Coronavirus : soixante-dix hôpitaux supplémentaires vont être « activés » en France L’objectif de cette mesure est de disposer d’un établissement susceptible de prendre en charge les malades par département en métropole, a expliqué le ministre de la santé.
Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 21h26, mis à jour à 21h31
Quelque 70 hôpitaux supplémentaires vont être « activés » pour faire face à une éventuelle propagation en France du coronavirus. L’objectif : avoir au moins un établissement par département en métropole, a annoncé dans la soirée du dimanche 23 février le ministre de la santé Olivier Véran, lors d’un point presse après une réunion d’urgence de ministres autour d’Edouard Philippe à Matignon.
« Pour accueillir les éventuels malades nous disposions jusqu’à présent de 38 établissements de santé essentiellement les CHU. J’ai décidé en accord avec le premier ministre que 70 établissements siège d’un SAMU seront activés dès demain pour augmenter nos capacités de réponse si c’était nécessaire. »
« Nous agissons vite, nous agissons fort pour faire face à la menace épidémique (…) et nous prenons toutes les mesures qui sont nécessaires pour assurer la sécurité des Français », a-t-il insisté, en soulignant la « situation très évolutive » de l’épidémie avec l’apparition de nouveaux foyers d’infection hors de Chine, et notamment en Italie voisine.
M. Véran a précisé s’être entretenu avec ses homologues italien et allemand. « Nous avons convenu d’un prochain entretien réunissant plusieurs ministres de la santé de l’Union européenne probablement la semaine prochaine pour aborder ensemble comment faire face au risque épidémique », a ajouté le ministre.
« Nous sommes capables d’enrayer le risque épidémique »
Interrogé un peu plus tard au journal de 20 heures de France 2, il a estimé qu’une fermeture de la frontière avec l’Italie « n’aurait pas de sens ». « Un virus ne s’arrête pas aux frontières », a fait valoir le ministre. Il a aussi souligné qu’il « n’y a pas à proprement parler d’épidémie » de l’autre côté des Alpes, les autorités ayant justement pris des mesures de confinement « pour éviter » ce risque. « Nous regardons ça avec énormément d’attention et de précautions, nous sommes en train de regarder l’évolution de la situation heure par heure », a-t-il insisté.
Sur l’éventualité de mesures particulières, confinement notamment, en France Olivier Véran a relevé qu’il y en avait « déjà eu une traduction concrète il y a quinze jours aux Contamines-Montjoie en Haute-Savoie », lorsqu’un ressortissant britannique contaminé rentrant de Singapour avait infecté plusieurs personnes lors d’un séjour au ski.
« Nous avons dû fermer des écoles, nous avons dû réaliser des centaines de tests diagnostics chez des enfants, chez des adultes, nous avons pu isoler toutes les personnes qui étaient malades, les soigner et elles ont toutes quitté l’hôpital guéries et non contagieuses. C’est ainsi que nous sommes capables d’enrayer le risque épidémique. »
Par ailleurs, la France va renforcer ses « capacités de diagnostic » du covid-19, apparu fin décembre en Chine, en multipliant les moyens de dépistage et également commander « en quantité » des masques de protection.
Le ministre a souligné que la situation épidémique n’avait pas évolué en France, où une seule personne reste hospitalisée, alors qu’un touriste chinois est mort à Paris et que dix autres patients sont guéris.
Visite de Macron au Salon de l'Agriculture : "Je dis aux agriculteurs : ne sabotez pas votre salon", implore Didier Guillaume
INTERVIEW - Invité ce vendredi matin de l'interview politique d'Elizabeth Martichoux sur LCI, le ministre de l'Agriculture a évoqué le Salon de l'Agriculture qui s'ouvre ce week-end, dans un contexte compliqué pour le monde agricole.
21 févr. 09:58 - La rédaction de LCI
"Je leur dit : ne sabotez pas votre salon, qui est votre plus belle vitrine de l’année." A la veille de l'ouverture du Salon de l'Agriculture, que doit inaugurer Emmanuel Macron, Didier Guillaume a joué la carte de l'apaisement. Ce vendredi sur LCI, le ministre de l'Agriculture a estimé qu'il était "urgent de faire baisser la tension". Invité d'Elizabeth Martichoux, Didier Guillaume a également été interrogé sur les nombreux sujets qui fâchent. Parmi eux : la Politique agricole commune (PAC), mais aussi l'épineuse question du glyphosate.
La visite du président de la République prévue samedi peut-elle être perturbée ? "On a rarement vu des organisateurs de salon perturber leur propre salon", a estimé le ministre. Restera-t-il 14 heures comme l'an dernier ? "Je crois que l'heure n'est pas à la durée mais à la qualité du message qu'Emmanuel Macron passera", affirme Didier Guillaume.
Celui-ci est par ailleurs revenu sur l'interview accordée par Emmanuel Macron dans plusieurs journaux de la PQR (Ouest France, La Voix du Nord, le groupe EBRA...). "Il y a urgence à faire baisser la tension, à parler, évoquer des sujets. Emmanuel Macron a reçu toutes les organisations agricoles. Il aime les agriculteurs, l’agriculture."
Interrogé sur le glyphosate, dont l'interdiction en 2021 inquiète le monde agricole, Didier Guillaume a rappelé que cette promesse n'est "pas tenable" à cette échéance, comme l'a fait le Président dans son interview à la presse quotidienne régionale. Le ministre a rappelé que le gouvernement a saisi l’Anses et l’Inra pour identifier les alternatives viables et pour organiser une sortie du glyphosate sur des bases objectives.
Autre sujet : la PAC, dont le montant global est actuellement discuté à Bruxelles, et fait l'objet d'un bras de fer entre Emmanuel Macron et certains pays. "C’est impossible que le budget reste au même niveau compte tenu du départ des britanniques, a estimé Didier Guillaume. Ce que nous souhaitons, c’est un budget de la PAC équivalent à une EU à 27, sans le Royaume-Uni. La proposition de Bruxelles, c’est 370 milliards. Là, Emmanuel Macron a déjà obtenu 375 milliards. Un niveau équivalent à ce que nous avons dépensé durant la précédente PAC. Mais nous voulons aller plus loin, car nous ne pouvons pas demander aux agriculteurs d’aller plus loin sans aides."
Vue aérienne de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, le 20 février. SEBASTIEN BOZON / AFP
Après des années de débats, le réacteur n° 1 de la centrale de Fessenheim va être définitivement mis à l’arrêt vendredi Le démantèlement de la plus vieille centrale nucléaire de France va être long : il doit se poursuivre au moins jusqu’en 2040.
Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 10h09, mis à jour à 14h21
Le réacteur n° 1 de la centrale de Fessenheim, plus ancienne centrale nucléaire française en activité, doit être définitivement mis à l’arrêt dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 février.
L’opération doit commencer à 20 h 30 ce vendredi et s’achever à 2 heures du matin samedi. Elle mettra un point final à des années de remous, de débats et de reports sur le sort de la centrale alsacienne, bâtie dans les années 1970, tout près de la frontière avec l’Allemagne.
« Une équipe de quart, composée de dix à quinze à personnes », doit lancer le processus d’arrêt du réacteur, a expliqué à l’Agence France-Presse une source syndicale au sein de la centrale. « Pour l’ensemble du personnel de quart, cette nuit d’arrêt du réacteur n° 1, réaliser les gestes pour le découpler définitivement sera quelque chose de très difficile à vivre. »
Mais certains salariés menacent de désobéir et de ne pas appliquer les procédures d’arrêt du réacteur à eau pressurisée de 900 mégawatts (MW). « Dire si réellement certains agents refuseront de le faire, c’est une initiative personnelle pour laquelle je ne peux pas me prononcer », explique la source syndicale. Un autre salarié estime « complètement impensable » que les procédures ne soient pas respectées. « C’est une question d’honneur. Le travail sera fait et bien fait. Tout le monde suivra les ordres. »
« Je compte sur le professionnalisme, l’engagement et le sérieux des salariés d’EDF » a déclaré de son côté la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, lors d’une conférence de presse à Colmar.
Le réacteur n° 2 arrêté le 30 juin
Si la procédure suit son cours normalement, la puissance du réacteur doit baisser progressivement et il sera déconnecté du réseau électrique national lorsqu’il sera descendu à 8 % de sa puissance habituelle.
La procédure est identique à celle d’une opération de maintenance classique. Mais, cette fois, aucune remise en service n’aura lieu. Le réacteur n° 2 doit, lui, être arrêté le 30 juin.
Un décret publié au Journal officiel mercredi « abroge l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim dont EDF est titulaire », inscrivant noir sur blanc le caractère définitif de cet arrêt.
L’évacuation du combustible de la centrale sera, selon le calendrier prévu, achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l’échelle d’une centrale entière qui devrait commencer à l’horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu’en 2040.
Pour Matignon, la fermeture de Fessenheim « constitue une première étape dans la stratégie énergétique de la France, qui vise un rééquilibrage progressif » entre les différents types d’énergies, avec une diminution progressive de la part du nucléaire – actuellement de 70 %, la plus importante au monde – et une augmentation de celle de l’électricité d’origine renouvelable.
Mais la polémique sur le bien-fondé de cette fermeture ne va pas cesser avec l’arrêt du réacteur n° 1.
Protestation des pro et des antinucléaires samedi
Samedi, les associations de défense de l’environnement, hostiles depuis des années à cette centrale, tiendront une conférence de presse à Colmar dans la matinée. Puis elles se rassembleront dans le centre de Strasbourg l’après-midi, rejointes notamment par l’association écologiste allemande Bund. Celle-ci a prévu de déboucher le sekt (vin mousseux allemand), mais pas avant l’arrêt du deuxième réacteur, le 30 juin. « L’arrêt de cette centrale moribonde est un motif de célébration transfrontalière, mais pas un motif de triomphe », le combustible radioactif restant présent encore plusieurs années, a-t-elle commenté.
A l’inverse, le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger a demandé aux salariés « pardon pour ce choix irresponsable dont vous êtes les premières victimes ». Quant à la ministre de la transition écologique Elisabeth Borne, qui se rend vendredi dans le Haut-Rhin, elle a assuré qu’il n’y aurait « aucune perte d’emploi ».
Samedi matin, pourtant, les élus locaux iront brandir une banderole au pied de la centrale, réclamant que l’Etat n’abandonne pas ce territoire abreuvé depuis quarante ans par les taxes versées par EDF. Ils redoutent que des centaines de familles dotées de revenus confortables ne le quittent.
Les élus seront suivis dans l’après-midi par des associations pronucléaires qui veulent « protester contre cet acte de vandalisme climatique et environnemental ».
Douze réacteurs supplémentaires, sur les 58 que compte la France, doivent être arrêtés d’ici 2035, sans toutefois conduire à des fermetures complètes de centrales comme à Fessenheim.
Dans la petite commune de moins de 2 500 habitants, l’éclairage public sera éteint toute la nuit de vendredi à samedi. Une « plongée dans le noir » qui symbolisera un territoire « qui n’a pas beaucoup de lueurs d’espoir », a expliqué son maire, Claude Brender.
L’ancien ministre Michel Charasse est mort Ministre du budget sous la présidence de François Mitterrand, dont il était proche, le « Gaulois » socialiste aura marqué par son verbe haut et son goût pour la bataille. Il est mort le 21 février à l’âge de 78 ans.
Par Raphaëlle Bacqué Publié aujourd’hui à 10h45, mis à jour à 12h04
Des bretelles, un gros cigare, des « cons » et des « gueules d’empeigne » lâchés en veux-tu en voilà à la télévision. Et puis, une façon de rester ostensiblement à la porte des églises même lors des enterrements, comme seuls les vrais « bouffeurs de curés » peuvent oser le faire. Et encore, un regard goguenard derrière les lunettes demi-lunes. Voilà ce qui frappait d’abord les esprits, lorsque apparaissait Michel Charasse. L’ancien ministre et fidèle de François Mitterrand, qui vient de mourir, vendredi 21 février à l’âge de 78 ans, était un drôle de politique. Un genre de modèle en voie de disparition. Fort en gueule pour la galerie mais gardien de secrets d’Etat ou de confidences privées. Le « Pasqua des socialistes », disait-on parfois, en comparant ces deux figures hautes en couleur pourtant rompues aux subtilités du pouvoir.
Examinons d’abord les racines. Corse par sa mère, Auvergnat par son père, il naît le 8 juillet 1941 à Chamalières, ce petit coin du Puy-de-Dôme où eut lieu vingt siècles plus tôt la bataille de Gergovie, lors de laquelle Vercingétorix a repoussé victorieusement les légions romaines. « Le Gaulois », c’est d’ailleurs ainsi que Le Monde titre le grand portrait qu’il lui consacre en 1988 alors qu’il vient d’entrer pour la première fois au gouvernement. Et c’est vrai que Charasse a, des Gaulois tels qu’on se les imagine, le verbe haut, la truculence et un certain goût pour la bataille.
Il a d’ailleurs débuté très tôt dans la politique, dans le sillage des trois députés d’Auvergne, Joseph Planeix, Arsène Boulay et Fernand Sauzedde, dont il est l’attaché parlementaire dès sa licence en droit et son diplôme de Sciences Po en poche. Ces trois-là sont des bons vivants qui aiment la chasse et la pêche et font téter au jeune homme le lait socialiste et radical qui fera de lui un Républicain et un laïc grand teint. Ils n’ont pas grand mal à le former. Michel Charasse est, depuis l’enfance, du genre à blaguer en fond de classe tout en raflant les prix d’excellence.
Une courte aventure électorale corse
En découvrant sa gouaille, les Français ont souvent cru qu’il avait le naturel de ceux qui ont plus fréquenté les bistrots que les salons de la République, mais, en vérité, il n’a jamais fait que de la politique. Etudiant, il militait à l’UNEF, a adhéré à la SFIO au lendemain des accords d’Evian qui, en 1962, marquent l’indépendance de l’Algerie, et écrit bientôt les discours parlementaires de ses trois parrains d’Auvergne. En 1967, lorsqu’il s’est lancé pour la première fois dans une bataille électorale, il a pourtant choisi la Corse maternelle pour être candidat aux municipales, près de Corte.
Cette élection dit déjà beaucoup de lui. La liste « républicaine d’union » dans laquelle il figure va des socialistes aux gaullistes dissidents. Il n’a pas 26 ans mais mène campagne contre les faux électeurs, les arrangements, les fraudes, armé de son code électoral. Il faut croire qu’il a un certain talent puisque sa liste est élue, malgré les remous que suscite sa campagne. Une fois élu, cependant, plus personne n’ose vraiment appliquer son programme et il doit démissionner trois mois plus tard. Sans doute retiendra-t-il cette expérience lorsque, vingt-cinq ans plus tard, il reviendra comme ministre du budget enguirlander les inspecteurs des impôts d’Ajaccio « complices des terroristes et des truands » en ne luttant pas assez contre la fraude fiscale. Et lorsqu’il votera, en 2008, contre la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution.
L’aventure électorale corse s’arrête là, en tout cas. Retour à l’Auvergne dès l’année suivante, où il se présente aux législatives dans le Puy-de-Dôme en 1968, en vain, avant de devenir neuf ans plus tard maire de Puy-Guillaume et de ses 2 700 habitants. S’il n’est pas élu député, il se rend cependant presque chaque jour à l’Assemblée nationale, où le jeune attaché d’administration centrale est devenu secrétaire général du groupe socialiste, alors présidé par Gaston Defferre. C’est là qu’il va peu à peu se rapprocher de celui qui comptera vraiment dans sa vie personnelle et politique : François Mitterrand.
A la fin des années 1970, la gauche est en pleine ascension. De jeunes sabras, souvent énarques, sont arrivés par dizaines au Parti socialiste, aux côtés des syndicalistes, des enseignants, des avocats et des médecins. Avec sa façon de parler comme au bistrot et sa fine connaissance du droit, Charasse navigue sans trop de mal dans toutes les strates de la mitterrandie bientôt victorieuse.
Dans l’intimité de François Mitterrand
En 1981, le voici conseiller de Pierre Bérégovoy, tout juste nommé secrétaire général de l’Elysée par le nouveau président Mitterrand. Copain de l’acteur Jean Carmet et de Coluche, il est aussi devenu sénateur, en remplacement de Roger Quilliot, nommé ministre. Désormais, il est au cœur du pouvoir et, peu à peu, dans l’intimité de François Mitterrand. C’est au bord du lac Chauvet, dont Charasse est l’un des copropriétaires en Auvergne, que le chef de l’Etat vient chaque année passer la journée avec Anne Pingeot, la femme qu’il aime, pendant que Charasse et ses trois parrains d’Auvergne pêchent l’omble chevalier.
Bientôt, Mitterrand, sûr de sa fidélité et de sa discrétion, lui confie une mission de confiance : dès 1987, alors que la victoire de la droite aux législatives oblige le président de la République à cohabiter avec le gouvernement de Jacques Chirac, Charasse est chargé de trier dans les archives, classant ou détruisant dans sa broyeuse des milliers de papiers afin de conserver les secrets ou d’éliminer les médiocrités qui pourraient entacher la légende mitterrandienne.
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En 1988, Mitterrand, réélu, le nomme ministre délégué chargé du budget dans le gouvernement dirigé par Michel Rocard, qui n’a pas eu son mot à dire. Edith Cresson, à la tête du gouvernement suivant, se le voit imposer pareillement. Quelle formidable revanche, pour Charasse dont le père avait été employé puis cadre moyen dans l’usine de fabrication des billets de banque, en Auvergne !
C’est peu dire qu’il prend sa nouvelle fonction à cœur. C’est sous sa direction qu’est aussitôt rétabli l’impôt de solidarité sur la fortune, que le ministre de l’économie de droite, Edouard Balladur, avait supprimé. Il impose également que le Trésor public adresse directement aux contribuables des chèques les remboursant en cas de trop-perçu. Mais le nouveau ministre du budget suscite aussi rapidement la controverse, insinuant un peu trop souvent – contre les journalistes de TF1 trop critiques notamment – qu’il pourrait bien mettre son nez dans certaines déclarations d’impôts. Désormais, il planera systématiquement, autour de lui, le parfum du soupçon. On lui reproche de pouvoir d’un geste épargner un gros contribuable ou de déclencher contre un autre un contrôle fiscal dévastateur. Il dément mollement, préférant laisser planer ce doute qui renforce son pouvoir.
En 1992, Pierre Bérégovoy, devenu premier ministre, fait de lui un ministre du budget de plein exercice, mais le mitterrandisme amorce son déclin. L’année suivante, alors que les électeurs ont à nouveau imposé au chef de l’Etat une seconde cohabitation, Michel Charasse s’installe franchement à l’Elysée, dans un petit appartement de fonction à quelques mètres des appartements privés où François Mitterrand, malade, se repose de plus en plus souvent. Il s’agit désormais de préserver les derniers attributs du pouvoir présidentiel et parfois simplement les apparences. Le jour, Charasse reçoit dans sa salle à manger élus ou journalistes et livre un récit à sa façon où François Mitterrand tient sans faiblesse son rôle de chef d’Etat. La nuit, il n’est pas rare qu’il s’installe sur un lit de camp, au pied du lit présidentiel, soignant par sa verve les insomnies et les angoisses de mort d’un Mitterrand rongé par la progression de son cancer.
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Des années plus tard, Michel Charasse confiera au Monde comment le chef de l’Etat, craignant que les métastases cérébrales n’altèrent sa lucidité, lui avait fait promettre : « J’ai peu d’amis à qui je peux le demander mais, si je ne suis plus en état, je compte sur vous pour faire le nécessaire afin que je ne subisse pas cette avanie… » Le jour des obsèques de François Mitterrand, le 11 janvier 1996, la France entière peut voir l’anticlérical Charasse, resté à la porte de l’église de Jarnac tenant en laisse la chienne du défunt. Désormais, il sera, comme vice-président de l’Institut François-Mitterrand, une sorte de gardien du temple, défendant la mémoire du chef de l’Etat contre tout droit d’inventaire.
Proximité avec Nicolas Sarkozy
Est-il encore socialiste, lui qui préfère inviter en grande pompe dans sa mairie de Puy-Guillaume, le 27 avril 2007, juste entre les deux tours de la présidentielle, Nicolas Sarkozy, adversaire bientôt victorieux de la candidate officielle du PS, Ségolène Royal ? Dès l’année suivante, il est exclu du PS pour avoir soutenu un candidat dissident à la présidence du conseil général du Puy-de-Dôme. En vérité, cependant, il s’est depuis longtemps rapproché du nouveau pouvoir : ami du sarkozyste Brice Hortefeux, élu d’Auvergne comme lui, il entretient depuis quinze ans des relations suivies avec Nicolas Sarkozy lui-même, qui, en 1993, lui avait succédé au ministère du budget.
En 2010, lorsque ce dernier nomme Michel Charasse au Conseil constitutionnel, il ne s’agit plus vraiment d’une prise de guerre à la gauche. Depuis, Michel Charasse était un membre actif de l’institution de la rue de Montpensier, où il continuait à raconter avec sa verve de Gaulois les histoires d’un pouvoir peu à peu disparu.
Dès 2017, avide de toujours rester dans les cercles du pouvoir, Michel Charasse s’était rapproché d’Emmanuel Macron. Celui-ci, informé de sa maladie, avait alors décidé de lui rendre un dernier hommage. Alors que l’ancien grognard du mitterrandisme avait quitté le Conseil constitutionnel en mars 2019, le président de la République avait convié tous les amis de Charasse, Eddy Mitchell et les copains auvergnats, la famille de Coluche et les survivants de la nomenklatura socialiste. Et lui avait remis, le 27 janvier 2020, les insignes d’officier de la Légion d’honneur.
Michel Charasse en dates
8 juillet 1941 Naissance à Chamalières (Puy-de-Dôme)
1977-2010 Maire de Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme)
1988-1992 Ministre du budget
1981-1988 puis 1992-2010 Sénateur du Puy-de-Dôme
2010 Nommé au Conseil constitutionnel
21 février 2020 Mort à Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme)
Raphaëlle Bacqué