Les cosmonautes Shadoks continuent leurs vols d'essai sous la direction technique du devin plombier....
Ils travaillaient en étroite collaboration mais on voyait bien que ça risquait de durer…
Le Marin Shadok qui regardait ça disait même que la fusée ne partirait jamais.
C'était un ancien quartier-maître pirate qui avait mal tourné
Contrairement aux gens de son espèces qui passent généralement leur temps à introduire des petits bateaux dans une bouteille, lui, il introduisait des bouteilles dans son petit bateau.
Il parlait par maximes et quelquefois même en anglais. C'est lui qui disait par, exemple :
Dans la marine on ne fait pas grand chose mais on le fait de bonne heure.
Et, en effet, il partait dès potron-minet soit disant pour aller voir où était le vent. Mais le soir, quand il revenait, il avait complètement oublié et il disait qu'il était…sous l'influence. En réalité, il était tout simplement pris de boisson…
Pour la fusée, il disait que le plus simple était encore d'aller subtiliser la fusée Gibi. Que lui connaissait le chemin et que, lui, il irait la subtiliser, lui et en bateau !
Naturellement, c'était insensé. Mais comme il était un peu trop souvent…sous l'influence et qu'il constituait un objet de scandale, le Chef Shadok lui donna quand même l'autorisation. En fait, il se disait que c'était un moyen simple et élégant de s'en débarrasser.
Le pauvre marin pourrait-il tenir son pari et traverser le cosmos en bateau ?….
Le Marin Shadok a décidé d'aller chez les Gibis en bateau, à travers l'espace pour subtiliser leur fusée…
Il mettait la dernière main à une caravelle inter-stellaire de sa conception et il se dépêchait de peindre tout ce qu'il pouvait. Car disait-il : Il faut saluer tout ce qui bouge et peindre le reste.
Le jour du départ, de grandes réjouissances avaient été organisées. Et quand la Shadokkaravelle fut inaugurée, on fit sortir du GOULP quelques intrépides Shadoks qui furent invités à ramer.
Et ils partirent…
Puis aussitôt après, et sans perte de temps inutile, on procéda à une autre inauguration, celle d'une magnifique statue où on pouvait lire : "A nos hardis marins perdus dans le cosmos"…. Parce qu'on savait déjà qu'ils ne reviendraient pas.
Mais ces malheureuses bêtes, elles, n'en savaient rien et si on les avaient laissé partir c'était justement pour s'en débarrasser… car de l'eau, il n'y avait pas tellement et au bout d'un certain moment, elle s'arrêtait. Après quoi il n'y avait plus rien, sauf évidemment, le néant….
Chez les Shadoks, la situation est satisfaisante, les essais de fusée continuent à très bien rater...
Car c'était un des principes de base de la logique Shadok :
Ce n'est qu'en essayant continuellement, que l'on finit par réussir
Ou, en d'autres termes : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche....
Et comme ils voyaient justement que les Gibis ne faisaient aucun essai de fusée, ils étaient persuadés que ce serait eux, les Shadoks, qui seraient les premiers sur la Terre et qu'elle leur appartiendrait.
Il commençait donc à essayer très tôt le matin. Les essais rataient d'abord pendant toute la matinée. Quand tout allait bien, on arrivait à en rater 6, quelque fois 7, mais c'était rare. Vers midi, ils prenaient un repas léger. Ca continuait ensuite jusqu'à la nuit. Et le lendemain, de très bonne heure, toujours, ils recommençaient.
Les Gibis à l'autre bout du cosmos continuaient tranquillement à surveiller leurs jardins et à récolter des graines de moteurs électriques et de beaucoup d'autre chose pour les emmener sur la Terre. Et le soir, comme d'habitude, en rentrant des champs, ils regardaient où les Shadoks en étaient.
Mais maintenant, c'était beaucoup plus amusant car depuis que le Marin Shadok était parti en bateau dans l'espace, ils avaient deux programmes. Et s'ils en avaient assez de voir les Shadoks rater leurs essais, ils regardaient les marins ramer.
Quand ils avaient vu que ces innocentes bêtes espéraient arriver chez eux pour leur voler leur fusée, ils avaient d'abord cru mourir de rire. Puis, ils avaient décidé de les laissé faire car, disaient-ils : "Ca valait la peine de regarder de plus près des animaux aussi rigolos !"
Pendant que les essais Shadoks continuent à rater, les Gibis surveillent leurs jardins à instruments…
Ils voulaient emporter des graines d'instruments pour les replanter sur la Terre. Et en attendant qu'elles mûrissent, pour passer le temps, ils regardaient les essais Shadoks rater.
Les essais Shadoks comportaient plusieurs phases : D'abord, les techniciens Shadoks entonnent le compte à rebours sur un vieil air d'accordéon. Et puis les Shadoks les plus doués pour les mathématiques enfourchent leur ordinateur à pédales pour calculer la trajectoire. C'étaient eux qui avaient le plus de mal car les Shadoks avaient entendu dire que plus un ordinateur va vite, plus il donne de bons résultats… Et c'est celui qui avait gagné qui avait trouvé la bonne trajectoire.
On procédait alors à la mise à feu…Ca ratait… Et aussitôt après, on recommençait.
Naturellement, on pourrait continuer comme ça pendant longtemps, mais….
Les marins Shadoks sont partis en bateau dans le cosmos
pour conquérir la planète Gibi….
Voyons un peu où ils en sont.
Et bien ils ramaient sous le commandement de principe du pirate Shadok, qui comme à l'ordinaire était assez joliment pris de boisson. Si bien que personne, en fait, ne regardait où on allait. Mais, il disait que dans la marine, c'était l'usage et qu'il est beaucoup plus intéressant de regarder où l'on ne va pas pour la bonne raison que, là où l'on va, il sera toujours temps d'y regarder quand on y sera et que, de toute façon, ça ne sera jamais en fin de compte que de l'eau… sauf naturellement, imprévu…
Or un jour, justement, un marin s'écria : "Chef ! Y'a plus d'eau !".
C'était vrai, et il ne pouvaient plus avancer.
Le Marin Shadok avait observé que l'eau, à l'avant des bateaux, avait souvent tendance à se transformer subitement en icebergs, en cailloux, en baleines ou même en rien du tout.
Mais il avait remarqué aussi qu'à l'arrière des bateaux, il y avait toujours de l'eau qui ne servait à rien. Et pour continuer d'avancer, il ordonna que l'on récupère cette eau-là pour la mettre… à l'avant.
De sorte que, pendant que les Shadoks d'en haut ramaient l'eau, ceux d'en bas la récupéraient pour que ceux d'en haut la rerament.
C'était un système de navigation ingénieux mais épuisant et on pouvait se demander si les valeureux marins pourraient aller comme ça jusqu'à l'autre bout du cosmos…
Le Marin Shadok est arrivé à l'endroit du cosmos où il n'y a plus d'eau.
Il avance quand même mais comment ?…
C'est qu'en ce temps-là, on pouvait aller en bateau dans le cosmos, à condition d'emporter son eau. Mais, malheureusement, par endroit, le cosmos était percé, de l'eau, fatalement, on en perdait. Et, quand il n'y avait plus d'eau, on sombrait…
Pour la remplacer, il fallait emporter d'énormes provisions d'eau et, souvent, il y avait plus d'eau dans le bateau que sous le bateau. Si bien qu'il y avait des Shadoks qui périssaient noyés sans même que le bateau coule.
C'était pas très confortable mais c'était pourtant comme ça que les marins Shadoks avançaient.
Elles croyaient, ces naïves bêtes, traverser tout l'espace interstellaire et débarquer chez les Gibis, en catimini, pour leur voler leur fusée.
Mais, il y a longtemps que les Gibis les voyaient venir et il avaient décidé de leur jouer un tour pour que les malheureux marins continuent à ramer comme ça pendant toute l'éternité… et même, peut-être, plus…
Les Gibis se préparent à faire face à un débarquement de Shadoks sur leur planète….
Mais, vous direz-vous, si les Shadoks pouvaient aller en bateau de la planète Shadok à la planète Gibi, pourquoi n'allaient-ils pas directement et par le même moyen sur la Terre ?
A cela il y avait deux raisons. La première relevait du second principe fondamental de la logique Shadok qui disait :
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué....
La seconde relevait de lois cosmiques beaucoup plus sérieuses : c'est, que pour aller sur la Terre il aurait fallu monter et que si on avait monté, l'eau aurait coulé et, très rapidement, il n'y aurait plus d'eau.
Les Gibis, qui les voyaient arriver, se disaient : "Jouant leur un tour, camouflons notre planète, tirons des feux d'artifices !"
Il faut dire que les Gibis avaient des feux d'artifices spéciaux qui faisaient de l'obscurité. Et quand on les tirait de jour, on n'y voyait plus rien, et de nuit, il faisait encore plus nuit
Et les Shadoks, ne voyant que de l'obscurité, continuèrent à ramer vers les espaces extérieurs et apparemment infinis du cosmos. Ils ramèrent longtemps, longtemps, longtemps….
Ils s'épuisèrent, dépérirent, désespérèrent puis se pardonnèrent leurs péchés. Et le Marin Shadok, lui-même, noyait sa peine dans une sobriété exemplaire.
Mais un jour, un pauvre marin s'écria : "La planète Gibi ! La planète Gibi !" Or, ce qu'il voyait là, vous le savez, ce n'était pas la planète Gibi. C'était quoi ?…
Les marins Shadoks perdus dans le cosmos ont vu quelque chose au bout de l'infini et qu'ils prennent pour la planète Gibi….
Mais il faut savoir qu'en ce temps-là, le cosmos n'était pas tellement infini que ça. Il n'était d'ailleurs pas infini du tout. Et, pour tout dire, il était plutôt… rond. De sorte que, quand on partait d'un endroit et en allant tout droit, au bout d'un certain temps, on y rarrivait.
Pour aller quelque part, en général, le plus simple était encore de partir de là où on voulait aller. Et avec du temps et un peu de chance, on y arrivait effectivement.
Mais les Shadoks n'étaient pas au courant de tout ça, et au prix d'incroyables sacrifices, ces malheureuses bêtes allaient arriver là d'où ils étaient partis. C'était leur planète qu'ils prenaient pour la planète Gibi.
Avec d'infinies précautions, ils débarquent nuitamment chez eux pour s'emparer de leur fusée. Ils la transportent en catimini sur leur bateau et repartent comme ils sont venus, mais en sens contraire évidemment.
Le lendemain matin, les Shadoks qui venaient comme d'habitude faire de nouveaux essais de fusée furent d'abord étonnés. Puis ils crièrent : "Victoire ! Victoire ! Notre fusée marche enfin. Elle est partie ! Elle est même partie toute seule."
La seule chose que ces pauvres bêtes avaient oubliée, malheureusement, c'était…de monter dedans…
Comme le cosmos en ce temps-là était rond, les marins Shadoks croyant débarquer chez les Gibis ont débarqué chez eux, volé leur propre fusée et sont repartis…
Au bout d'un certain temps, naturellement, ils redébarquèrent chez eux mais, comme il faisait encore un peu nuit, ils retournèrent se coucher en attendant d'être reçus triomphalement.
Les Shadoks voyant leur fusée revenue, recrièrent : "Victoire ! Victoire ! Notre fusée marche ! Elle est partie toute seule. Elle est revenue toute seule !" Et ils s'empressèrent de la retransporter de l'autre côté pour procéder, incontinent, à de nouveaux essais.
Les marins en se réveillant crièrent : "A l'abordage ! A l'abordage ! Les Gibis nous ont trahis. Ils ont repris leur fusée." Et ils repartirent aussitôt pour la chercher.
Il va sans dire que la chose dura comme ça pendant assez longtemps. Et pendant que ces pitoyables bestioles tournaient en rond, les Gibis cultivaient tranquillement leur jardin et récoltaient des graines d'usine pour les emmener sur la Terre.
Quand ils plantaient une graine d'usine, la terre se transformait petit à petit en ce qu'il fallait. Tout cela se reliait ou se reliait pas, selon ce qui était écrit dans la graine et, au bout de tant ou tant de saisons, elle donnait, selon les cas, des bananes, des montres suisses, des noix de coco, des barres de fer ou des bulldozers.
Mais à un moment, les Gibis s'arrêtaient et s'écriaient : "C'est l'heure des Shadoks ! C'est l'heure des Shadoks !" Et ils courraient au bord de la planète pour les voir passer. Mais un jour, malheureusement, le jeu cessa. Les Shadoks ne passèrent pas et les Gibis étaient un peu tristes car ils commençaient à s'y attacher.
Qu'étaient devenus les pauvres marins Shadoks ?….
Les Gibis sont inquiets, ils ne voient plus sur leur télévision les marins Shadoks tourner en rond dans l'espace. Que leur est-il arrivé ?
Et bien voilà, une nuit, comme d'habitude, les marins Shadoks avaient débarqué chez eux pour s'emparer subrepticement de leur fusée. Ils avaient eu beaucoup de mal pour la ramener à leur bord car la nuit était noire et la mer, apparemment, avait monté. Ils avaient été obligés d'escalader l'eau pour monter dans leur bateau. Et plus ils ramèrent, plus ils restèrent au même endroit. Et au matin, ils y étaient encore. Ils s'étaient tout simplement trompés de bateau…
Car comme vous le savez, les Shadoks, persuadés que les marins allaient vers leur perte, leur avaient à l'avance érigé un monument et ils étaient montés dedans…
Quand les autres Shadoks voyant leur fusée revenue, une fois de plus, montèrent à l'assaut pour essayer de la récupérer. Le Marin Shadok, lui, criait :
"A l'abordage ! A l'abordage ! Les Gibis attaquent !"
Et ils les pourfendaient.
Le combat fit rage pendant des jours et des nuits. Beaucoup périrent, d'autres étaient plus ou moins définitivement estropiés. Mais qui allait gagner ?…