PowerBook G4 dit Titanium (2001) et du iMac avec écran plat (LG Philips) en janvier 2002, compensent cette déconvenue. Avec sa demi-sphère, son bras articulé, qui lui donne la forme d'une lampe de chevet et sa couleur blanche, ce nouvel iMac parie sur l'utilisation ludique de l'ordinateur aux antipodes de l'informatique de bureau. Si,pour son lancement, la signature “Think different” est conservée, elle change en juin 2002 pour “Voilà pourquoi votre prochain PC devrait être un Mac”. La campagne, baptisée “Switchers”, fait parler des convertis de fraîche date avec des témoignages d'utilisateurs de Windows se plaignant des plantages de leur machine et de sa complexité et se réjouissant de découvrir un nouvel univers, celui du Mac.
 
4 mots pour la gamme Apple

Deux préfixes :“i” pour désigner une machine grand public ;
power” pour un ordinateur à usage professionnel.
Deux suffixes : “Mac” accolé aux ordinateurs de bureau et
Book” aux machines portables.
Un portable grand public sera donc un iBook et une machine de
bureau professionnelle un Power Mac. eMac pour l'éducation.
 
L'ère du digital
 
Après l'ère de la productivité industrielle (1980 à 1994), puis celle d'Internet, le micro-ordinateur entre à partir de 2000 dans l'ère du digital. Ce troisième âge d'or de l'ordinateur personnel, lié à la révolution du numérique, du son et de l'image, infirme la thèse de sa disparition. Porté par la prolifération des appareils numériques - appareils photo, caméras numériques, lecteurs MP3…-, l'ordinateur va jouer un rôle crucial de connecteur et de noyau numérique car c'est la seule machine dotée d'un écran large, de la puissance pour effectuer des applications complexes et des capacités suffisantes de stockage des données. Reste que l'avenir de l'informatique dépend des performances des machines et de la nature et la qualité des applications.

Redevenu PDG en 2000, Steve Jobs ne l'ignore pas qui entend sortir du marché de niches et se poser en alternative à Windows pour les petites entreprises et les professions libérales (architectes, médecins, avocats, agences immobilières, hôtels) avant d'attaquer les grands comptes.

Le lancement,en octobre 1999, de iMovie, logiciel de montage video, inaugure l'ère du “digital hub” ou “centre numérique” personnel. Comme en 1984 avec le Macintosh, Apple veut en 2001 proposer avec ses iMac, iBook et PowerMac de véritables plates-formes numériques capables de télécharger de la musique sur Internet, graver des CD/DVD, faire du montage video, stocker des photos, créer des sites,fonctions qui,avant,étaient réservées aux professionnels.

L'iMac devient passage obligé entre la caméra, l'appareil photo, le lecteur de DVD, le lecteur de fichiers MP3, les agendas numériques et le téléphone mobile (système Bluetooth). Il intègre, en février 2001, année noire pour les constructeurs informatiques, non seulement le logiciel iMovie mais également les logiciels iTunes (juke-box virtuel) et iDVD (graver ses propres DVD) puis iPhoto (stocker et organiser les photos) en janvier 2002.

Apple se concentre sur ce qui naguère fit sa force : le multimédia à la maison.“Ripper, mixer et graver”annonce la publicité.Quand IBM abandonne au chinois Lenovo sa branche PC, la firme de Cupertino se positionne sur le prochain relais de croissance de l'informatique personnelle : la fabrication de contenus numériques.
 
iPodmania
 
iPod ou la première diversification de la marque - après l'échec de Newton en 1993 -, dans le domaine de l'électronique grand public quand, au même moment, Intel s'en désengage pour cause de manque de rentabilité ! Le 29 octobre 2001, portée par le développement du téléchargement Internet, la société sort de ses frontières traditionnelles en lançant un baladeur numérique musical iPod, pas plus grand qu'un paquet de cartes de moins de deux cm d'épaisseur,avec une capacité de stockage de 1 000 chansons au format MP3 (soit l'équivalent de soixante-dix CD), 10 000 chansons en 2004. iPod se singularise de ses concurrents par son design, sa facilité d'utilisation et une innovation technologique :la molette de contrôle du baladeur permet à la fois de changer de morceau et de régler le volume. Il télécharge un CD en dix secondes au lieu de cinq à dix minutes pour un graveur classique et fonctionne avec le logiciel iTunes. Malgré une arrivée tardive sur un marché déjà encombré(8), iPod est,deux ans après son lancement,numéro un des ventes aux Etats-Unis.

Pour l'hebdomadaire américain Business Week, il s'agit de la plus belle réussite commerciale de l'histoire du fabricant. Son succès dépasse, pour la première fois, la sphère des inconditionnels de l'univers Mac. Après le contenant, le contenu. Pour asseoir la réussite de l'iPod, Apple lance en avril 2003 un site de téléchargement légal de musique payante iTunes Music Stores (200 000 titres à télécharger, 99 cents par chanson). Pour la première fois, les majors de la musique,Warner, BMG, EMI, Universal Music, qui n'étaient pas parvenu à se mettre d'accord pour proposer une offre commune et voyaient leurs ventes stagner, se sont laissés convaincre par Apple
(9). Pour éviter le piratage, iTunes Music Store est doté d'un support de gestion de droits numériques qui tente de lutter contre la copie sauvage des titres. Là aussi, la magie Apple opère : design et simplicité d'utilisation. Steve Jobs entend prouver que la musique payante sur Internet a de l'avenir malgré le piratage(10). iTunes Music Store est lancé un an plus tard, en juin 2004, en Allemagne, France et Grande-Bretagne, puis en octobre 2004 dans neuf autres pays européens(11)et le Canada. Avec un million de chansons disponibles provenant des cinq majors du disque et d'une centaine d'éditeurs indépendants, Apple couvre 70 % du marché mondial de la musique en ligne. iTunes Music Store donne un véritable coup de fouet à l'iPod qui pèse, au premier semestre 2004, 14 % du chiffre d'affaires total du groupe contre 6 % six mois plus tôt. Signe d'un nouveau temps ? Pour la première fois, Apple a vendu plus d'iPod au premier trimestre 2004 que d'ordinateurs iMac ! Pour autant “l'effet de halo” joue : iPod accroît la notoriété d'Apple et nourrit la croissance des autres produits du groupe.

Orchestrées par TBWA Chiat Day, les campagnes de communications mettent en scène des ombres noires sur des fonds colorés jaunes, verts, violets ou roses qui dansent sur plusieurs genres, le rap des Américains Black Eyed Peas, le rock du groupe australien The Vines ou U2. Seul l'appareil est représenté avec une couleur blanche et un seul nom est mis en valeur : iPod avec la pomme présente à côté du nom. Apple figure discrètement en bas de l'affiche avec la référence au site apple.com/fr. La gamme va s'enrichir avec le mini iPod en janvier 2004, le iPod Photo en octobre 2004, qui permet de stocker 25 000 photos et 15 000 titres et permet de visualiser des images sur un écran d'ordinateur, une télévision ou un projecteur, le iPod U2, conçu en partenariat avec le groupe irlandais U2 et la maison de disque Universal Music et le iPod nano, très compact, en octobre 2005. Apple détient 75 % du marché des baladeurs numériques haut de gamme (à disque dur) mais ces derniers ne représentent qu'un quart du total des ventes mondiales de lecteurs de musiques portables, le reste étant le fait des baladeurs à faible capacité (mémoire flash) et bas prix. D'où le lancement en janvier 2005 de l'iPod shuffle (low cost) à mémoire flash, ainsi baptisé car il permet d'écouter les chansons dans un ordre aléatoire. Et en janvier 2006 la suite grand public iLife ajoute des fonctions de “podcasting” et inclut le logiciel iWeb, éditeur pour créer des pages Web et des blogs.

Après le son, l'image. L'iPod video, lancé le 12 octobre 2005, est un baladeur permettant de lire de la vidéo. Parallèlement, le site iTunes Music Stores est étendu à des programmes de télé iTunes Video : aux deux millions de chansons s'ajoutent 2 000 clips, courts métrages issus des studios Disney et des épisodes de séries télé de la chaîne ABC téléchargeables pour 1,99 euros. Apple ouvre la voie d'une offre légale de téléchargement de films, étape supplémentaire dans la dématérialisation des biens culturels
(12). Reste que, comment pour le Mac, Apple a développé pour iPod son propre système de lecture audio qu'il ne partage pas : l'iPod ne lit que les morceaux téléchargés sur le site iTunes et les titres iTunes ne peuvent être écoutés sur un autre baladeur que l'iPod. Microsoft,au contraire pour s'imposer comme un standard, a vendu des licences de son format de lecture à tous les fabricants de baladeurs et opérateurs de sites de téléchargement musical payant.
 
La fin du splendide isolement
 
Si,dès ses origines,Apple refuse,à la différence de Microsoft, de céder la licence de son système d'exploitation - attitude souvent reprochée -, son splendide isolement va progressivement s'estomper. Microsoft, “l'ennemi juré”, participe au plan de sauvetage d'Apple en 1997 pour revendre sa participation en 2003. Année où les passerelles entre les deux univers s'établissent :Microsoft Office (Word,Excel,Powerpoint) est disponible pour le Mac OSX (architecture Unix réputée ouverte, rapide et fiable), nouveau système d'exploitation lancé en 2001, et le navigateur Internet Explorer de Microsoft est installé en série sur les ordinateurs Apple. Via Unix, Apple veut inciter les utilisateurs de PC à passer de la plate forme Windows à la plate-forme Mac ou à faire coexister les deux. De son côté, Apple lance durant l'été 2002 son iPod compatible avec Windows et le iMac, est la même année compatible avec les logiciels de Microsoft. La hache de guerre est enterrée ! En octobre 2003,Apple lance une version iTunes sur Windows et iTunes Music Stores devient accessible sur Windows - un pari quand on sait l'ampleur du piratage sur les ordinateurs Windows. Autre preuve de l'ouverture du groupe : une licence est accordée à HP(13)en juin 2004 pour fabriquer des baladeurs sous sa marque hPod incluant sa technologie de protection des droits. Le logiciel iTunes est également intégré directement sur les ordinateurs HP.

Transition technologique majeure le 6 juin 2005 : Steve Jobs annonce l'abandon des puces IBM pour celles d'Intel afin de proposer des machines moins chères et plus puissantes
(14). En janvier 2006, Apple sort les premiers Mac équipés des processeurs d'Intel Core Duo à double coeur, les iMac et Mac Book Pro (ex Power Book). Autre signe de la fin de l'isolement : en janvier 2005,pour sortir de son marché historique de niche, Apple lance des produits d'entrée de gamme :un Mac Mini (iMac G4) disque dur à moins de 500 dollars (sans écran, ni clavier, ni souris), est la première incursion d'Apple sur le marché du PC très bon marché. Objectif : convaincre les utilisateurs de PC sous Windows de connecter leurs écran, clavier et souris sur ce Mini Mac. En 2006 avec iPod (32 millions d'exemplaires vendus en 2005),le logiciel iTunes et iTunes Music Store (un milliard de chansons vendues en ligne), Apple est le numéro un mondial de la musique numérique qui représente près de 40 % du chiffre d'affaires contre 6 % en 2003.L'appareil n'a-t-il pas donné naissance au mot podcasting, combinaison des mot iPod et broadcasting.La convergence est redevenue réalité.
 
(1)- Selon un sondage réalisé par BrandChannel, en février 2005, Apple détrône Google comme marque préférée en 2004. Le même sondage réalisé en 2006 place Google en premier devant Apple.
(2) - Selon une enquête réalisée aux Etats-Unis en 2001 par TrendWatch auprès de 22 000 entreprises de différents secteurs liés à la créativité, 77 % de celles qui travaillent sur des ordinateurs d'Apple ont l'intention de continuer à le faire.
(3) - Dans les premières années, le logo représente Newton sous un arbre, menacé par la chute d'une pomme. C'est en 1997 que la pomme remplace Newton : elle est croquée pour ne pas être confondue avec une tomate et multicolore pour rappeler que l'Apple II est l'un des premiers ordinateurs en couleur. L'arc en ciel a, depuis, disparu.
(4) - Les icônes sont l'oeuvre de Susan Kare, graphiste américaine et les éléments de l'interface ainsi que la souris, de Douglas Engelbart.
(5) - Steve Wozniak est actuellement enseignant en informatique dans une école primaire de Los Altos.
(6) - En 1986, Steve Jobs crée la société NeXT (au suivant, en anglais). En décembre 1996, Apple rachète NeXT pour élaborer une nouvelle gamme de machines, plus simple et très puissante. NeXT sert de base à l'élaboration du dernier système d'exploitation d'Apple (OSX). Steve Jobs devient consultant auprès de la société qu'il a créée.
(7)- Deuxième entorse au principe d'indépendance : Apple adopte le logiciel de navigation sur Internet,Explorer de Microsoft et non son rival,Netscape. Microsoft sort du capital en 2003.
(8) - Avant Apple, deux entreprises l'avaient devancé sur le lecteur MP3 à disque dur : Creative avec Zen Micro (Singapour) et Archos (France) .
(9)- Petit souci avec la maison de disque des Beatles Apple Corps qui porte plainte le 4 juillet 2003 contre Apple Computer pour avoir enfreint un accord qui date de 1991 et qui interdisait au fabricant d'associer sa marque ou son logo, qui ressemble à celui des Beatles,pour l'enregistrement ou la reproduction de musique.Rappelons que “Big Apple” est le surnom de New York.
(10)- Autres principaux sites musicaux payants : Pressplay (Microsoft), MusicNet (Real Networks),Napster (Roxio),Rhapsody,Dell Music Store (Dell),Wal-Mart,la Fnac,Virgin, Sony Connect .
(11) - Autriche,Belgique,Espagne,Finlande,Grèce,Italie,Luxembourg,Pays-Bas et Portugal.
(12) - L'acquisition, en janvier 2006, de Pixar par Disney va élargir le catalogue de iTunes Video.
(13) - HP a longtemps fourni les imprimantes revendues par Apple.
(14) - Quatrième transition depuis la sortie du premier Mac : le passage d'une architecture 16 à 32 bits en 1990, l'adoption des puces PowerPC pour remplacer celles de Motorola, la refonte complète de Mac OS avec Unix en 2001 et le passage au 64 bits.

La saga des marques - Ambre solaire -

Publié à 09:30 par acoeuretacris Tags : marques
La saga des marques - Ambre solaire -

Suzy première "pin-up imaginée par Robert Guérin etjéuelot. Les années cinquante marquent le début des Trente Glorieuses et celui de cette célèbre série.

 

Ambre Solaire est un cas d'école. Qui a su résumer l'essence du marketing fondé sur "le bon produit, au bon prix, au bon moment"? Ambre Solaire. Même si, lors de son lancement dans les années Trente, on préférait à cet anglicisme, les termes de bon sens et d'intuition. Qui a su démontrer qu'une marque a d'autant plus de valeur qu'elle a développé une forte part d'imaginaire ? Ambre Solaire. Qui a su faire la preuve de la force de l'image, de la puissance de l'emballage? Ambre Solaire. Qui a su souligner l'importance que revêt l'écoute dynamique du marché ? Encore Ambre Solaire. Sur le plan publicitaire, peu de marques peuvent se prévaloir d'une idée aussi marquante et aussi pérenne que celle des pin-up. A l'origine de cette réussite, un chimiste alsacien, Eugène Schueller, fondateur en 1908 d'un groupe aujourd'hui numéro un mondial du marché des cosmétiques : l'Oréal. Dès le début du siècle, il travaille à la mise au point de teintures pour les cheveux et lance Imédia, vendue chez les coiffeurs. En 1935, c'est en plaisancier insatisfait qu'Eugène Schueller, alors âgé de cinquante-quatre ans, crée Ambre Solaire. Pendant l'été, il a coutume de régater sur son voilier l'Edelweiss, entre Bréhat et Dinard, allant parfois jusqu'à l'île de Wight au large de l'Angleterre. Parisien toute l'année, il supporte difficilement l'exposition brutale aux embruns et au soleil bretons. Et peste régulièrement de voir sa peau rougir jusqu'à la brûlure. En ce temps, les rares vacanciers bronzaient à "la fortune du sort" selon une mode lancée par Coco Chanel quelques années plus tôt. A Saint-Tropez, quelques privilégiés utilisaient une recette à base d'huile d'olive et de teinture d'iode, assurance d'un hâle intense pour les peaux résistantes, mais dangereuse pour les autres.

La guerre aux coups de soleil

 

Pour se protéger, Eugène Schueller teste toutes les huiles vendues alors dans le commerce : coco, olive, arachide. Aucune ne le satisfait. Il déclare alors la guerre aux coups de soleil et pose la question à son laboratoire : comment se protéger et brunir sans rougir? Très vite, ses chimistes trouvent le filtre qui répond à cet impératif. En avril 1935, le produit est testé. Sur la Côte d'Azur, cinq "cobayes" à peau sensible protègent l'une de leurs épaules d'Ambre Solaire, l'autre restant sans protection. Les résultats sont probants. Eugène Schueller organise dès juin 1935 un premier lancement commercial, limité à la Côte d'Azur. Mais cette innovation aurait pu tourner court sans le génie commercial d'Eugène Schueller. Ambre Solaire n'est pas seulement un produit de scientifiques. Son nom magique évocateur de soleil (emblème de la marque), son odeur subtile de "rose jasminée", sa couleur ambrée visible au travers du flacon, la forme de sa bouteille, crantée pour éviter qu'elle ne glisse entre les mains, contribueront de façon importante à la notoriété du produit. Le succès est immédiat et son créateur le lance sur tout le territoire en 1936. La chance sourit au chimiste alsacien. Le 7 juin de la même année, sur fond de grève générale, le gouvernement du Front Populaire signe avec le patronat et la CGT les Accords Matignon. Les ouvriers obtiennent la semaine de quarante heures, de substantielles augmentations de salaires et surtout les congés payés. Ambre Solaire trouve là, sans effort, sa clientèle et devient tout naturellement synonyme de vacances. A ce stade, le chimiste commerçant, aurait pu tranquillement retourner à son laboratoire.

 

Le soleil pour tout le monde

 

Mais Eugène Schueller était également doué pour la communication. Dès 1935, des annonces presse expliquent la création et les vertus du produit. Avec Ambre Solaire, le soleil n'est plus réservé aux privilégiés. En 1936, une annonce intitulée "Où attrape-t-on des coups de soleil?" sous-entend: "partout". Avec les congés payés, le soleil est à tout le monde, en vacances mais aussi lors du pique-nique du week-end. L'ère des loisirs est née, Ambre Solaire en est le premier symbole. En 1937, Eugène Schueller lance une grande campagne publicitaire. Dans les journaux, de longues et belles jeunes filles, audacieusement dénudées, promettent de brunir "cinq fois plus vite et sans brûlures avec Ambre Solaire". Sur les ondes, "Radio-Cité" résonne du premier jingle publicitaire. "Ta-Ti-Ta-Ta", un coup de klaxon à quatre notes, rendu célèbre à l'époque par le film "Les chemins du paradis", suivi d'une voix clamant : "Ambre Solaire". Cette publicité sonore détonne dans les repas familiaux habitués aux communiqués classiques pour la Quintonine et les chaussures André. Les ventes décollent. Mais le soleil fait place à l'ombre. L'euphorie du Front Populaire disparaît avec la guerre. L'heure est à "l'esprit de sacrifice". Ambre Solaire est alors vendu au marché noir et son utilisation change. Produit de substitution pour les bas, les femmes en enduisent leurs jambes et les hommes, en guise de brillantine, leurs cheveux. L'après-guerre est une période difficile. Mais la marque renaît avec plus de force. La fabrication reprend, les souvenirs des derniers étés d'avant-guerre, l'insolence de la campagne publicitaire ont survécu à la guerre. Le goût pour les plages reprend. Et avec lui, le succès d'Ambre Solaire.

 

Suzy, dix ans avant Bardot

 

En débarquant sur le sol français, l'oncle Sam et ses GI exportent deux éléments du mythe américain : le chewing-gum et les pin-up. Partie intégrante de la culture graphique outre-Atlantique, ses "pépés pulpeuses" décorent même les avions de LUS Air Force. En 1948, Ambre Solaire épouse les formes de Suzy. Une jeune femme blonde, radieuse et bronzée, coiffée d'un grand chapeau de paille. Dans sa main un flacon d'Ambre Solaire. Photographiée en pied, elle est reproduite grandeur nature et sert de publicité sur le lieu de vente (PLV) chez les revendeurs. Elle disparaît mystérieusement des drogueries et des bazars de plage. Régulièrement volée, les commerçants doivent l'arrimer à leur boutique ! Dix ans avant Brigitte Bardot, la première femme en bikini, la première dont on montre le nombril, fait fureur. Du jamais vu puisque même au cinéma, Lana Turner ou Rita Hayworth n'osent que les shorts ou les deux pièces qui montent jusqu'à la taille. Même la Jane de Tarzan, malgré l'exotisme de son rôle, n'exhibe guère que ses cuisses et son torse.

 

Suzy, figure du patrimoine

 

En Bretagne, raconte Jean Bortoli, animateur de la marque à l'époque, "les revendeurs refusaient la pin-up car elle était trop dénudée". Pour l'Italie et la Suisse, "un maillot une pièce a été redessiné sur la photo" raconte Suzy, qui vit aujourd'hui dans le sud de la France, et qui, à soixante-treize ans, a conservé sa silhouette des années d'après-guerre. "On volait Suzy, mais on n'achetait pas forcément l'huile", continue Jean Bortoli. "C'était un produit de rêve avant d'être un produit de consommation et la notoriété de la marque dépassait l'importance des ventes. Il a fallu environ dix ans pour que l'une rattrape l'autre" poursuit-il. Un décalage qui ne remet pas en cause le principe des pin-up, qui changent au fil des modes. En 1950, la puissance de l'Oréal est déjà affirmée. La teinture Imédia, le shampooing Dop, la laque Elnett et bien sûr Ambre Solaire sont déjà des références. Mais la concurrence s'avive, l'heure est à la diversification.

Insolée mais non rissolée

 

En 1951, parallèlement à une campagne non dénuée d'humour sur laquelle la pin-up de l'année souligne le slogan "Insolée mais non rissolée", l'Oréal lance "Ambre Solaire Crème" et "Ambre Solaire Total". Une gamme vient de naître. Pourtant en 1954, l'Oréal est concurrencé par la nouvelle mousse auto-bronzante Spray-Tan, son concurrent. La réplique ne se fait pas attendre. Ce lancement aiguillonne les laboratoires d'Eugène Schueller : de nouvelles formules sont mises au point. Le tube s'orne de rayures orangées, véritable signal optique qui se perpétuera avec des variantes jusqu'en 1969. Le tout appuyé par une campagne coup d'éclat : des commandos de pin-up débarquent sur les plages de France dans de longues voitures américaines et offrent aux vacanciers des échantillons d'Ambre Solaire. En 1958, un bouchon à crochet est introduit sur les flacons et permet l'accrochage au maillot. Ambre Solaire profite également de toute la dynamique du groupe l'Oréal sans cesse à la recherche de meilleures techniques de vente. En 1965, l'équipe commerciale cherche un moyen d'inciter les revendeurs à commander dès le début de l'année. Le slogan "il est plus facile de vendre de l'Ambre Solaire en janvier, sous la neige, qu'en avril, sous la pluie" permettra en deux ans de réaliser 40% du chiffre d'affaires en début d'année.

Ambre Solaire restera leader du marché jusqu'en 1976 malgré une rupture avec le passé dans les années 1973/74. Répondant aux sirènes du marketing, le produit présente alors un soleil abstrait sous la forme d'un carré accompagné d'un nouveau caractère bâton (l'Helvetica) très à la mode entre 1960 et 1970. Un symbole chasse l'autre et en 1978, un nouvel astre se lève.

 

Retour aux sources sans nostalgie

 

 Un arc aux ondes concentriques exprime soleil et chaleur. Un retour aux sources s'opère entre 1983 et 1987, avec le flacon historique et un soleil figuratif dans l'esprit de celui de 1936. Mais l'Oréal ne veut pas sombrer dans la nostalgie. 1984 verra sa dernière pin-up. Et Ambre Solaire en 1988, sous l'impulsion de son nouveau président, Lindsay Owen Jones, ne cède pas à la tentation d'exploiter trop longtemps le caractère affectif et vieillot du produit. L'Oréal, régulièrement primé pour ses prouesses en recherches cosmétologiques, a préféré projeter Ambre Solaire dans l'ère de la "cosmétique solaire avancée".

Sous la griffe des Laboratoires Garnier, Ambre Solaire communique aujourd'hui sur un registre hautement scientifique, comme en témoigne le dernier slogan "la haute protection". Les vacances sont devenues accessibles au plus grand nombre. L'heure est moins aux rêves qu'à l'efficacité. On parle maintenant de pigments micronisés, de molécules hygroscopiques, d'actifs hydratants pour commenter la gamme des trente-six produits Ambre Solaire. "La réelle prise de conscience de la nécessité de se protéger est assez récente" explique-t-on au marketing des Laboratoires Garnier. Prise de conscience renforcée par les risques aujourd'hui connus de cancer de la peau ou les interrogations concernant les conséquences de l'effet de serre. Résultat de cette réorientation vers la recherche, Ambre Solaire, qui possédait en 1987 25% du marché, atteint aujourd'hui 46% de la grande distribution. Cette politique donne à la marque une nouvelle jeunesse.

Leader incontesté en France, Ambre Solaire jouit d'une position de leadership sur l'ensemble des pays d'Europe, dans lesquels elle est considérée comme le haut de gamme de la grande distribution. Un de ses meilleurs succès d'ailleurs est sa place de numéro un en Grande-Bretagne. En effet, le pays est traditionnellement plus accessible aux marques anglo-saxonnes, et de plus, il est bien connu que le type de peau que l'on y rencontre est un de ceux qui a le plus besoin d'être protégé. Elle est également bien placée en Afrique du Sud et en Australie. Curieusement, elle est absente au pays des pin-up : les EtatsUnis. L'Oréal vise le rayonnement international de son excellence technique. Une politique que ne désavouerait pas le fondateur et créateur des grands standards du groupe : Eugène Schueller, d'abord éminent chimiste, mais qui s'est révélé très vite un manager de génie.

La saga des marques - Adidas

Publié à 17:22 par acoeuretacris Tags : marques
La saga des marques - Adidas

campagne Adidas, pour les All Blacks

 

Première marque mondiale de football et numéro deux des articles de sport, derrière l'américain Nike, la marque aux trois bandes symbolise, depuis ses origines, la technologie appliquée à la chaussure de sport et promue par les meilleurs athlètes, pour célébrer la performance et l'esprit d'équipe.

Pékin, 2008. Le partenaire officiel pour les vêtements de sport du Comité olympique chinois et de tout le personnel technique des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques n'est autre qu'Adidas ! Révolutionnaire ? La marque habille déjà l'équipe chinoise depuis les jeux Olympiques d'hiver de Turin en 2006.
12 juillet 1998. L'équipe de France de football, longtemps fustigée, remporte la Coupe du monde devant 37 milliards de téléspectateurs. Adidas équipe les Bleus quand la Seleçao brésilienne est prise en charge par Nike ! "Impossible is nothing", aurait pu affirmer Adi Dassler, le fondateur d'Adidas, aujourd'hui première marque mondiale de football. Depuis les jeux Olympiques d'Amsterdam, en 1928, les médailles d'or, d'argent ou de bronze viennent, tous les quatre ans, couronner un triple exploit : sportif, technique et commercial(1).

 

L'innovation au service de la performance

Les grandes marques ont toujours,pour créateur ou créatrice, un visionnaire souvent utopiste qui attribue à sa marque une mission. 1920 : nous sommes à Herzogenaurach, en Bavière, près de Nuremberg, quand Adolf Dassler (1900-1978), fils de savetier, fabrique à ses heures perdues, et avec son frère Rudolf, des chaussures dans la buanderie maternelle. Il propose aux athlètes - déjà ! -, de les tester. Ses premières chaussures de gymnastique sont faites de toile, les matériaux étant rares au sortir de la Première Guerre mondiale. On ne parle pas encore de segmentation de l'offre, quand son ambition est de proposer à chaque discipline sportive ses meilleures chaussures, celles qui ne blessent pas les athlètes et qui durent longtemps. Les deux frères fondent, en 1924, la Gebrüder Dassler Schuhfabrik (fabrique de chaussures des frères Dassler) et proposent, au cours des années 1930, avec une centaine de salariés, trente chaussures différentes destinées à onze disciplines sportives ! Ils se hissent alors au premier rang mondial des fabricants de chaussures de sport, rang que la marque conserve aujourd'hui.
Reculer les frontières pour se dépasser soi-même, rendre l'impossible, possible, atteindre la perfection, une mission inscrite dans l'humus de la marque depuis ses origines. Jusqu'à son décès, en 1978, Adolf Dassler n'aura de cesse d'innover, comme l'attestent les sept cents brevets à son actif. Il réalise sa première prouesse technique, en 1925, avec les premières chaussures de course équipées de pointes. La société étend son territoire avec des chaussures de football dotées de barrettes transversales cloutées en 1929 et des chaussures de tennis, en 1931. C'est grâce à ses pointes miracles qu'Adolf Dassler prouve au monde entier que la race aryenne, promue par le nazisme, est un mythe : le Noir-Américain Jesse Owens, Dassler aux pieds, le premier à descendre sous les dix secondes au 100 mètres, remporte quatre médailles d'or aux jeux Olympiques de Berlin, en 1936. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la rivalité des deux frères, dont la cause reste toujours obscure, aura raison de leur association. Herzogenaurach accueille toujours les sièges sociaux des deux groupes.

Adi Dassler relance la fabrication des chaussures en 1948, et crée la marque Adidas, contraction de son surnom "Adi" et des trois premières lettres de son patronyme, Dassler. Quand son frère, Rudolf, lance Puma la même année, marque aujourd'hui dans les mains de PPR. L'année suivante Adi Dassler dépose les fameuses trois bandes qui ornent le cuir des chaussures Adidas et les renforcent. En 1949,sort des ateliers la première chaussure de football avec une semelle en caoutchouc et des crampons moulés. Elle sera portée par l'équipe allemande, victorieuse, pour la première fois, à Berne, de la Coupe du monde de football, en 1954, contre la Hongrie. Impossible is nothing ? Aux jeux Olympiques d'Helsinki, en 1952, Emile Zatopek remporte trois médailles d'or, au 5 000 mètres, au 10 000 mètres et au marathon. Pour la première fois, les pointes des chaussures Adidas sont amovibles, à visser (Puma revendique l'invention du crampon amovible). A l'ère des circuits intégrés, Adidas propose, en 1984, la Micropacer, chaussure de course high-tech qui intègre dans la languette un micro-ordinateur comptant le nombre de foulées du coureur et pouvant également servir de chronomètre. 1994 :la chaussure de football Predator, dédiée à David Beckham, est présentée à l'occasion de la Coupe du monde du football aux Etats-Unis. Grâce à des écailles en caoutchouc installées sur le dessus de la chaussure, le tir devient plus précis et plus puissant. Les innovations techniques s'accélèrent ! Depuis mars 2002, ClimaColl, système de ventilation à 360°, améliore singulièrement le confort. En avril de la même année, la chaussure a3 (prononcer a-cubed) inaugure les coussins amortisseurs. Au début de l'année 2004, Adidas lance la PredatorPulse dotée de la technologie du PowerPulse® fondée sur un principe utilisé dans la fabrication des raquettes de tennis et des clubs de golf : la distribution optimale de la masse. La même année, la chaussure à crampons F50, destinée aux joueurs de football nonconformistes, est équipée du système FusionFrameT qui permet aux joueurs de régler le poids, la stabilité, la flexibilité et même le confort de leur chaussure. Enfin,avec Adidas 1 (prononcer "one"), la marque lance en mai la chaussure qui offre un amortissement intelligent par l'intermédiaire d'une adaptation constante et automatique, grâce à un capteur et à un processeur qui lui permettent de détecter le degré d'amortissement(2). Disposant de deux centres de R&D, à Herzogenaurach et à Portland aux Etats-Unis, Adidas travaille en collaboration avec les athlètes pour prendre en compte toutes les dimensions techniques du sport : le mouvement, la transpirabilité, l'aération, le froid, le chaud...

Si la chaussure reste le coeur de métier de la marque (40 % du marché mondial), 30 % des produits Adidas sont aujourd'hui liés à l'univers de la mode.

 

Près de 100 millions de chaussures par an, 140 millions de pièces textile ! Si la chaussure reste le coeur de métier de la marque (40 % du marché mondial),30 % des produits Adidas sont aujourd'hui liés à l'univers de la mode(3). C'est au cours des années soixante que sonne l'heure de la diversification : les premiers sacs de sport en 1952, les ballons en 1963, les survêtements en 1967 avec le logo aux trois bandes, ainsi que la première chaussure pour jogging, Achill, les raquettes de tennis en 1974, le marché des sports d'hiver avec des attaches de skis en 1976. C'est pour les vêtements de sport et les équipements (sacs, ballons, etc.) que le "trèfle", deuxième logo de la marque, apparaît en 1972, pour les jeux Olympiques de Munich. Il symbolise,par ses trois intersections,la diversification de la marque. Et, puisque le look athlétique serait passé de mode, les jeunes plébiscitant le streetwear de marques plus décontractées comme Tommy Hilfiger, Ralph Lauren ou Timberland, Adidas entend répondre aux attentes d'un marché non plus d'usage mais de préférence et de mode. La marque lance, en 1991, sous la nouvelle division Adidas Equipment (future Adidas Sport Performance en 2002),une ligne de chaussures et de vêtements fonctionnels orientés vers la performance. Le logo des "trois barres", troisième logo de la marque, reprend l'idée des trois bandes et symbolise, par la montagne, le défi et le but à atteindre. Deuxième division créée en 1993 : Originals (future Sport Héritage en 2002) avec, pour logo, le trèfle, abandonné au cours des années 1980 puis remis au goût du jour.Outre les rééditions en petite série (Micropacer, Stan Smith...), la ligne Adidas Originals compte trois cents références et quatre collections par an en textile et chaussure s'inspirant de l'histoire de la marque.

Afin de mieux segmenter l'offre entre articles de sport et produits lifestyle, Adidas confie au styliste japonais Yohji Yamamoto la direction de création à la troisième division, Sport Style, en juillet 2002. La première collection Y-3, vêtements, chaussures et bagages urbains dotés d'un globe pour logo, est présentée au stade Charlety à Paris en octobre 2003. Et puisque la femme veut désormais concilier sport et mode,Adidas inaugure en septembre 2004 un partenariat avec Stella McCartney (fille de l'ex-Beatles) dans la catégorie Sport Performance collection : pour la première fois, une collection de sport "prêt-à-sporter" ou sport "fashion", Adidas by Stella McCartney, créée par une styliste destinée aux femmes, est proposée en 2005. Devant la forte demande constatée sur le marché des équipements de boxe, Adidas décide, en avril 2007, d'investir le créneau par l'intermédiaire de la société Double D, licenciée mondiale Adidas pour les sports de combat. La gamme d'équipements a été conçue pour la pratique à tous les niveaux et couvre toutes les disciplines : boxe anglaise, boxe française, boxe thaï, full contact, kick boxing. Elle comprend également une gamme "Lady", adaptée à la pratique féminine en boxe et en fitness, et une gamme enfants conçue pour la boxe éducative.

 

Aux jeux Olympiques d'été à Sydney, en 2000, trois mille athlètes portent Adidas.
La marque est partenaire de 26 sports sur les 28 disciplines olympiques.
Adidas Techfit, technologie conçue pour la performance

 

C'est sous l'ère du fils, Horst Dassler, que la société étend son empire. La marque débarque en France en 1959, dans le Bas- Rhin. Ce sera son premier marché d'Europe en 2004(4). Horst Dassler mène tambour battant les diversifications (textile, ballons, sacs, tennis...) et les acquisitions, en 1975 : du Coq sportif, puis, les années suivantes, des chaussures américaines Pony, des maillots de bain Arena, de Façonnable et de la marque allemande de textile pour sports collectifs Erima. En 1978, au décès d'Adi,sa veuve Käthe et Horst lui succèdent. Longtemps numéro un mondial des articles de sport, Adidas perd du terrain après le décès prématuré, en 1987, de Horst Dassler, alors âgé de cinquante et un ans. Ses enfants, Adi junior et Suzanne, sont alors trop jeunes pour prendre sa succession, qui échoit aux quatre soeurs du défunt. Spécialiste du sport de compétition,la marque délaisse la mode des rues et du jogging, le streetwear et l'outdoor, et se fait distancer par Nike (créé en 1972), Reebok (qui connaît son essor à partir de 1979) et Fila, trois marques qui font sortir le sport des stades et des salles de gym et participent ainsi à l'explosion du marché des équipements de sport. Adidas entre dans une zone de turbulence à la fin des années quatre-vingt, marquée par la tentative de relance engagée par Bernard Tapie, député des Bouches-du-Rhône et président de l'Olympique de Marseille. Ce dernier achète, le 7 juillet 1990 (la veille de la finale du Mondiale de football en Italie), 80 % du capital d'Adidas ("l'affaire de sa vie !") aux quatre filles du fondateur (20 % restant dans les mains des deux enfants de Horst). Le groupe, délesté des marques Pony, Le Coq sportif, Arena et Façonnable en 1990, frôle la banqueroute en 1992 puis est revendu(5) le 15 février 1993 à un regroupement financier entre le Crédit Lyonnais, l'UAP et les AGF(6). Lequel cède à Robert Louis-Dreyfus(7) et quatre associés 15 % en 1993 puis la totalité du capital en décembre 19948.
Initié par René Jaeggi, président du directoire depuis 1988, puis par Gilberte Beaux, le plan de relance est poursuivi et marque la fin de plusieurs credo : avec les délocalisations, une bonne production est possible ailleurs qu'en Europe(9) et les usines ne sont plus nécessairement détenues en propre. Producteur de chaussures, Adidas se mue en société de marketing. La sortie de la ligne Equipment en 1990 et la rationalisation des collections mettent fin au credo "une chaussure pour chaque sport". Enfin, la reconquête du marché américain (40 % du marché mondial), territoire de prédilection de Nike où Adidas avait 2 % en 1992 pour 13 % en 2000, se fait en attaquant de front des disciplines "américaines" comme le basket ou le base-ball. Sous l'égide de Robert-Louis Dreyfus, Adidas retrouve le chemin des profits ainsi que sa forme olympique avec, en 1994, l'ouverture d'un magasin rue du Louvre, le lancement de la chaussure révolutionnaire, Predator et la campagne Earn Them ("Méritez-les") signée David Lynch. Nouveau coeur de marché qui témoigne d'un changement culturel pour la marque : les 12-20 ans. Sans oublier, bien sûr, les sportifs pratiquants... En 1994, Madonna, en robe rouge à trois bandes dessinée par son couturier personnel et tennis Gazelle (dessinées par Horts Dassler en 1968), témoigne du renouveau d'adidas, qui passe du camp des ringards à celui des branchés. L'entrée à la Bourse de Francfort et de Paris, en novembre 1995, consacre le renouveau de la marque, qui redevient une marque "jeune". Elle rejoint en octobre 2000 le Dow Jones Sustainability Group Index, qui impose de respecter des règles sociales et environnementales. Robert-Louis Dreyfus, le "sauveur" d'Adidas(10), tire sa révérence en 2001 : la valeur d'Adidas est passée de 3 à 20 milliards de francs entre 1993 et 2000 (il détient encore 4,99 % du capital). Le 8 mars 2001, Herbert Hainer, entré chez Adidas en 1987, devenu viceprésident, est officiellement nommé président et président du conseil exécutif d'Adidas-Salomon AG. Il lui revient de mettre fin aux divisions traditionnelles chaussures, textiles et accessoires pour mieux répondre aux besoins des différentes cibles grâce aux divisions Adidas Sport Performance, Adidas Sport Heritage(11) et Adidas Sport Style.
Deuxième changement de taille : l'entrée dans le XXIe siècle consacre une stratégie d'implantation de points de vente en nom propre dans les grandes villes du monde entier. Le 25 octobre 2006, Adidas ouvre, après Quiksilver et Nike, son 600 e magasin dans le monde (sur 4 000 points de vente), son navire amiral au 22 avenue des Champs-Élysées, l'Adidas Performance Store, le plus grand au monde, sur plus de 1 750 m2. Enfin, le périmètre évolue en 2005 avec la cession en mai de Salomon, numéro un mondial des équipements de sports d'hiver, société acquise en 1997 mais difficilement intégrable, et l'acquisition en août de Reebok, le numéro trois mondial. Le changement du nom en Adidas AG est approuvé en mai 2006 lors de l'assemblée générale ordinaire(12).

 

Depuis Jesse Owens et son exploit aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, véritable acte de naissance du parrainage sportif, Adidas promeut ses produits et ses innovations grâce aux athlètes : Mohammed Ali, Max Schmeling, Sepp Herberger, Franz Beckenbauer, etc(13). Chaque événement sportif est l'occasion de créer et de présenter les nouveaux produits, de développer la meilleure chaussure pour chaque sport(14). C'est Horst Dassler qui donne à Adidas sa notoriété mondiale, depuis qu'aux jeux Olympiques de Melbourne, en 1956, les premiers retransmis à la télévision, la marque équipant gracieusement les athlètes apparaît près de soixante-dix fois sur les podiums. Aux jeux Olympiques d'été à Sydney, en 2000, trois mille athlètes portent Adidas. La marque est partenaire de 26 sports sur les 28 disciplines olympiques.

Adidas va construire son image en s'appuyant sur le parrainage d'événements, de fédérations (la Fifa) et d'équipes prestigieuses, mais aussi sur la création de manifestations destinées aux jeunes (dont Adidas Kids Foot au milieu des années 1990) dans les disciplines les plus populaires et les plus à la mode,ainsi que d'importantes campagnes de publicité. C'est l'agence Pamplemousse, du groupe L'Entente Delacroix, qui, en 1981, fait faire à la marque ses premiers pas dans la publicité télévisée, avec, pour signature "Courez en Formule 1". La marque confiera ensuite son image aux agences CLM BBDO puis Leagas Delanay ("La victoire est en nous"). Pour lancer, en février 2004, son slogan "impossible is nothing", ("L'impossible n'existe pas"), Adidas et sa nouvelle agence 180 Amsterdam, associée à TBWA Chiat Day, réunissent dans six films vingt-deux athlètes de renom, de Mohammed Ali à David Beckham et Zinedine Zidane. Pour la première fois, la marque parle d'une seule voix sur tous ses marchés. En 2005, la marque célèbre "l'esprit d'équipe" à travers la saga "Gimme the ball". En mars 2007, une campagne mondiale donne la parole à trente athlètes qui racontent, à travers 21 spots, un moment clé de leur vie, professionnelle ou personnelle, pendant lequel ils ont dû surmonter une épreuve douloureuse, illustrant ainsi la signature "Impossible is nothing". Il revient à Adidas de raconter son épreuve : reprendre à Nike la première marche du podium, la victoire sur la "victoire" !

 

1- Au nombre des récents exploits de la marque aux jeux Olympiques : 259 médailles à Los Angeles en 1984 ; 220 médailles dont 70 d'or à Atlanta en 1996 ; 191 médailles (62 or,67 argent, 62 bronze) à ceux d'hiver de Salt Lake City en 2002 ; 101 d'or, 73 argent et 93 de bronze à ceux d'Athènes en août 2004.
2- En novembre 2005 est lancée la adidas 1, niveau d'intelligence 1.1 !
3- Adidas est présent dans une multitude de sports : football, basketball, course, tennis, cyclisme, escrime, hockey, boxe, aviron, cricket, lutte, haltérophilie, natation. Sans oublier les produits cosmétiques confiés à Coty.
4- Fin juin 2001 le site alsacien de Landersheim est fermé.
5- Devenu ministre de la Ville, Bernard Tapie ne pouvait rembourser ses emprunts au Crédit Lyonnais, étant dans l'impossibilité de vendre Terraillon, Testut, Tournus, Trayvou, La Vie Claire et Donnay ; il avait promis un milliard à Adidas qui n'est jamais venu.
6- Le groupe britannique Pentland avait acquis 20 % du capital d'Adidas en juillet 1991, se déclarant prêt à racheter la totalité du capital puis se ravisa en novembre 1992 après un audit des comptes ! C'est ce même groupe qui fit, avec son président Stephen Rubin, entre 1981 et 1991, de Reebok une marque célèbre.
7- L'un des héritiers de l'empire familial Louis-Dreyfus, ex patron et sauveur du groupe de publicité britannique Saatchi & Saatchi.
8- Les petits enfants du fondateur possédaient encore 5 %.
9- En 1990, Adidas ne produit plus dans ses usines que 17 % de ce qu'il vend :deux paires de chaussures sur trois, un vêtement sur deux sont fabriqués en Asie.
10- Deux chiffres témoignent du renouveau de la marque : 22 millions de paires de chaussures et autant de pièces de textile en 1993, puis respectivement 85 et 150 millions en 1998. Cette année-là, Adidas est coté au Dax, l'indice des trente plus grandes sociétés allemandes.
11- Pour symboliser la rupture avec le passé, la direction avait prévu de lancer une seconde marque de textile ciblée sur les loisirs. Original est divisée en Re-introduced : pour les anciens produits remis sur le marché en exemplaires limités ; Re-interpreted : la version originale avec des couleurs et des matériaux au goût du jour ; Re-designed : les vieux originaux dans le contexte de mode actuel.
12- 483 millions de bénéfice net pour 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006. Adidas (67 %), Reebok (24 %) et TaylorMade-Adidas Golf (9 %).
13- Athlètes actuellement sponsorisés par Adidas : David Beckham, Lionel Messi, Yelena Isinbayeva, Allyson Felix, Gilbert Arenas, Kevin Garnett, Tracy McGrady, Novak Djokovic, Ana Ivanovic, Mario Ancic.
14- Au nombre des classiques de la marque toujours commercialisées : la Samba, chaussure de foot, lancée en 1950, la "ROM" pour marquer les jeux Olympiques de Rome en 1960, l'Adilette pour les jeux Olympiques de Munich en 1972, la chaussure de jogging TRX pour les jeux Olympiques de Montreal en 1976. En 1979, la "Copa Mundial", qui sera la chaussure de football la plus vendue dans le monde, est lancée.
la "victoire" est en elle Adidas,

La saga des marques - HOLLYWOOD CHEWING GUM -

Publié à 16:51 par acoeuretacris Tags : marques
La saga des marques - HOLLYWOOD CHEWING GUM -

HOLLYWOOD CHEWING GUM,
OU LA MÊME JEUNESSE D'ESPRIT DEPUIS 45 ANS

 

Comment, d'une simple gomme à mâcher, bâtir un mythe ? Lui donner comme nom de baptême celui d'un autre mythe et rester fidèle aux valeurs qui fondent la communication de la marque depuis ses origines. Hollywood Chewing Gum, où l'histoire d'un produit devenu style de vie.

 

 

Un jour d'été, quelque part en Turquie. Une jeune Française attend l'autocar. "A quelle heure passe le bus ?", demande-t-elle. Peine perdue. Ne parlant pas la langue vernaculaire, elle propose alors un chewing-gum. Les langues se délient : "Hollywood ! Les comédies musicales" se souvient un homme.

Sans doute ignore-t-il que Hollywood désigne, ici, un chewing-gum... français ! Premier des "paradoxes" d'une marque créée en France, en 1952, par un Américain. Agent général pour l'Europe du fabricant de chewing gum Beech-Nut, Courtland E. Parfet fut de ces nombreux GI's qui débarquèrent sur les plages de Normandie, en 1944.

Dans la ration de survie, baptisée "ration K", chaque soldat disposait alors d'une tablette de chocolat, une boîte de pastilles, quatre dosettes de café Nescafé, une boite de corned beef, deux boîtes de fromages et crakers, trois sucres emballés, un étui métallique Philip Morris pour cigarettes et deux étuis de... chewing-gum Wrigley's. Impossible de dénombrer le nombre de "chouime-gomme" que ces GI's distribuèrent par poignée aux enfants
(1). Dans l'esprit de ces têtes blondes est à jamais gravé, tel un réflexe quasi pavlovien, l'équation chewing-gum = liberté, fraternité, échange et jeunesse.

Reste que, l'euphorie de la Libération passée, le produit, difficile à trouver, ne connaît pas encore de véritable succès. Il faut attendre 1952 pour que Courtland Parfet débarque une deuxième fois en France, avec une idée bien arrêtée : lancer un chewing- gum au goût de chlorophylle sous la marque Hollywood
(2). Le choix du nom de marque n'est pas innocent qui renvoit à l'une des composantes du rêve américain, Hollywood, l'usine à rêves", le cinéma et ses stars, et colle parfaitement avec l'explosion de ce loisir. Pour la seule France, on dénombrait six millions d'entrées en 1939, quatre-cents millions au sortir de la guerre ! Avec Hollywood, le langage n'a plus sa raison d'être.

Prononcez le mot et l'on vous comprend sans peine. N'est-ce pas l'une des composantes du mythe de l'âge d'or, quand une même langue unissait en un temps lointain les êtres humains ? Autre paradoxe de la marque : l'année 1952 est aussi celle où l'on voit fleurir un peu partout en France, le slogan "US Go Home"
(3). Loin de ces turbulences politiques, une PME établie à Montreuil, commence la production du chewing-gum Hollywood.

Mais les détracteurs ne manquent pas : maîtres d'écoles, stomatologues et surtout bon nombre de mères qui ne souhaitent pas que leurs enfants aient des allures de ruminant. Des rumeurs courent dans les cours de récréation selon lesquelles, "Le chewing-gum, ça colle les boyaux, ça fait gonfler le ventre", comme les "ongles que l'on ronge, ça peut donner une crise d'appendicite si on les avale".

Pour les contrer, une des premières publicités d'Hollywood, datant de 1955 (année de la fusion de Krema et Hollywood), présente un élève assis sur son banc d'écolier, suçant son pouce : "Dans chaque enfant, il y a un rongeur qui sommeille. Ongles, gommes, crayons, livres, règles, etc.. sont les proies faciles et dangereuses de ses petites dents. Protégez-les. Donnez à votre enfant un moyen salutaire de libérer ses nerfs et de se décontracter. Offrez-lui un chewing-gum Hollywood".

Les réticences semblent, aujourd'hui, vaincues : avec six milliards de mâches (4) consommées par an, la France, premier marché européen, est au second rang mondial derrière les Etats-Unis. Autre chiffre qui témoigne du phénomène : 60% des Français mâchent, à raison de cinq tablettes en moyenne par personne et par semaine.

 

Le trésor de Mexico

Les révolutions n'ont pas que des aspects négatifs. Celle du Mexique, en 1869, oblige le général mexicain, Antonio Lopez de Santa Anna - vainqueur de Fort Alamo - à fuir son pays.

Quand certains émigrants partent avec leur bijoux, lui, débarque à New York avec ce qu'il appelle : "Le Trésor de Mexico". Soit 250 kilos de chicle, mot espagnol qui désigne la sève du sapotier, substance brun foncé que les Mayas mâchaient il y a... mille ans !

Mais le véritable "trésor" ne sera pas celui escompté par le général qui entend en faire un substitut au caoutchouc. Son collaborateur, Thomas Adams, chargé de négocier le "chicle", le juge alors impropre à cette fonction.

L'histoire aurait pu s'arrêter là car, après l'amnistie, le général s'en retourna dans son pays. Et Thomas Adams s'apprêtait à jeter la gomme quand le hasard d'une rencontre - une petite fille mâchant de la paraffine dans une pharmacie - changea son destin.

Se souvenant de la manie du général Santa Anna, mâcheur de "chicle", il propose au pharmacien cette gomme à meilleur marché que la paraffine. Avec l'aide de son fils Horatio qui, symbole de longévité pour la marque, mourut en 1956 à l'âge de 102 ans, Adams fabrique au sein de la société "Adams New York Chewing-gum" des petites plaquettes de "chicle", vendues un cent pièce.

Au fil des ans, d'autres pionniers vont améliorer le produit. Williams J.White ajoute du sirop de glucose aromatisé à la menthe. William Wrigley en fait un produit de grande consommation. Et l'on doit à Walter Diemer, l'invention, en 1928, du bubble-gum, le "chewing gum de la rébellion".
 
2,8 grammes d'esprit de plaisir
De la salle de classe à la salle de cinéma, le pas est franchi en 1958 avec le premier film publicitaire, signé Langelaan & Cerf et baptisé "Hello". Avec un style qui ne sera jamais "hollywoodien" mais traduit déjà le rêve américain, la marque s'identifie à quatre thèmes récurrents : la musique, l'action, l'envie de vivre et l'amitié. Trois films, "la fête forraine", "l'auto-stopeuse" et "la surprise-partie" mettent en scène des jeunes qui ont, pour tout mot de passe, "Hello" et comme seul signe de reconnaissance une tablette de chewing-gum Hollywood.
Le rêve américain se traduit même dans l'orthographe du mot "chlorophyii" écrit sans "e" jusqu'en 1984.
1968 : révolution - passagère ! - pour la marque, dans le giron de General Foods
(5)depuis 1961.

Hollywood inaugure le petit écran en se présentant comme seul remède contre la crise de nerf : "Si vous êtes surmené, débordé, contracté, alors prenez Hollywood chewing-gum et ça détend". Selon les psychologues, mâcher satisferait une pulsion orale agressive. En mâchant, on se défoule.

Détente, encore, quand le dessinateur Cabu signe, en 1970, la campagne "rien ne détend l'atmosphère comme un chewing-gum Hollywood" : "Les copains, c'est bien. Mais il y a des moments où c'est difficile à supporter.

Des moments où c'est vraiment le moment de prendre un chewing-gum Hollywood. Et d'en distribuer. Hollywood chewing-gum, c'est le bon truc pour détendre l'atmosphère". Et pour ceux qui ne seraient toujours pas convaincus des vertus du chewinggum, le chanteur Michel Delpech explique dans une publicité parue dans la presse, en 1972, "comment il se décontracte avant d'entrer en scène" : "L'angoisse, le trac, est-ce que ça vous arrive souvent ? Chaque fois.

Et c'est épouvantable. Juste avant d'entrer en scène, je suis prêt à abandonner ; ça me semble au-dessus de mes forces. Alors là, je prends un chewing-gum Hollywood ; ça me décontracte. Et quand on est détendu, on réussit mieux, non ?".

Retour aux sources, celles des trois valeurs fortes de la marque, la liberté, l'échange et l'évasion, quand, en 1972, l'agence Bélier invente le slogan "Fraîcheur de vivre". Fraîcheur "physique" - l'eau sera toujours présente dans toutes les publicités - mais aussi et surtout fraîcheur d'"esprit".

Le slogan signe, encore aujourd'hui, les campagnes de communication de la marque. Sur fond musical, composé par Alain de Senneville et Olivier Toussaint, la communication va traverser les décennies en s'adaptant à l'air du temps : période "baba-cool" des années soixante-dix, culte du sport durant les années quatre-vingt, ouverture sur le monde de 1988 à 1995, le sport extrême en 1995 et la jungle urbaine depuis 1996. Si la cible
(6)est étroite - 15/25 ans -, les consommateurs (de 7 à 77 ans) s'identifient au style de vie proposé par la marque : liberté, sportivité et convivialité.
 
De la sève à la tablette
Aujourd'hui, la gomme utilisée ne provient plus du célèbre "chicle" indien, obtenu par ébullition du latex, tiré du tronc et des fruits du sapotier.
En raison de la rareté de ces arbres et du coût élevé du transport du latex, le "chicle" a été remplacé par un produit de synthèse, la Gomme de Base.
Elle a pour particularité de ne se dissoudre ni dans l'eau, ni par la salive. Elle se compose de un ou deux élastomères qui déterminent l'élasticité ; des cires qui abaissent le point de ramollissement et possèdent un pouvoir anti-collant et plastifiant ; des charges minérales qui améliorent les qualités mécaniques ; un antioxydant qui protège les qualités de la gomme lors de la fabrication mais aussi du vieillissement ; des résines qui assurent le liant des matières premières de la gomme et qui déterminent sa spécificité (chewing-gum ou bubble-gum pour faire des bulles).
Au nombre des additifs : le sucré glacé ou des édulcorants, du sirop de glucose, des arômes et des colorants.
 
Le mythe de l'éternelle jeunesse

1974 : la première publicité couleur est signée en pleine vague hippie par l'agence Havas. Où l'on voit un groupe de jeunes, bucoliques et insouciants, fleurs à la main, entonner l'air : "Fraîcheur de vivre, Hollywood chewing-gum, on prend la vie comme on la vit, Hollywood chewing-gum, fraîcheur de vivre, Hollywood chewing-gum, pour vivre heureux, il en faut peu, fraîcheur de vivre, Hollywood chewing- gum, on prend la vie comme elle vient, Hollywood chewing-gum au goût très frais".

Une simple tablette unifie un groupe qui se retrouve autour de passions communes. N'est-ce pas le point de départ du mythe de l'unité ? Après la génération "fleur bleue", les années quatre-vingt sont placées sous le signe du sport, du culte du corps et du dépassement de soi. La musique s'adapte à différents styles (Beach Boys, Bee Gees, Chuck Berry, Django Reinhardt, etc.) et la jeunesse Hollywood s'initie à tous les sports : surf, vélo bicross, raft en Californie, catamaran en Nouvelle-Zélande, deltaplane, équitation à la Jamaïque, escalade (1984), moto (1985), canoë (1985), body surf (1986), ski sur herbe (1987). Et, puisque les voyages, dit-on, forment la jeunesse, Hollywood l'emmène, à partir de 1988, à la découverte de nouvelles cultures, en Amérique latine, en Afrique et en Turquie où la marque devient un langage universel de tolérance et d'ouverture.

Où l'on retrouve, de nouveau, le mythe de l'unité ou de l'universalité quand Hollywood unit les différentes cultures. Ce métissage culturel peut aussi avoir comme terre d'élection, la France. L'opération "Open Miles", lancée en 1996, permet aux jeunes entre 16 et 25 ans de voyager l'été, gratuitement, aux cinq coins de la France.

Seul coin du monde où la marque n'est toujours pas vendue : les Etats-Unis où Wrigley's détient une position dominante. Après l'Europe de l'Est, en 1993, Hollywood s'apprête à conquérir la Chine. Pratiquant la licence depuis le début des années 90, Hollywood Chewing Gum appose sa griffe sur des articles de papeterie, lunettes de soleil, etc. La jeunesse, toujours...

 

La famille Kraft Jacobs Suchard (KJS)

 

Kraft Jacobs Suchard détient 80% du marché français du chewing-gum. Depuis la loi de 1986 qui autorise l'utilisation des édulco-rants en dehors des pharmacies, Hollywood a pu élargir sa gamme avec Hollywood Light en 1986. Ce dernier devient Hollywood sans sucre en 1995. La gamme Hollywood Chewing Gum comporte 9 parfums sous forme de tablettes et 3 sous forme de dragées. Sans compter les goûts de l'année (fruits de saison, cola, etc). Dans le portefeuille de marques du groupe, on trouve également :

• Tonigum, premier chewing-gum sans sucre au xylitol et au calcium qui aide à fortifier l'émail des dents lancé en 1992 pour concurrencer l'américain Wrigley's présent en France depuis 1987 avec ses marques Extra (abandonnée en 1997) et Freedent

• Stimorol, marque danoise de dragées, commercialisée par KJS, est destinée plus particulièrement aux adultes

• Malabar, bubble-gum pour les jeunes et vendu à 500 millions d'exemplaires tous les ans !

(1) Autre temps, autres moeurs : en 1917, le corps expéditionnaire américain, commondé par le général Pershing, distribua, sur son passage, des chewing gums. Ils laisseront peu de souvenirs !
(2) Hollywood fut une marque de caramel, déposée en 1925 par Georges Cornillot, et commercialisée par La Pie qui Chante. Elle tomba en désuétude dans les années trente.
(3) Le 28 mai 1952, le parti communiste fronçais manifeste contre le général Ridgway et la présence des troupes de l'OTAN. Depuis 1951, le Suprême Headquarters of Allied Powers in Europe (SHAPE) est à Rocquen-court, près de Versailles.
(4) Une mâche égale l'unité moyenne de consommation, soit une tablette, un bubble ou deux dragées
(5) La société General Foods est née, en 1925, de lo fusion de onze sociétés américaines spécialisées dans les produits alimentaires sucrés. General Foods devient Kraft General Foods en 1989 puis Kraft Jacobs Suchard en 1991 (groupe Philip Morris).
(6) à chaque âge, son chewing-gum : le bubble-gum (6-10 ans), le chewing gum au fruits ( 10-14 ans), la chlorophylle ( 14 à 18 ans), le menthol au-delà de 1 8 ans.


Hollywood en chiffres

• 67% des moins de 25 ans consomment du chewing-gum au moins une fois par semaine
• les 10-24 ans représentent 56% de la consommation totale de chewing-gum
• 94% des consommateurs de chewing-gum ont moins de 50 ans
•Hollywood, vendu dans plus de 200 000 points de vente, détient, en France, 66% de parts de marché dans le chewing-gum dont 59% pour les chewing-gum sucrés et 7% pour les sans sucre (panels 96).

(articles de source prodi marques)