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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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Les écritures du Seigneur des Anneaux
LES GRAPHIES ET LES CARACTERES utilisés au Troisième Age, l’époque où se sont déroulées les terribles événements relatés dans Le Seigneur des Anneaux, étaient tous, en définitive, d’origine sindarine, et déjà à l’époque d’une vénérable ancienneté.
Elles avaient atteint un stade de développement alphabétique complet, mais des modes de transcription plus anciens, où seules les consonnes figuraient pas écrit, demeurait encore en usage.
Ces alphabets étaient issus de deux origines bien distinctes : le Tengwar ou Tiw qui peut se traduire par « lettres » et le Certhar ou Cirth assimilés à des « runes ». La graphie du Tengwar a été conçue pour le pinceau ou la plume, et les caractères carrés des inscriptions sont dérivés, en l’occurrence, des formes écrites. Le Certhar était destiné aux inscriptions gravées ou incisées.
exemple Tengwar
Le Tengwar
LE TENGWAR ETAIT UN ALPHABET inventé par les Noldors. Il en existait plusieurs variantes telles le Tengwar de Rúmil ou bien encore le Tengwar de Fëanor. Elles furent progressivement généralisées au Troisième Age, dans une région où avait cours le Parler commun.
Les Lettres Fêanoriennes ne constituaient pas un alphabet proprement dit, c’est à dire une série fortuite de lettres, ayant chacune sa valeur propre, et que l’on récite selon un ordre traditionnel, sans rapport manifeste avec leur forme ou leur fonction. C’était plutôt un système de signes consonnantiques, analogue pour la forme et pour le style, qui pouvait servir au choix et selon les nécessités du moment, à retranscrire des consonnes d’autres langues. Aucune de ces lettres n’avait donc de valeur fixe, mais certains rapports entre elles vinrent graduellement à s’imposer.
Le système comportait vingt-quatre lettres primaires disposées en quatre témar (séries) de six tyeller (degrés). Il comprenait également douze lettres supplémentaires ainsi que des signes d’usages divers. Ces lettres primaires étaient composées d’un telco (jambage) et d’un luva (corps). Selon les lettres le jambage pouvait être dressé ou ramassé et le corps fermé ou ouvert.
A chaque degré de lettres, correspondait un type de de sons. Ainsi le degré I s’appliquaient généralement aux dentales, le II aux labiales ou le V aux nasales. Comme dans les écritures sémitiques, les voyelles étaient rarement écrites. Elles étaient généralement signalées par un signe diacritique, le tehtar, placé d’ordinaire au dessus de la consonne. Toutefois, à la différence des écritures sémitiques, même les voyelles longues se présentaient sous la forme de tehtar placé alors au dessus d’un signe long.
Il est enfin à noter l’existence de nombreuses abréviations, représentées là encore sous la forme de tehtar, pour dénoter les fréquentes combinaisons de consonnes sans avoir à les transcrire en toutes lettres
Le Certhar
C'EST AUX SINDAR DU BELERIAND que l’on doit l’invention du Cirth qui ne s’en servaient que pour graver des noms ou de brèves épigraphes commémoratives sur le bois ou la pierre. Ceci explique leur forme anguleuse qui les apparente à la famille des runes.
A l’origine elles étaient utilisées aussi bien par les Hommes, les Nains, les Orques, voire les Elfes qui les modifièrent sous l’influence du Tengwar pour donner naissance à l’Alphabet de Daeron. Progressivement toutefois, elles furent marginalisées et ne survécurent que grâce aux Nains de la Moria qui se les approprièrent pour créer une graphie originale appelée Angerthas Moria. Ces derniers en tirèrent même une écriture qui pouvait se tracer à la plume.
L’attribution des signes aux phonèmes de l’ancienne langue sindarine n’avait rien de systématique là encore. Ceci dit, avec le temps, cette situation se stabilisa avec l’apparition de l’Angerthas commun qui arrive à associer certaines de nos lettres alphabétiques avec le Certhar.
L’Angerthas
Des écritures originales
Enluminure arménienne
d’un manuscrit du XIIIe siècle
LA LANGUE ARMENIENNE appartient à la famille linguistique indo-européenne et forme avec le géorgien, et d’autres dialectes parlés dans le Caucase, un groupe spécifique.
Les alphabets arménien et géorgien sont voisins et vraisemblablement apparentés. La légende leur a donné un père commun: Saint Mesrob.
La légende de Mesrob
LES ECRITURES TROUVENT BIEN SOUVENT leurs racines dans la religion. Celles des peuples arméniens et géorgiens confirment cette règle. Selon une tradition solidement établie qui nous a été transmise par l’historien arménien du Ve siècle, Moïse de Korène, l’invention des alphabets arméniens et géorgien est ainsi attribuée à saint Mesrob
Ce dernier, secrétaire à la cour des rois arméniens Varazdatès et Arsakès, avait quitté ce poste prestigieux pour se consacrer à la vie religieuse. A l’époque vers la fin du IVe siècle, la cour arménienne utilisait l’écriture perse appelée pehlevi. Les Arméniens, convertis au christianisme depuis un siècle, se résignaient toutefois difficilement à tenir leur écriture des fervents de Zoroastre.
Mesrob, qui avait apprit l’alphabet grec d’un rhéteur d’Edesse dénommé Platon et du moine Ruphanos, élabora un alphabet arménien original, à la suite d’une révélation divine si l’on en croit la légende. A l’aide de cet alphabet, il transcrivit sa traduction arménienne du Nouveau Testament. En 406, du vivant de Mesrob, un édit du roi d’Arménie imposait son emploi dans tout le royaume.
Ce n’est que par la suite que le saint homme se serait rendu dans le royaume voisin de Géorgie pour donner à ce pays, en accord avec son roi de l’époque, Artchal, une écriture nationale. Mesrob disparut en 441.
Couverture en cuir
d'un manuscrit du XIIIe siècle
L'alphabet Arménien
L’ALPHABET ARMENIEN ne compte pas moins de trente neuf caractères et, à la différence des écritures sémitiques utilisées dans les états voisins de l’est et du sud du Caucase, possède une notation intégrale des voyelles. Comme ces lettres ne font jamais double emploi, l’alphabet arménien constitue un instrument d’une belle précision phonétique. Elle reprend au grec 22 sons auquel elle attribue ses propres signes et ajoute 14 signes destinés à noter des sons étrangers au grec. L’écriture arménienne, comme la grecque à laquelle elle est partiellement apparentée, use à la fois de majuscules et de minuscules.
La question des origines
Son origine est toujours discutée, la légende de Mesrob comme toutes les légendes de nature politique étant sujette à caution. Un fait prèche toutefois en faveur de cette thèse: l’alphabet arménien de par sa précision et sa cohérence semble bien avoir été élaboré en une seule fois, et n’est pas le fruit d’une longue évolution, comme l’alphabet latin ou grec.
Par ailleurs, les spécialistes se sont longuement entredéchirés pour savoir s’il fallait chercher le modèle de l’écriture arménienne du côté de l’écriture grecque ou de son homologue perse. Le débat de son origine, semble actuellement pencher en faveur de l’écriture occidentale. En effet, le principe de la notation intégrale des voyelles est une conception fondamentalement étrangère au peheveli. Ensuite, plusieurs de ses lettres ont manifestement été empruntées au grec. Enfin, l’alphabet arménien s’écrit de gauche à droite et non de droite à gauche comme le peheveli.
Pourtant, en faveur de la thèse perse, il est toutefois possible d’avancer l’argument selon lequel les formes des signes de l’alphabet arménien sont passablement inspirées de celles des caractères persans alors en usage en Arménie.
Pour trancher entre les deux théories, l’historien de l’écriture James Février, propose de replacer la question de l’alphabet arménien dans son contexte politique: destiné à transcrire en arménien les textes bibliques et la littérature chrétienne, il parait peu probable que l’on ait imité une écriture trop liée à une religion rivale.
Graphisme de l’écriture
Initialement, l’alphabet était formé d’une seule série de lettres de type oncial (erkathagir), qui sont par la suite devenues les majuscules de l’alphabet moderne. Ces dernières, également appelées lettres de fer sont aujourd’hui complétées par une série de minuscules (bolorgir ou lettres rondes).
Vers la fin du moyen âge apparut une écriture cursive (notrgir), en usage en typographie et qui fit le même usage que notre italique. Cette écriture, aujourd’hui dépassée, est remplacée par un autre caractère d’aspect droit (aramian du nom de son créateur).
Le bolorgir, quant à lui, a évolué pour devenir plus aisé à lire, mais a conservé son aspect penché.
Alphabet arménien
L'Alphabet Géorgien
ON L’A VU LA LEGENDE attribue également à Mesrob la création de l’écriture géorgienne. C’est vrai que certaines lettres offrent des similitudes frappantes et que d’autre part le nombre des caractères est à peu près le même (entre 36 et 40) de même que les valeurs phonétiques qui leurs sont attribuées.
Une autre tradition géorgienne attribue toutefois l’invention de cette écriture par le roi Parnavas au IIIe siècle.
Présentation
L’alphabet géorgien est appelé anban du nom des deux premières lettres. Il en existe deux variétés, assez proches l’une de l’autre pour que leur parenté, non plus que leur rapport avec l’écriture arménienne, ne fasse aucun doute, mais assez différentes pour qu’il soit impossible a priori de dire qu’elles dérivent l’une de l’autre. Ce sont le khutzuri et le mkhedruli.
Le khutzuri ou caractère ecclesiastique se rencontre dans les documents les plus anciens, en particulier dans les textes religieux. Il compte 38 lettres, plus le f, qui comme en arménien, ne sert qu’à la transcription des mots d’origine étrangère. Il n’est guère plus utilisé aujourd’hui, sauf pour des usages religieux.
Le mkhedruli (en fait mkhedruli kheli ce qui veut dire «main du soldat»), contraste par son aspect cursif, ses formes arrondies, avec l’aspect anguleux, le dessin carré des caractères khutzuri. Il compte au total quarante lettres, dont sept ne servent plus aujourd’hui. A la différence des alphabet khutzuri et arméniens, il ne possède pas de majuscules. Il existe également une forme cursive de cet alphabet, très riche en ligature, employée pour l’écriture manuscrite. Les alphabet géorgiens ont conservé plus fidèlement que l’alphabet arménien l’ordre primitif des lettres. L’antériorité du mkhedruli sur le khutzuri n’est pas avérée.
Origine grecque contre perse
Comme pour l’alphabet arménien, les spécialistes se chamaillent pour savoir si les alphabets géorgiens sont issus de l’écriture grecque ou perse. Pour le khutuzuri, Février estime que son inventeur s’est inspiré des deux écritures. La forme des lettres, leur ordre, voire leur nom font pencher vers la thèse perse, mais la présence des trois lettres grecques déjà mentionnées dans l’alphabet arménien ainsi que celle des cinq voyelles du grec font pencher vers la thèse héllénistique.
Alphabet géorgien
AU-DELA DES POLEMIQUES DE SPECIALISTES, un fait demeure: malgré le faible nombre de personnes qui les utilisent, et malgré 50 ans de russification forcée à l’époque soviétique, les alphabets arméniens et géorgiens survivent, parfois même au delà de leur Caucase originel, diasporas obligent.
Ces écritures font partie intégrantes du patrimoine culturel de ces peuples caucasiens qui n’y renonceraient pour rien au monde.
Tomar Grigorieann havitenakan
Rome: D. Basa, 1584
a | Alef | d | Dad | ||
b | Ba' | t | Tah | ||
t | Ta' | z | Zah | ||
th | Tha' | ' | 'Ayn | ||
j | Jim | gh | Ghayn | ||
h | Hha' | f | Fa | ||
kh | Kha' | q | Qaf | ||
d | Dal | k | Kaf | ||
d | Thal | l | Lam | ||
r | Ra | m | Mim | ||
z | Zayn | n | Nun | ||
s | Sin | h | Ha | ||
sh | Shin | w | Waw | ||
s | Sad | y | Ya | ||
, | Ham- zah |
Ecriture et éternité
La pierre de Rosette
TOUT A COMMENCE en ce mois de juillet 1799, quand l’officier français Pierre Bouchard appartenant à l’expédition que Bonaparte mène en Egypte, exhume au pied du fort Rashîd, sur la côte méditerranéenne, une stèle de basalte noire. Sans le savoir, il vient de mettre la main sur un décret datant de Ptolémée V (ca 196 av J-C) retranscrit en trois écritures, grecque, démotique et hiéroglyphique: la Pierre de Rosette.
Le moine bénédictin Dom Bernard de Montfaucon l’avait écrit: on ne pourrait déchiffrer l’égyptien ancien, langue restée jusque là hermétique aux savants européens, qu’en disposant d’“inscriptions d’anciens Égyptiens répétées ensuite en Grec”. De la rencontre de ce document et d’un jeune homme à l’intuition géniale, Jean-François Champollion va naître l’égyptologie.
La pierre de Rosette
La piste copte
JEAN-FRANCOIS, dans sa prime jeunesse, va se révéler être un élève particulièrement doué pour les langues orientales. Cornaqué par son frère aîné, Jacques Joseph, il va étudier à Figeac puis à Grenoble, le latin, le grec, l’hébreu mais aussi l’arabe, le syriaque et l’araméen. Son intelligence des langues le conduit très tôt à comprendre la parenté qui existe entre les grandes langues sémitiques. Lors de son premier séjour grenoblois (1801-1806), il fait la connaissance d’un moine syrien revenu d’Égypte avec l’armée française, dom Raphaël de Monachis, qui incite le jeune étudiant à s’attaquer à l’éthiopien et surtout au copte.
L’élève mettra un certain temps à redécouvrir ce que des érudits français avaient énoncé deux siècles plus tôt et que les Coptes eux-mêmes n’avaient cessé de clamer à savoir que leur langue n’est autre qu’une forme tardive de l’ancien égyptien. En 1807, Champollion alors âgé de 16 ans, présente un mémoire à l’Académie de Grenoble, dans laquelle il défend cette thèse. Sa passion pour l’Égypte ne fait que grandir; il écrira cette même année: “Je veux faire de cette antique nation une étude approfondie et continuelle (...) De tous les peuples que j’aime le mieux, je vous avouerai qu’aucun ne balance les Égyptiens dans mon cœur.”
Papyrus Copte
Peu de temps après, Champollion part pour la capitale, fréquenter les cours d’arabe, de persan, d’hébreu, de syriaque, d’araméen et même de chinois, dispensé par les savants professeurs de l’École spéciale des langues orientales, fondée en 1795. Champollion continue toutefois d’approfondir son hypothèse copte, une langue, écrit-il à son frère, qu’il ne fait pas que parler, mais dans laquelle il rêve ou traduit tout ce qui lui passe par la tête: “Je travaille. Et je me livre entièrement au copte. Je veux savoir l’égyptien comme mon français parce que sur cette langue sera basé mon grand travail sur les papyrus égyptiens.”
Confronté au manque de matériaux sur le copte, il va composer ses propres outils: deux grammaire, l’une du saïdique, l’autre du bohaïrique (deux dialectes coptes), ainsi qu’un dictionnaire. Dans le processus de la découverte, l’établissement de ce dictionnaire copte va constituer une étape clé.
Jacques-Joseph Champollion
dit Champollion-Figeac,
le mentor de Jean-François
Champollion s’attaque aux hiéroglyphes
LES PREMIERS TRAVAUX PUBLICS de Champollion datent de 1810. De retour à Grenoble où il vient d'être nommé professeur d'histoire, il livre à l'Académie de cette ville, ses premières conclusions sur la nature des écritures des anciens Égyptiens: la première communication réaffirme l'origine commune des trois principaux types d'écriture utilisés par les Égyptiens, hiéroglyphique, hiératique et démotique, la seconde traite du sens des signes hiéroglyphiques. Ces derniers, empruntés à l'univers réel ont longtemps fait croire qu'il ne pouvait s'agir que de symboles ou d'idéogrammes. Champollion défend également l'idée selon laquelle ils doivent aussi transcrire des sons, puisqu'ils servent à écrire des noms de personnes.
Champollion ne fut pas le premier à défendre cette thèse: en 1761, l'abbé Barthélémy avait émis l'hypothèse selon laquelle les cartouches enfermeraient des noms royaux. Dans la même veine, le diplomate suédois Åkerblad avait à partir de la pierre de Rosette réussi à identifier tous les noms propres.
Les recherches de Jean-François sont brutalement ralenties par la chute de l'Empire. Bonapartistes, les frères Champollion doivent s'exiler à Figeac, loin des précieuses bibliothèques. Et cela tombe très mal, car en Angleterre, un jeune médecin-physicien, Thomas Young s'est engagé dans la course aux hiéroglyphes et s'affirme comme un prétendant sérieux au déchiffrement. Comme Champollion, Young a compris l'identité du copte et de l'égyptien. Il a identifié sur la pierre de Rosette le nom de 'Ptolémée', le déterminatif qui indique la désinence du féminin ainsi que quelques expressions. Plus important encore, il a le premier reconnu dans l'égyptien la coexistence de signes alphabétiques et non alphabétiques. Enfin, dès 1814, il a noté que certains signes démotiques dérivaient de signes hiéroglyphiques.
Extrait de l’article de Young dans lequel il pressent l’existence de hiéroglyphes phonétiques
Après quelques moments d'abattement, Champollion continue de progresser pas à pas. Il identifie des groupes, en général des épithètes, dont , "dieu parfait" qu'il traduit par référence à la version grecque. Il sait également comment les Égyptiens évoquent l'idée du pluriel
Il se heurte par ailleurs à des obstacles de taille. Tout d'abord, les copies de hiéroglyphes dont il dispose ne sont pas toujours très fiable. Or il opère par comparaison de segments de phrase ce qui le mène souvent au contre-sens: il traduit ainsi l'expression, , "remplissant tous les deux jours les fonctions de Ptérophore du dieu", alors que la séquence véritable, , ne signifie que "(Ramsès) em-per-Rê justifié de voix". Ensuite, Champollion persiste à essayer de démontrer la nature fondamentalement idéographique des hiéroglyphes en essayant d'associer à chaque signe une valeur sémantique ce qui l'amène à des conclusions douteuses: ainsi dans le groupe qui désigne le nom d'Osiris (Ousir), il voit comme une prière signifiant: (regarde-moi favorablement ô puissant dieu)!
Champollion devant l’Académie
LE 27 AOUT 1821, il présente à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de Paris, ses premiers résultats, affirmant notamment que l'écriture démotique n'est qu'un dérivé du hiératique, lui même une version cursives des hiéroglyphes. Puis il dresse un tableau de correspondance entre les signes hiératiques et les signes hiéroglyphiques dont ils procèdent.
Un peu plus d'un an plus tard, le 27 septembre 1822, Champollion est invité par l'Académie à présenter des résultats qui vont révolutionner l'égyptologie. Il est parti des travaux de Young qui avait proposé une transposition du cartouche de Ptolémée, selon toutefois un découpage très aléatoire. Champollion émet lui l'hypothèse que comme pour certaines autres langues de la région, seule les voyelles sonores sont retranscrites à l'aide de semi-voyelles; ainsi "Ptolemaios" en grec, devenait en égyptien "Ptolmys":
Traduction des cartouches
de Ptolémée et de Cléopatre
En traduisant le nom de Cléopatre en "Kleopatrà", il valide son hypothèse et peut présenter la valeur alphabétique de onze signes dont quatre semi-voyelles. Il montre également qu'en certains cas pour un même son, il peut exister plusieurs signes; ainsi le 'L' peut être transcrit par un lion ou une bouche . Pour renforcer cette thèse alphabétique, il avance également le fait que sur la pierre de Rosette, 486 mots grecs sont retranscrits en 1419 hiéroglyphes. Cet écart indique à l'évidence que les hiéroglyphes ne peuvent transcrire des mots. Et c'est à partir de ses conclusions partielles que Champollion expose sa thèse: il existe une différence de nature entre la langue égyptienne proprement dite et son usage pour transcrire approximativement des sons: l'écriture hiéroglyphique est à la fois idéographique et alphabétique. Pour rédiger sa communication qu'il dédie au secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Bon-Joseph Dacier, Champollion se fait aider par son frère. Celle-ci est un succès.
Lettre à M. Dacier
L’aventure continue
POURTANT ON EST ENCORE LOIN d'avoir appréhendé toute la richesse de l'écriture des anciens Égyptiens. Déjà, Champollion n'a pas révélé certains de ses résultats qui le laissent encore perplexe car ne permettent pas de trancher nettement quant à la nature idéographique ou alphabétique des hiéroglyphes. Un cartouche recopié par l'architecte Jean-Nicolas Huyot à Abou-Simbel, lui donne du fil à retordre et met sa logique à rude épreuve. Graphié , il n'est pas difficile d'en traduire les deux derniers signes car on les retrouve dans le cartouche de Ptolémée: ce sont des 'S'. Le premier signe, un cercle pointé, semble quant à lui représenter le soleil. Or Champollion sait, d'après le copte, que le soleil se lit "Rê". Reste le signe central. Il figure sur la pierre de Rosette dans une expression traduite en grec par "anniversaire". Champollion le rapproche donc du copte "hou-mice" qui signifie "jour de naissance" et en déduit que ce signe correspond au mot copte "micé", qui se traduit par "mettre au monde". Dès lors, il est en mesure de traduire un des noms les plus célèbres de l'histoire: Râ-mes-es-es, Ramsès, qu'il peut traduire par "Rê l'a mis au monde". Sur le même principe, il transcrira le cartouche de Thoutmôsis, , car il ne diffère de celui de Ramsès que par le premier signe: au lieu du dieu Rê, nous trouvons le dieu Thot (un ibis)!
En 1823, Champollion présente à l'institut plusieurs communications sur le système hiéroglyphique. La même année, il publie son Panthéon égyptien, qui connait un vif succès. Un an plus tard, paraît le Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens dans lequel il compile l'ensemble de ses recherches sur les noms de dieux et rois égyptiens et il expose l'organisation d'ensemble de l'écriture en signes phonétiques et idéographiques. Les premiers comportent une, deux ou trois consonnes, le groupe des unilitères (25 signes) formant le premier véritable alphabet de l'humanité. Les seconds se répartissant en idéogrammes qui désignent directement l'objet et en déterminatifs qui permettent de distinguer des mots formés de consonnes apparemment homophones.
Alphabet hiéroglyphique
Et s’achève prématurément
Champollion l'égyptien
DE 1824 A 1825, Champollion se rend à Turin pour étudier la collection d’antiquités égyptiennes qu’a acquis le souverain de Piémont-Sardaigne. C’est l’éblouissement. Champollion découvre là les fragments du papyrus royal de Turin, vestige de l’époque de Ramsès II. Il rétablit datations et dynasties, fait œuvre d’historien.
Nommé le 14 mai 1826, directeur de la section égyptienne du musée Charles X du Louvre, pour qui il étudie et classe les collections raportées par l’expédition de Bonaparte, Champollion ne rêve toutefois que d’Égypte. Le 18 août 1828, il réalise son souhait le plus cher et débarque au pays des pharaons dans le cadre d’une mission franco-italienne. Il exulte et clame aux “Lilliputiens” européens que “L’imagination qui, en Europe, s’élance bien au-dessus de nos portiques, s’arrête et tombe impuissante au pied des cent quarante colonnes de la salle hypostyle de Karnak.”
Il ne reviendra en France que dix-sept mois plus tard, chargé d’une masse de notes, traductions de textes, étymologies, récits historiques, appréciations botaniques... l’égyptologie vient de naître. Mais son créateur ne sera pas là pour en voir les premiers pas. Il s’éteint le 4 mars 1832. Les Monuments d’Égypte et de Nubie, sa Grammaire égyptienne et son Dictionnaire égyptien ne seront publiés qu’après sa mort sous la supervision de son frère.
Notes de travail de Champollion qui serviront de matière première aux ouvrages posthumes que fera paraitre son frère
Histoire de l’ancêtre de notre alphabet latin: l’alphabet grec.
Alphabet
L’ALPHABET GREC EST LE PERE de nos alphabets occidentaux : tous les alphabets en usage en Europe lui sont apparentés. Les Grecs, même s’ils n’ont pas à proprement parler inventé l’alphabet, ont donc joué un rôle capital dans le développement de la civilisation occidentale.
Le terme même d’ «alphabet» est issu de la combinaison du nom des premières lettres de cet ensemble de lettres qui servit à transcrire la langue grecque: alpha et beta. Le terme d’alphabetos n’est apparut que tardivement dans la langue grecque, après que le bas latin eut bricolé ce terme barbare. Les Grecs utilisaient pour désigner leurs lettres l’expression ta grammata.
L’écriture a d’abord été en Grèce, le fait des commerçants et des prêtres. Les premiers écrits en vers furent des chants religieux et des formules magiques, et les premiers écrits en prose, des contrats de prêt. Mais elle a également permis la fixation des textes littéraires les plus parfaits, qu’il s’agisse de «la grande houle» des vers d’Homère ou du flot paisible de la prose de Platon.
Son histoire n’est toutefois pas linéaire. L’alphabet grec tel que nous le connaissons aujourd’hui, est en effet le fruit d’une longue maturation qui a duré près de cinq siècles.
Du phénicien au grec
A LANGUE d’Homère, de Platon, de Sophocle a été couchée par écrit non par le biais d’une invention grecque, mais par l’adaptation d’un système alphabétique né ailleurs sur les côtes méditerranéennes.
Les écritures grecques archaïques
Ce qui semble bien être le plus ancien exemple d’écriture en Grèce est constitué par des pictogrammes retrouvés en Crète et encore indéchiffrés. Il semble que cette écriture pictographique soit à l’origine d’un autre système d’écriture apparu en Crète au début du minoen moyen (entre approximativement 1750 et 1650 av. J-C), cette écriture n’a pas encore été déchiffrée, et l’on ignore même si la langue mise par écrit était un dialecte grec. Cette écriture cursive, dont la graphie repose essentiellement sur la composition de lignes, a été baptisé par l’archéologue Evans, Linéaire A. Elle a été employée sur tout le domaine de la mer Égée, Troie incluse, de 1700 à 1400. Elle utilise 76 signes syllabiques dont 6 différent du Linéaire B, de signes idéogrammiques et numériques, dont des fractions.
Un peu plus tardivement (entre 1680 et 1580 env.), une nouvelle écriture se répand, le Linéaire B. Cette écriture cursive, utilisant 158 idéogrammes, 87 signes syllabiques, 11 signes de poids et de mesure, 5 signes numériques, fut déchiffrée par des Britanniques, Ventris et Chadwick en 1952, grâce aux techniques employées par l’Intelligence Service au cours de la Seconde Guerre mondiale pour décoder les messages de l’armée allemande. Il s’agit d’une écriture à la fois syllabique et idéographique. Cette écriture note une langue grecque mais ne survécut pas au déclin de la civilisation minoenne et aux invasions de la Crète et cessa donc d’être utilisée vers 1100.
Linéaire B
Tablette de Knossos
XVIIème siècle av. J-C.
L’île de Chypre connut également un système d’écriture, un syllabaire en usage jusque la période hellénistique (IIème siècle).
L’alphabet, une invention phénicienne
C’est donc plutôt du côté du Levant qu’il faut chercher l’origine de l’alphabet grec. L’ancien alphabet sémitique est d’abord un emprunt à la civilisation égyptienne. Le principe de fonctionnement de cette écriture pseudo-hiéroglyphique protocananéenne était celui de l’acrophonie: Chaque pictogramme symbolisait le tout premier son du mot sémitique représenté. Le signe de la maison, baytu représentait la « lettre » ‘B’. Or, dans toute langue sémitique, un mot ne peut commencer que par une consonne; un alphabet acrophonique ne peut donc qu’être consonnantique.
L’influence égyptienne n’est pas l’unique influence à laquelle le pays de Canaan était alors soumis. Le puissant royaume d’Akkadie s’étendait alors et sa civilisation se répandait avec au premier chef sa langue et son système d’écriture, le cunéiforme. Cette écriture a pour caractéristique d’être profondément liée à son support et à l’outil qui en assure la gravure. Sur des tablettes d’argile, de la pierre, une sorte de petit burin permettait de graver de petites encoches, des coins. Le système d’alphabet hiéroglyphique des Canaanéens fut transposé sur ces supports par ce type d’outils aux alentours du XIVème siècle avant J-C. Les principales traces de cette transposition sont celles laissées à Ugarit, l’actuel Ras Shamra, dont le fameux abécédaire à 30 signes cunéiformes est l’exemple le plus frappant.
Le cunéiforme disparu, l’alphabet linéaire poursuivit son évolution. Avant la fin du XIIème siècle avant J-C, l’alphabet classique de 22 lettres arrivait à maturité après un millénaire d’évolution depuis l’invention des hiéroglyphes. La graphie des lettres se stabilisait de même que le sens de la lecture qui se faisait désormais de droite à gauche. L’alphabet phénicien découpait la syllabe en unités simples, les consonnes, et négligeait les voyelles qui servaient à les prononcer. L’acquis décisif demeurait: l’utilisation d’un ensemble réduit de signes graphiques pour symboliser la langue articulée.
Inscription pseudohiéroglyphique
Spatule d'Asdrubal
XIVème siècle av. J-C
La problématique grecque
La langue grecque, qui appartient au groupe indo-européen comme le persan, le sanscrit et la plupart des langues européennes, offrait des particularités qui en rendaient la notation difficile, que ce fût par l’écriture syllabique crétoise ou par l’écriture alphabétique consonnantique phénicienne. En effet, la difficulté inhérente à toute écriture syllabique est de rendre la consonne isolée, non suivie d’une voyelle. Or les groupes de deux ou trois consonnes sont monnaie courante en grec.
D’autre part, un texte grec dont les voyelles ne sont pas notées est complètement inintelligible. Enfin le système des consonnes grecs semble avoir différé profondément aussi bien de celui de l’égéen, qui ne paraît pas avoir distingué les occlusives sonores des sourdes, que de celui du phénicien, qui ignorait les aspirées grecques, mais possédait en revanche plusieurs gutturales inconnues du grec et était plus riche que lui en chuintantes et en sifflantes.
L’élaboration des alphabets grecs
LE PROCESSUS D’ELABORATION de l’alphabet grec tel que nous le connaissons aujourd’hui, ne s’est pas fait du jour au lendemain. De plus, la structure politique éclatée de la Grèce antique, favorisait l’émergence de particularisme locaux forts. On distingue ainsi les alphabets archaïques, employés à Théra et à Mélos, les alphabets orientaux d’Asie Mineure, des îles orientales de la Mer Egée et du nord-est du Péloponèse (Argos, Corinthe, Mégare et leurs colonies) ainsi que ceux du nord-ouest de l’Egée et de l’Attique et les alphabets occidentaux, employés dans la plus grande partie de la Grèce continentale (Laconie, Arcadie, Béotie, Phocide, Thessalie, Eubée mais aussi dans les colonies de Sicile et d’Italie méridionale). Ces systèmes scripturaux servirent dans un premier temps à retranscrire les quatres principaux dialectes grecs: l’éolique, le dorique, l’ionique et l’attique.
Les mutations de l’alphabet phénicien
Pragmatiques, les Grecs vont transformer l’alphabet phénicien en l’adaptant à leur langue. Dans un premier temps, ils affectèrent à certaines consonnes phéniciennes, des valeurs à peu près similaires dans leur langue. Ainsi, le signe du samek phénicien fut affecté à la consonne grecque de prononciation voisine ‘s’. Après de nombreuses modifications d’orientation, ce caractère se stabilisa sous la forme du sigma, ‘S’, tandis que le têt fut affecté à la notation du son th sous la forme du ‘Q’ et que le qof, q, servit à noter le k et reçut le nom de koppa (‘K’). Le zain sémitique, servit à noter le son grec dz sous la forme ‘Z’.
Mais l’invention la plus significative des Grecs constituera à attribuer à certaines lettres phéniciennes dont ils n’avaient pas l’usage la valeur de voyelles. C’est ainsi que naquirent le alpha (‘A’), l’epsilon (‘E’), l’omicron (‘O’) et l’upsilon (‘Y’). Pour la sonorité i, ils inventèrent ex nihilo une lettre, le iota. Cette «lumière des voyelles» pour reprendre l’expression d’Etiemble, c’est l’apport décisif que vont faire les Grecs à l’histoire de notre civilisation.
Le problème pour les Grecs n’était pas seulement de trouver un emploi pour les lettres sémitiques qui ne correspondaient pas à des consonnes de leur langue mais également d’arriver à noter tous les sons de cette dernière. C’est ainsi que le son ph, fut d’abord noté ‘PH’ avant de se stabiliser sous la forme ‘F’. Le son kh fut attribué à l’ancien taw sémitique, ‘C’, resté sans emploi en grec. Le groupe consonnantique ps, fut d’abord noté ‘PS’, mais les Ioniens recoururent rapidement au signe ‘Y’ pour le représenter.
Ainsi, progressivement, son par son, signe par signe, s’élabora l’alphabet grec avec des différences notables selon les régions, mais suivant toujours le même processus: celui de l’adaptation du vieil alphabet sémitique à la langue grecque. Ceci explique d’ailleurs que les Grecs aient dans l’ensemble hérité des Phéniciens à la fois l’ordre dans lequel sont rangées les lettres et les noms de ces lettres. L’alpha rappelle indubitablement l’aleph phénicien, le bêta, le beth phénicien, etc.
Du protosinaïtique au grec...
Une longue évolution
Au début les mots étaient écrits sans séparation; plus tard on les sépara les uns des autres. Dans le même ordre d’idée, les accents sont apparus progressivement dans l’alphabet grec. La langue grecque avait en effet cette particularité de posséder un accent musical qui se traduisait dans chaque mot par un changement de hauteur portant sur une des syllabes de ce mot. L’alphabet que les Grecs avaient hérité des Phéniciens ne tenant pas compte de telles nuances, les grammairiens alexandrin Aristophane de Byzance (ca -240) et son disciple Aristarque de Samothrace inventèrent les trois accents de l’écriture grecque: aigu, grave et circonflexe.
Jusqu’au VIème siècle, l’écriture grecque n’était pas encore stabilisée. Chaque cité grecque archaïque, traditionnellement jalouse de son indépendance, imposaient des graphies très différentes aux lettres. Ainsi, aux côtés de l’alphabet grec ionien, coexistaient différentes variantes de cet alphabet employés en Asie Mineure pour noter le grec et des dialectes locaux. Pour mémoire, il est possible ainsi de mentionner l’existence des alphabets phrygien, pamphylien, carien, lydien et lycien.
De même le sens de lecture n’était pas encore définitivement fixé. On pratique ainsi le spéirédon (lecture en spirale), le stoïchédon (alignement horizontal et vertical des lettres) et le boustrophédon. Dans ce dernier système, le sens de lecture progressait à l’horizontale, alternativement dans un sens et dans le sens opposé, à la manière des bœufs au labour, revenant sur leurs pas à la fin de chaque sillon (bous: bœufs; strephein: tourner). Le boustrophédon constitue peut-être l’intermédiaire entre le sens phénicien, de droite à gauche, que les Grecs adoptèrent dans un premier temps et le sens ionien de gauche à droite.
Inscription en boustrophédon
Stèle, Théssalie, ca 550 av JC.
Stabilisation de l’écriture grecque
L’année -403 marque un tournant décisif dans l’histoire de l’alphabet grec. En effet, sous l’archontat d’Euclide, Archinos fait adopter à Athènes une disposition stipulant que les textes des lois, consignés jusqu’alors dans l’alphabet local, seront réédités dans l’alphabet de Milet dit ionien, qui donnait sa préférence au sens gauche-droite. Les autres villes grecques, suivirent progressivement cet exemple, reconnaissant officiellement la supériorité de cet alphabet. Au IVème siècle, l’unification des alphabets grecs était à peu près réalisée. C’est un fait important dans l’histoire de la civilisation, car l’adoption de ce même type d’écriture coïncide approximativement avec la création d’une langue grecque commune, koiné dialektos, qui fut employé par tous les Héllènes ayant quelque culture, processus déterminant dans l’établissement du sentiment national grec.