POLITIQUE
Depuis la nomination de Gérald Darmanin à l’Intérieur, pas un jour ne passe sans une polémique à déminer. Du procès en illégitimité sur fond d’accusations qui ne faiblit pas, aux petites phrases qui choquent jusque dans son propre camp, le successeur de Christophe Castaner se retrouve à intervalles réguliers au centre de l’actualité pour des raisons autres que sa seule action Place Beauvau.
Dernier épisode en date: l’expression “j’étouffe” pour balayer d’un revers de main la question des violences policières. Un vocabulaire pour le moins déplacé qui a choqué la famille de Cédric Chouviat, livreur mort par asphyxie à la suite d’un contrôle policier. Ces propos maladroits s’ajoutent à ceux tenus auprès du Figaro, dénonçant “l’ensauvagement d’une certaine partie la société”. Un terme prisé par l’extrême droite, et plus particulièrement par Marine Le Pen, qui a été contesté au sein même du gouvernement et dans la majorité.
En parallèle, Gérald Darmanin multiplie les déplacements sur le terrain pour mettre en scène son volontarisme, s’exposant à des incidents, comme à Nantes, où le ministre a été accueilli par des “sale violeur” lancés par des féministes en colère. Une façon de saturer l’espace médiatique qui n’est pas sans rappeler son ancien mentor Nicolas Sarkozy et qui commence à irriter au sein du groupe LREM à l’Assemblée nationale.
“Il fait de l’affichage grotesque. On n’a pas besoin de faire de l’agit-prop pour être dans l’efficacité. Toutes ses provocations sont pour lui un moyen d’exister et de faire oublier sa propre affaire”, tacle un député LREM venant de la gauche, accusant l’ex-maire de Tourcoing de “surjouer le rôle du sarkozyste”. Et d’ajouter, rieur: “Castaner était moqué pour ses bourdes, mais au final il galère autant, voire plus. Il doit bien se marrer maintenant Casta au bord de sa piscine”.
Alors que les critiques s’accumulent, d’autres préfèrent relativiser les conséquences de ces polémiques estivales. “Je suis assez halluciné du temps qu’on passe à parler de ces choses là”, grince Gaël Le Bohec, député LREM d’Ille-et-Vilaine. “On commente ses mots alors qu’il vient d’arriver et que ses grandes orientations n’ont pas encore eu lieu. Je ne pense pas que le principal souci des Français soit ce qu’a dit le ministre de l’Intérieur”, veut croire l’élu.
Pourtant, c’est bien Gérald Darmanin qui, en multipliant les sorties de route et les déplacements, s’expose à la polémique. “Il en fait trop, il a franchi le cap de ce qu’il est raisonnable de faire: trop s’exprimer, trop cliver, trop provoquer, être trop visible... Quand il dit ‘je m’étouffe’, personne ne peut croire qu’il ne sait pas très bien l’effet que ça va produire. Donc on voit là un emballement de sa communication hyperactive”, analyse Bruno Cautrès, politologue et professeur à Sciences Po.
L’opposition de droite, pourtant peu économe en matière de communication musclée, pense la même chose. “Si on ne veut pas mettre le feu à la société lorsqu’on est ministre de l’Intérieur, on pèse ses mots ou on se tait”, a fustigé sur franceinfo Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains.
N’est pas Sarko qui veut
Alors que Christophe Castaner était accusé d’avoir toujours un train de retard et d’enchaîner les gaffes façon “Rantanplan”, Gérald Darmanin veut marquer une rupture nette avec son prédécesseur en surjouant la présence auprès des policiers. Comme lorsqu’il s’est rendu à Nice après une fusillade, où il a dénoncé “une minorité d’emmerdeurs qu’il faut absolument confondre par la loi”. Ce qui, une fois encore, n’est pas sans rappeler les sorties de Nicolas Sarkozy du temps où il s’en prenait à la “racaille” durant son passage à Beauvau.
Mais pour le politologue Bruno Cautrès, le rythme effréné adopté par le ministre de l’Intérieur, qui a décidé de ne pas prendre de vacances cet été, est tout simplement “intenable sur la longueur” tant les risques de dérapages sont élevés. Ce qui, selon toute logique, devrait l’encourager à lever le pied et se faire plus discret dans les semaines à venir. D’autant que cette stratégie de l’hyperactivité n’est peut être pas la plus pertinente pour l’exécutif.
“S’il s’agit montrer aux Français qu’il y a enfin un vrai boss à l’Intérieur, c’est contre-productif. Parce que ça sous-entend que son prédécesseur était mauvais, et donc que Macron avait fait une erreur en le nommant. En cela, cette communication provocante est absurde et paradoxale”, poursuit Bruno Cautrès, qui pointe les limites du mimétisme.
“Si l’objectif c’est tuer le match de 2022 à droite, en montrant les muscles sur la sécurité, pourquoi pas. Mais dans le cœur de l’électorat de droite, on ne remplace pas Sarkozy comme ça, prévient Bruno Cautrès. D’ailleurs, ça rate très souvent l’imitation en politique”.
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