Publié à 20:10 par acoeuretacris
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Qu'est-ce que la richesse ?
Il en est pour qui une vieille chemise est déjà une fortune.
Un autre se trouve pauvre avec dix millions.
Au fond, il ne s'agit que d'une situation ...
Franz Kafka
Je vous dis à demain soir....
je serai absente pour la journée....
Hercule et Cerbère, Paul Manship, 1966.
Le douzième et dernier travail va mener Héraclès dans un Au-Delà beaucoup moins enchanteur que le jardin des Hespérides ; Eurysthée lui ordonne en effet de se rendre aux Enfers pour capturer Cerbère, le monstrueux chien de garde qui empêche à toute âme défunte de regagner le chemin de la vie. Et après bientôt douze années de souffrances, le roi de Mycènes s'engage à le libérer à l'issue de cette ultime épreuve mais il sait très bien qu'il est pratiquement impossible de sortir de l'Hadès. Cependant, cela n'inquiète guère le héros, il a déjà vaincu d'innombrables adversaires et il n'est pas question pour lui de fléchir avant sa totale expiation ; même si cette fois-ci, c'est à la mort qu'il devra se mesurer.
Hercule aux Enfers, huile sur toile, Zurbarán, 1637.
Pour atteindre l'Hadès, Héraclès sait qu'il doit se rendre dans l'une des nombreuses entrées, l'une d'elles est située au Cap Ténare (à l'extrême sud du Péloponnèse), dans une grotte qui s'ouvre sur le sanctuaire de Poséidon, tout près d'un temple du dieu ; mais bien vite, à peine franchis les remparts cyclopéens de Mycènes, il apprend de quelques prêtres que le passage vers le monde des morts ne peut se faire sans certains rituels préalables ; tout d'abord il doit être initié aux mystères célébrés à Eleusis, au nord-ouest d'Athènes, et pour cela deux conditions sont nécessaires : être adopté par un grec et se purifier du sang qu'il a versé, notamment lors du massacre des Centaures. Sans perdre plus de temps, le héros change de cap et s'oriente vers l'est ; il traverse l'isthme de Corinthe qui, tel un pont naturel, relie le Péloponnèse à l'Attique, et en quelques heures de marche il atteint la petite ville d'Eleusis, voisine d'Athènes de quelques kilomètres. C'est dans ce lieu sacré, tant vénéré par les grecs, qu'on célèbre les Eleusinies ou "mystères de Déméter" ; la déesse de la terre y possède d'ailleurs son plus grand temple. Comme leur nom l'indique, les mystères d'Eleusis consistent à pratiquer d'étranges rituels dont le secret est tellement bien gardé que les non-initiés n'ont jamais pu savoir exactement de quoi il en ressortait. Toujours est-il qu'Héraclès, bien décidé de clore ses travaux dans le délai le plus court, exige des prêtres assignés qu'ils l'initient à ces fameux mystères. L'un d'eux, répondant au nom d'Eumolpos, lui explique toutes les formalités d'usage ; comprenant bien vite que le héros jouit d'un destin hors du commun, le prêtre parvient à le faire adopter par un athénien nommé Pylios comme l'exigent les lois ecclésiastiques, ensuite Eumolpos procède au cérémonial de la purification destiné à l'expiation des meurtres commis par Héraclès (ce qui préfigure déjà son rachat devant Eurysthée). Enfin, le prêtre introduit le héros à l'initiation proprement dite et l'emmène au Télestérion (ou salle des initiations) à l'abri des regards indiscrets. Après ces quelques jours passés à l'intérieur du sanctuaire des "deux déesses"(en l'honneur de Déméter et Perséphone), Héraclès est fin prêt à affronter le royaume des ombres, non pas que les mystères d'Eleusis lui ont fourni la clé de l'immortalité mais plutôt qu'ils lui confèrent une immunité face à la peur de la mort. Enrichi par une expérience aussi singulière, le héros reprend le chemin de Corinthe encore plus serein et confiant dans le succès de son épreuve. Il traverse le Péloponnèse sans difficulté et parvient au Cap Ténare, là où se terminent les terres méridionales de la Grèce. A l'intérieur du sanctuaire de Poséidon, Héraclès est attiré par une concavité située près du temple principal ; pas de doute, il s'agit bien là de la caverne qui mène droit aux Enfers. Le héros pénètre dans le tunnel et plonge dans la plus totale obscurité...
A tâtons, Héraclès s'enfonce dans la terre avec cette étrange impression d'être observé ; malgré cela, il poursuit son chemin sans broncher. Pas à pas le noir se fait moins intense, les détails des parois commencent à se dessiner, des ombres inquiétantes apparaissent aussi et tout ce qui l'entoure s'illumine d'une faible lueur rousse. Bientôt c'est le bruit de l'eau qui attire son attention, un léger clapotis résonne dans toute la grotte et parvient à ses oreilles. Il débouche alors sur une région désolée, sans aucune forme de vie, où des eaux froides et stagnantes, des fleuves sans courant accentuent cette impression de néant : il y a là le Styx, l'Achéron ou encore le Pyriphlégéton et le Cocyte dont les noms seuls suffisent à glacer le sang des mortels.
Le héros aperçoit bientôt, revenant de l'autre rive, une barque délabrée conduite par un vieil homme à l'aspect sinistre : c'est Charon, le passeur qui est chargé de faire traverser les âmes des défunts. Quand Héraclès se présente devant le vieux nautonier ce dernier est épouvanté de voir tant de vie dans ce corps et tant de détermination dans ce regard ; le héros saute sur la petite embarcation devant la passivité inhabituelle de Charon, pétrifié par la peur. Le vieil homme tremblant de tous ses membres pagaie en silence et conduit docilement Héraclès sur l'autre rive ; d'ailleurs, Hadès le condamnera une année aux fers pour avoir laissé passer un vivant.
Le héros poursuit donc son chemin, il remonte un sentier où virevoltent de nombreuses âmes damnées ; les fantômes s'écartent devant les pas d'Héraclès et sous la menace de son arc les ombres préfèrent s'enfuir ou disparaître. Seulement deux spectres persistent à tourner autour du héros et ils parviennent même à l'étourdir ; Héraclès reconnaît l'un d'eux, il s'agit de Méduse, la gorgone aux cheveux de serpents, il tend son arc avec détermination mais son geste est arrêté par le second fantôme : c'est le célèbre Méléagre que le héros pointe déjà avec l'une de ses flèches. Cependant le revenant, d'une voix douce et calme, parvient à le tranquilliser et il l'avertit qu'il est inutile de tirer sur des ombres. Rassuré par le discours de Méléagre, Héraclès l'écoute attentivement: le spectre propose au héros la main de sa sœur Déjanire et lui fait promettre de l'épouser dès qu'il sera de retour parmi les vivants. Le fantôme de Méléagre disparaît brusquement et Héraclès reprend son ascension vers la porte des Enfers sans savoir que le mariage avec la belle Déjanire le mènera à sa perte.
En continuant sa route il fait une seconde rencontre fortuite, il aperçoit, enchaînés au sol, en position assise, Thésée et son compagnon Pirithoos; ce dernier voulait devenir l'amant de Perséphone, l'épouse d'Hadès, et pour ce projet hardi il avait demandé l'aide du héros athénien. Visiblement les choses n'avaient pas tourné en leur faveur...sans hésiter une seule seconde, Héraclès tire sur les bras de son ami Thésée et brise les chaînes avec son aisance habituelle ; par contre, quand vient le tour de Pirithoos, la terre se met à trembler si fort qu'il ne parvient pas à le redresser, apparemment le maître des Enfers se refuse à libérer un homme qui a tenté de déshonorer sa reine.
Un peu plus loin, Héraclès croise un autre damné du nom d'Ascalaphos ; ce dernier avait été condamné par Déméter à supporter le poids d'une énorme pierre car son témoignage avait condamné sa fille Perséphone à vivre auprès d'Hadès. Pris de pitié pour ce pauvre homme coincé sous l'énorme bloc de roche et dont la tête seule dépasse, le héros pose l'une de ses épaules sur le monolithe et le fait rouler sur le côté en poussant de toutes ses forces. Cependant, au moment même où Ascalaphos est libérer de l'énorme fardeau, il est immédiatement transformé en chat-huant par Déméter ; et quand Héraclès s'apprête à constater l'état du misérable détenu, à sa grande surprise, il aperçoit uniquement un petit oiseau de nuit s'envoler devant lui en hurlant de terreur...
Héraclès et Cerbère, dessin,
anonyme, XVIIème siècle.
Hercule luttant contre Cerbère,
Antonio Tempesta, XVIème siècle.
Arrivé tout près des portes, Héraclès a la bonne idée de vouloir sacrifier l'un des bœufs du troupeau qu'il remarque en train de paître sur les terres désolées des Enfers. Il se jette sur l'une des bêtes et l'égorge offrant son sang frais à toutes les âmes errantes du royaume des morts. Ménoitès, le bouvier d'Hadès -que le héros a déjà eu l'occasion de croiser en Erythrée lors du dixième travail- consterné par cet outrage, se précipite sur Héraclès et le provoque à la lutte en ignorant le danger qu'il court à vouloir combattre un tel guerrier. Le combat ne dure en effet que quelques secondes, juste le temps pour le héros d'attraper Ménoitès par la taille et lui casser quelques côtes ; il faut même l'intervention de Perséphone en personne pour arrêter le massacre : elle intercède en faveur du bouvier et exige que le héros le laisse partir. Héraclès relâche le corps frêle à contrecœur et la reine des Enfers au teint blafard et aux habits sombres lui propose de la suivre jusqu'à son palais car il est son honorable invité.
L'accueil de Perséphone tout d'abord froid et autoritaire va devenir très chaleureux à son arrivée dans la résidence royale : la reine reconnaissant en lui le fils de Zeus le traite comme son égal ; elle lui fait apporter des pains brûlants, des marmites de pois cassés, un bœuf à la braise, des galettes et des croissants au four. Le succulent menu rassasie Héraclès à tel point qu'il en oublie presque la raison de sa venue ici-bas ; mais l'arrivée d'Hadès va rapidement lui rafraîchir la mémoire. Le prince des Ténèbres est beaucoup moins accueillant que Perséphone et quand le héros se présente et lui expose son dessein d'enlever Cerbère, il lui impose une série de conditions : d'abord, il ne devra utiliser ni arme de fer ni bouclier, ensuite il devra vaincre à mains nues le monstre sans jamais le tuer ni lui faire couler une seule goutte de sang.
Bien décidé de clore ce douzième travail par une victoire, Héraclès promet de ne faire aucun mal au molosse quitte à risquer sa vie pour cela. Hadès lui indique alors qu'il trouvera l'animal près des portes de l'Achéron ; sur ces mots, le héros se lance à la recherche de Cerbère et bien vite, il retrouve les traces du monstre et il n'a qu'à suivre les empreintes laissées dans le sol couvert de cendres et de boue. Quand il aperçoit enfin la bête, le spectacle qui s'offre à lui est monstrueux : le chien possède trois énormes têtes et son poil est hérissé de serpents... mais il en faut plus pour effrayer Héraclès qui se précipite en hurlant sur l'une des terrifiantes gueules du monstre. Vêtu de son invincible peau de lion, le héros peut sans trop de crainte affronter l'animal au corps à corps ; bien que la fourrure de serpents tente de le mordre à plusieurs reprises, Héraclès s'agrippe au cou de la tête centrale et il commence à serrer jusqu'à ce que la bête gémissante et suppliante reconnaisse en lui son nouveau maître. Après avoir domestiqué Cerbère, le héros lui attache une laisse et entame le chemin du retour à la surface en traînant derrière lui la bête craintive et obéissante.
Mercure, Hercule et Cerbère sortent de des enfers,
Edme Bouchardon, XVIIIème siècle.
Hercule sortant Cerbère des Enfers,
fresque, Niccolo dell'Abate, XVIème siècle.
Bien qu'aucun témoignage n'ait pu confirmer le lieu exact d'où Héraclès et Cerbère sortirent des Enfers (on parle de tunnels de sorties sur le mont Laphystion en Béotie, à Hermione, à Héraclée du Pont ou même sur le Cap Ténare), toujours est-il que le héros s'introduit dans Mycènes avec le monstre et il poursuit jusqu'au palais royal effrayant toute la population : c'est l'occasion rêvée pour terroriser une dernière fois le malheureux Eurysthée qui, à la vue de Cerbère, court une nouvelle fois se jeter au fond de sa jarre et ordonne à Héraclès de ramener le chien aux Enfers et de quitter les lieux pour toujours. Ainsi, bien loin de déplorer une nouvelle fois l'inutilité de ses travaux, Héraclès restitue le gardien de l'Hadès avec toute la joie d'un prisonnier qui retrouve sa liberté après douze années d'expiation. Son repos, aussi bref qu'il soit, lui sera bien mérité...
Héraclès montrant Cerbère à Eurysthée, hydrie
ionienne à figures noires, 530-520 avJC.
Hercule dans le jardin des
Hespérides, huile sur toile,
Pierre Paul Rubens, XVIIème siècle.
Le Jardin des Hespérides
Après déjà plus de huit années d'épreuves épuisantes, Héraclès se voit ajouter à ses dix travaux accomplis deux autres tâches supplémentaires, Eurysthée n'ayant pas validé ceux de l'Hydre de Lerne et des écuries d'Augias. Et cette fois, le roi de Mycènes place la barre très haute : il contraint le héros à deux voyages dans l'Au-Delà dont le premier consiste à découvrir le jardin des Hespérides afin d'y dérober les mystérieuses pommes d'or. Héraclès part donc à la recherche de cette obscure terre d'Occident dont il ignore totalement l'emplacement ; il quitte alors Mycènes pour se diriger vers le nord de la Grèce.
Quittant les terres familières grecques, Héraclès atteint la Macédoine en quelques jours de marches. Sur place, au passage du fleuve Echédôros, le héros va essuyer son premier contretemps : un certain Lycaon se présentant comme le fils d'Arès (Dieu de la guerre) prétend le battre en duel. Avivé par le défi, le sourire aux coins des lèvres, Héraclès se lance à toute allure sur l'ambitieux personnage pour lui faire goûter sa fameuse masse. Cependant, il s'aperçoit très vite que ses formidables coups sont tous esquivés et que ce Lycaon se permet même le luxe de le frapper en retour... or seul un dieu peut rivaliser avec la force d'Héraclès. D'ailleurs Zeus, qui observe cette étrange scène depuis le mont Olympe, se rend très vite compte que c'est en fait Arès qui dirige le combat de son fils. S'en est trop ! il prend son foudre et, tel un lanceur de javelot, l'envoie entre les deux lutteurs en signe d'interruption du combat. Abandonné par son féroce adversaire et encore ébloui par l'éclair divin, Héraclès constate avec joie que son illustre géniteur veille toujours sur lui. Après cet épisode, le héros s'interroge sur la direction qu'il va emprunter ; et même si le passage du fleuve Echédôros l'orientait plutôt vers l'est, c'est bien vers l'ouest qu'il poursuit son chemin.
Longeant la côte Adriatique vers le pays des Illyriens (dans l'actuelle Bosnie-Herzégovine) il atteint assez rapidement le fleuve mythique du nord-ouest : L'Eridan qui évoque à la fois le Pô et le Rhône. Héraclès remonte le mystérieux fleuve jusqu'à sa source, guidé par le chant envoûtant des naïades. Ces dernières s'avancent doucement vers le héros, virevoltent autour de lui, frôlent son corps, mais leur charme ne perturbe pas l'impassibilité d'Héraclès ; froid comme le marbre il questionne les nymphes aquatiques sur le jardin des Hespérides, sur ses pommes d'or et sa localisation. Mais les naïades continuent leur ronde, couronnées de fleurs, fredonnant les paroles d'une étrange sérénade.... Devant l'agacement évidant du héros, les gracieuses néréides vont lui livrer, toutes en chœur, une information importante : bien qu'elles ne connaissent pas l'emplacement du jardin des pommes d'or, elles connaissent un personnage nommé Nérée, Vieillard de la mer, qui pourrait l'aider dans sa quête ; elles lui indiquent avec un inquiétant sourire l'endroit où le vieux sage à l'habitude de dormir. Sur ces derniers mots Héraclès se lance sur les traces de ce mystérieux Nérée qu'il compte bien faire parler quoiqu'il advienne.
Après seulement une centaine de pas, le héros aperçoit un vieil homme endormi profondément dans une petite grotte, une longue barbe et de longs cheveux ne pouvait cacher son visage creusé par le temps. Héraclès s'approche lentement, à pas de velours... quand CRAC ! une branche cède sous son poids réveillant brusquement le vieillard. Pris de panique, ce dernier utilise la ruse classique des divinités marines : la métamorphose. Malheureusement pour lui, les mains robustes du héros tiennent déjà solidement ses membres et il a beau s'épuiser à se changer en pierre, en animal sauvage ou en en plante verte, il ne parvient pas à se libérer de l'étau qui le tient prisonnier. Vaincu par la force herculéenne, Nérée accepte de livrer quelques renseignements.
Hercule luttant contre Nérée, lécythe à figures noires, 500-490 avJC.
Sans lâcher le vieux magicien, Héraclès apprend que les pommiers aux fruits d'or sont gardés par un serpent aux cent cris différents, dans un jardin de l'Extrême Occident où vivent les nymphes Hespérides("Occidentales"). Mais ces informations un peu vagues laissent Héraclès dans le flou et Nérée profite de ce moment d'inattention pour se transformer en serpent et se faufiler entre deux pierres. Peu importe, le héros se dirige déjà vers les terres de l'ouest qu'il a eu l'occasion de visiter lors de son périple dans le royaume de Géryon. Après quelques jours de voyage il atteint la région de Tartessos (dans l'actuelle Andalousie) et, sans le savoir, il est tout proche du jardin des Hespérides. Cependant, il ne parvient pas à découvrir l'entrée du lieu sacré que lui a décrit Nérée et, bien vite, il se met à tourner en rond fouillant chaque recoin du sud-ouest de la péninsule ibérique. Le héros est dans l'embarras : bien qu'il sache où se situent les pommes d'or il ne sait pas comment y parvenir. Il se résout donc à aller consulter le Titan Prométhée, frère d'Atlas, qui sera certainement en mesure de l'aider dans sa quête ; le seul souci est que Prométhée se trouve enchaîné sur le Caucase, à l'autre bout de l'Europe...
En quelques jours, Héraclès franchit le détroit de Gibraltar d'où s'élèvent les colonnes à son nom, et parcourt toute l'Afrique du nord en longeant le littoral. Il traverse sans incident la Mauritanie, la Petite et la Grande Syrte (l'actuelle Tunisie et l'ouest de la Libye) avant de se voir retarder à l'est de Cyrène, en Libye, par le géant Antée (ou Antaios), fils de Gaia, la Terre. Ce roi cruel a pour habitude de couronner le temple de Poséidon avec les crânes des pauvres voyageurs qui traversent sa région. Le héros, bien loin d'être impressionné, accepte sans hésiter le combat que lui propose le libyen et il n'a d'ailleurs pas beaucoup le choix s'il veut poursuivre sa route. Les deux guerriers s'empoignent et, à la manière des lutteurs classiques, Héraclès tente de projeter le colosse au sol ; mais bien vite il s'aperçoit que c'est peine perdue : à chaque fois, Antée retrouve ses forces au contact de sa mère, la Terre. Pour le vaincre, le héros procède à l'inverse de la lutte habituelle, il saisit le géant à la taille, le soulève et le maintient suspendu ainsi, sans plus aucun contact avec le sol. Sentant ses forces l'abandonner, Antée tente en vain de se défaire de l'étreinte fatale de son adversaire ; Héraclès ne lâche prise qu'au moment où le fils de Gaia n'est déjà plus de ce monde.
Hercule et Antée, bronze,
Jean De Bologne, XVIème siècle.
Hercule soulevant Antée,
Zurbarán, 1637.
Une spectatrice inattendue a suivi avec passion le combat qui vient de s'achever : c'est Iphinoé, la femme du géant. D'abord attristée par la mort de son époux, elle ne peut résister longtemps au charme de son vainqueur. A peine a-t-il rendu à la Terre la dépouille de son fils que le héros voit cette femme se jeter à son cou et s'offrir à lui ; de cette union naîtra un fils du nom de Palaimon.
Fatigué par son combat et par sa nuit d'ivresse amoureuse, Héraclès s'endort à même le sol dans un sommeil lourd et régénérateur. C'est alors qu'il est attaqué sans s'en rendre compte par une horde de pygmées venu du sud-ouest de l'Egypte ; les petits hommes profitent du repos du héros pour ligoter solidement ses poignets et ses chevilles. Ce dernier se réveille, sentant des fourmillements sur tout son corps, et se libère sans peine de ses liens. Il observe calmement la fuite des pygmées et range les cordelettes (pour les enseigner à Eurysthée) dans un pan de sa peau de lion en souvenirs de cet étrange épisode.
Hercule attaqué par les Pygmées, gravure de Cornelis Cort (d'après Flans Floris), 1563.
Héraclès reprend son voyage à rebours d'ouest en est et se dirige vers la grande et glorieuse Egypte où règne le terrible pharaon Bousiris ; celui-ci sacrifie les étrangers sur l'autel de Zeus car, selon un oracle, c'était la seule manière d'en finir avec la disette. Ce fut d'ailleurs un chypriote nommé Phrasios, devin professionnel, qui prophétisa à la cour du roi ; en remerciement, il fut le premier étranger égorgé par le pharaon.
Dès qu'il a franchi les frontières qui séparent la Libye de l'Egypte, Héraclès est immédiatement arrêter par les autorités du pays. On lui lie ses poignets derrière le dos et on lui impose une marche forcée sur Per-Ousere (aujourd'hui Abousir), lieu de résidence du sanguinaire Bousiris. Bien loin de se rebeller, le héros constate avec amusement que les coutumes locales sont décidément très enclines au ligotage des voyageurs et il est bien loin d'imaginer qu'on le mène sur l'autel des sacrifices. Escorté par une centaine de guerriers, il est présenté au pharaon à l'intérieur de son somptueux palais, et c'est en son honneur que Bousiris lève un fastueux banquet rempli des mets les plus succulents. Tel un mort de faim Héraclès se jette sur la table et avale tout ce qu'il peut, ingurgite, dévore, croque à pleines dents dans un tel élan de gloutonnerie que beaucoup en sont écœurés. Cependant, bien loin d'être un message de bienvenue ce repas semble plutôt s'apparenter au dernier festin d'une victime qu'on engraisse avant de sacrifier au dieu. D'ailleurs, Bousiris ordonne déjà à ses valets de placer l'insatiable héros sur l'autel du temple tel un bœuf pendant l'hécatombe. A ce moment, le héros prend conscience de la menace qui pèse sur lui ; il attend patiemment le moment opportun, et quand le pharaon en personne lève sa lame tranchante au-dessus de sa gorge, il brise ses liens et écrase son poing sur le visage de Bousiris, le tuant sur le coup ; il procède de même avec le fils du roi nommé Amphidamas, réglant par avance les problèmes de succession. Profitant du chaos occasionné par le crime de lèse-majesté, Héraclès s'enfuit du palais pharaonique et, au pas de course, il atteint rapidement l'Arabie laissant derrière lui l'Egypte orpheline de son souverain.
Héraclès luttant contre Busiris, amphore à figures noires, Vème siècle avJC.
De l'éprouvante traversée du héros dans les régions désertiques d'Arabie on ne retiendra que sa rencontre fortuite avec un certain Emathion, fils d'un prince troyen, dont le goût pour les défis au combat lui coûtera la vie. Héraclès, pour calmer les esprits, intronise Memnon, le frère du roi défunt, et il poursuit son chemin vers le nord où il aperçoit déjà, dans le lointain, les sombres montagnes du Caucase.
En escaladant quelques rochers, il finit par apercevoir, enchaîné contre la paroi d'un sommet, le Titan Prométhée. Ce dernier avait était sévèrement puni par Zeus pour avoir appris aux hommes l'usage du feu ; prisonnier pour l'éternité, il devait subir un supplice terrible : son foie était dévoré par un aigle puis régénéré chaque jour pour que se perpétue le châtiment.
Héraclès et Prométhée, fresque,
Annibale Carracci, XVIIème siècle
Hercule délivrant Prométhée, dessin, Toussaint Dubreuil, XVIème siècle.
Hercule et Prométhée, huile sur toile, Christian Griepenkerl, XIXème siècle.
Et quelle ne fut pas sa surprise quand il vit le rapace transpercé par une seule flèche du héros! Ensuite, Héraclès rompt les chaînes de Prométhée et, pour ne pas contrarier Zeus qui s'était juré autrefois de le garder attaché, il les remplace par des liens d'oliviers ; par la même occasion, il fournit à son divin père le malheureux Chiron -l'immortel centaure que le héros avait involontairement blessé lors de son quatrième travail-qui acceptait de mourir en échange de Prométhée. Après sa libération, le Titan consent à aider Héraclès dans sa quête : il lui décrit avec précision le chemin qu'il doit prendre et lui dévoile ses futures péripéties. Sans plus attendre, le héros se lance de nouveau vers l'Extrême Occident en suivant scrupuleusement les conseils prodigués par Prométhée ; quittant le Caucase, il rejoint la Thrace et le nord de la Grèce par le détroit du Bosphore, en quelques semaines de marche il atteint le pays des Ligures (au nord de l'Italie et au sud de la France) où, comme le lui avait prédit le Titan, il est attaqué par des indigènes locaux tellement nombreux que les flèches viennent à lui manquer ; le sol trop mou ne lui offre aucun type de projectile pour exterminer les derniers survivants et c'est Zeus lui-même qui fait tomber une avalanche de pierres pour aider son fils à chasser les belliqueux latins. Héraclès poursuit sa route et franchit les Pyrénées pour la seconde fois dans ce onzième travail.
Hercule cueille les pommes d'or, Georges Desvallière, XXème siècle.
Hercule luttant contre le serpent, XVIIème siècle.
De nouveau il traverse la péninsule ibérique et, sur les conseils de Prométhée, il enjambe le détroit de Gibraltar afin de rencontrer le Titan Atlas : ce dernier est le seul à pouvoir aider le héros dans sa quête des pommes d'or car le jardin des Hespérides est une région extra-océanique réservée uniquement aux immortels. Arrivé sur la pointe nord du continent africain, Héraclès découvre l'immense Atlas courbé sous le poids de la voûte céleste qu'il est chargé de supporter depuis la défaite des Titans contre les dieux de l'Olympe ; c'est tout naturellement que le héros relate à Atlas les raisons de sa visite. Après avoir écouté avec la plus grande attention, le Titan accepte sans hésiter de se rendre au jardin des Hespérides pour y cueillir trois malheureuses pommes mais il explique à Héraclès qu'il ne peut pas se déplacer sans lui laisser son terrible fardeau. Impatient d'obtenir enfin ces pommes, le héros accepte le marché sans broncher et il endosse sur ses épaules le poids du ciel tandis que le Titan Atlas s'éloigne d'un pas léger, tout heureux de s'être débarrasser un moment de sa douloureuse charge. Le cou endolori, les épaules en feu, Héraclès attend patiemment le retour de la cueillette mais ne voyant personne à l'horizon il commence à se demander si Atlas n'a pas pris goût à sa nouvelle liberté. Et, en effet, c'est après plusieurs heures de promenade que le Titan apparaît enfin, trois fruits d'or à la main, bien décidé à profiter encore un peu du bon temps. Sans lui demander son avis, Atlas se propose d'aller porter lui-même les pommes à Eurysthée. Conscient du risque qui pèse sur lui, Héraclès utilise une ruse infaillible: il feint d'accepter le service du Titan et le prie de reprendre le poids du ciel, pour quelques secondes seulement, le temps de trouver un bon coussin pour ses cervicales. Atlas pose les pommes d'or sur le sol et reprend la voûte céleste en toute confiance ; mais quand il aperçoit le héros ramasser les fruits qu'il a cueillis et s'éloigner avec un geste d'adieu, il se rend bien compte qu'il a été piégé de la manière la plus stupide. Dans une colère noire, immobilisé par le poids du ciel, Atlas profère insultes et menaces tandis que le héros entame le chemin du retour vers la Grèce sous les grondements sourds du Titan humilié.
Hercule soutenant le monde, dessin,
Annibale Carracci, XVIIème siècle.
Héraclès reçoit d'Atlas les pommes d'or, métope
du temple de Zeus à Olympie, Vème avJC.
En quelques semaines, Héraclès rejoint la Grèce en traversant l'Espagne, le sud de la France et le nord de l'Italie sans aucune complication. Après un si long voyage autour de la Méditerranée, il est content de présenter les fruits sacrés à Eurysthée dans son palais mycénien. Ce dernier les contemple longuement et, sans doute conscient de leur caractère inviolable, il préfère en faire cadeau à celui qui les a dérobé. Le héros, décontenancé par le comportement du roi, est bien décidé à se débarrasser d'une si lourde possession ; il demande à quitter le palais pendant quelques heures et, quand il se retrouve aux portes de la ville pour y enfouir les fruits d'or, la déesse Athéna lui apparaît. Elle lui explique que les pommes n'ont rien à faire dans le monde des mortels et que leur place ne peut être ailleurs que dans le jardin des Hespérides. Sans hésiter, Héraclès rend à sa déesse protectrice ces objets tant convoités par les hommes et celle-ci disparaît comme elle était venue. Une nouvelle fois, le héros voit s'échapper le but matériel de son travail : les pommes d'or, à peine conquises, s'en retournent à cet Au-Delà mystérieux qui enveloppe le monde des hommes.
Les pommes des Hespérides, bronze, Norman Sunshine, 2002.
Le troupeau de Géryon
Non content d'avoir envoyé Héraclès aux confins méridionaux, septentrionaux et orientaux, Eurysthée exige cette fois-ci qu'il mette le cap vers les régions inexplorées d'occident. Pour son dixième travail, usé par quasiment sept années d'épreuves, le héros se voit ainsi obliger de gagner les mystérieuses terres de l'ouest et, plus précisément, l'île d'Erythie (l'actuelle Cadix, en Andalousie) car c'est là-bas qu'il est sommé de capturer le plus beau troupeau du monde. Et la tâche s'annonce plus rude qu'il n'y paraît car les superbes bœufs au pelage écarlate sont jalousement gardés par le monstrueux Géryon, fils du titan Okéanos et qui a eu la particularité de naître avec trois têtes, six bras et trois corps unis à la taille ; autant dire qu'il ne laisserait personne lui confisquer son bien le plus précieux.
Héraclès s'élance donc en solitaire sur la Méditerranée afin d'atteindre au plus vite ces lointaines contrées où, chaque soir, Hélios (le soleil) et ses formidables montures terminent leur course effrénée. Bien vite, le héros s'ennuie sur sa barque et la monotonie des vagues le rend de plus en plus nerveux ; il décide d'abréger sa croisière en s'échouant sur les côtes les plus proches et il débarque donc en Libye sur le continent africain. Il n'était décidément pas un grand marin et son attrait pour l'aventure se limitait à la terre ferme : rien de tel qu'une bonne marche pour se dégourdir les jambes. Durant plusieurs jours, il longe les côtes africaines qui le mènent vers l'ouest, son trajet est à peine interrompu par quelques fauves affamés qui ont la malchance de tomber sous le joug de sa massue. Quand Héraclès atteint enfin le bout de la Méditerranée, là où Atlas soutient la voûte céleste (dans l'actuel Maroc), il repasse sur le continent européen par l'intermédiaire d'une petite bande de terre qui relie encore le sud de l'Espagne et l'Afrique du nord, il se résout à laisser une trace de sa venue dans ces contrées : en écrasant ses deux énormes poings au sol il ouvre en deux l'écorce terrestre ; la secousse, comparable à un séisme, fait trembler le monde entier et forme ainsi deux colonnes rocheuses appelées depuis "les colonnes d'Hercule"(de nos jours Ceuta et Gibraltar). Mais en séparant l'Europe de l'Afrique, Héraclès a involontairement ouvert ce qu'on appelle aujourd'hui le détroit de Gibraltar, en effet, la Méditerranée, jadis immense lac d'Europe, s'engouffre rapidement entre les deux colonnes et se convertit alors en mer ouverte sur l'océan Atlantique.
Les colonnes d'Hercule, dessin, Michel
Corneille II, XVIIème siècle.
Héraclès ouvrant le détroit de Gibraltar,
huile sur toile, Zurbarán, 1637.
Le soleil torride qui règne sur la région de Tartessos (dans l'actuelle Andalousie) force Héraclès à trouver un refuge à l'ombre. Cependant, à peine a-t-il entamé sa sieste que déjà un rayon ardent lui martèle le visage et bien qu'il change de place, le soleil réapparaît pour l'éblouir à nouveau : Hélios chercherait-il à l'observer ? Toujours est-il que, bientôt assommé par la chaleur et irrité par cette farce, le héros décide de menacer l'astre du jour ; en plissant les yeux il pointe l'une de ses flèches vers le ciel et bande lentement son arc vers le Soleil...Ce dernier, à la fois admiratif et surpris par l'audace du héros, lui somme de ne pas tirer, il lui déclare même que la témérité de son comportement lui vaudrait un présent ; c'est ainsi qu'Hélios, loin d'être offensé par le geste d'Héraclès, lui offre une gigantesque coupe d'or qu'il dépose dans l'océan : le héros pourra désormais traverser l'océan sans aucun souci ; d'ailleurs, il se hâte à embarquer sur l'étrange navire qui, légèrement poussé par une force mystérieuse, se dirige vers l'île d'Erythie déjà en vue.
Héraclès dans la coupe d'or d'Hélios, céramique à figures rouges, Vème avJC.
Il atteint rapidement les rivages du domaine de Géryon et entame une longue marche qui le mène jusqu'à un petit monticule. La colline lui offre une vue parfaite de toute l'île, il commence alors à scruter chaque zone de verdure susceptible de nourrir les merveilleux bovins du géant et il aperçoit bientôt, dans un coin de l'île, l'énorme troupeau gardé par un berger endormi et un étrange chien à deux têtes. Le monstrueux animal, qui répond au doux nom d'Othro, paraît sans cesse être à l'affût de quelque danger et ses deux museaux semblent sonder chaque parcelle du territoire en une seule inspiration. D'ailleurs, Héraclès va pouvoir constater l'efficacité de l'odorat du chien car celui-ci a déjà senti sa présence et se lance vers lui en aboyant furieusement. Quand la bête se trouve à bonne distance, le héros brandit sa massue et l'écrase sur les deux têtes du monstre bicéphale ; le coup est si fort qu'il résonne dans toute l'île et alerte Eurythion, le bouvier de Géryon, qui, de ses pas de géant, s'empresse de venir au secours d'Othro. Mais malheureusement pour lui, à peine a-t-il le temps de découvrir la dépouille mortelle du chien qu'il reçoit sur le crâne un coup de massue. Inspectant les deux corps inertes des gardiens du troupeau, Héraclès soupire de soulagement : à partir de maintenant, les superbes bœufs étaient en sa possession, il lui suffisait donc de les regrouper dans le bol d'or d'Hélios afin de rejoindre le continent et d'entamer le chemin du retour...mais voilà, le héros ignore qu'un bouvier du nom de Ménoitès est parti prévenir Géryon du double meurtre dont il a été témoin : il était tranquillement en train de surveiller les bœufs de Hadès (prince des Enfers) quand il aperçût, au loin, un sauvage qui frappait de toutes ses forces les malheureux Othro et Eurythion. Le géant se lève brusquement de son trône à la fin du récit du bouvier et, dans un immense fracas, Héraclès voit débouler sur lui une montagne à trois têtes et dont le comportement ne lui laisse que peu de choix ; le héros bande alors son arc et, avant que le monstrueux roi d'Erythrée n'arrive à sa hauteur, il décoche trois flèches qui viennent se planter au milieu des trois fronts répandant instantanément leur venin mortel. Géryon s'écroule dans un dernier triple soupir laissant Héraclès s'éloigner avec le superbe troupeau qui avait fait sa gloire.
Hercule et Géryon, huile sur toile,
Zurbarán, 1637.
Hercule luttant contre Géryon, amphore
à figure noires, 550-540 avJC.
Ayant chargé la totalité des bœufs dans le bateau rond, Héraclès s'embarque à son tour sur l'instable embarcation qu'il lance à nouveau sur la Méditerranée. De retour sur le sol ibérique, le héros prend le soin de ne pas oublier une seule tête de bétail dans le bol d'or qu'il restitue ensuite à Hélios en lui exprimant toute sa gratitude. Commence alors pour Héraclès le long chemin du retour dans lequel tous les peuples qu'il croise cherchent à lui voler de si belles bêtes ; il guide son troupeau vers le nord traversant l'actuelle Espagne et franchit les Pyrénées pour atteindre la Gaule qu'il longe simplement par la côte sillonnant la région d'Alébion, plus connue aujourd'hui sous le nom de Provence. Hormis quelques tentatives de rapts perpétrées par les fils de Poséidon le voyage se passe plutôt bien jusqu'à l'arrivée en Italie. Car c'est en Toscane que le héros va vivre l'une de ses aventures les plus célèbres qui va le confronter à Cacus, le voleur de vaches. Cet épisode spécifiquement romain nous conte comment Héraclès poursuit le larron jusque dans l'Aventin (l'une des sept collines de la future Rome) afin d'y récupérer les quelques bœufs si difficilement acquis sur l'île d'Erythrée. D'ailleurs, le héros fait payé le prix fort à Cacus pour ce léger contretemps...en lui écrasant sa massue sur le crâne. Cependant, les soucis d'Héraclès ne s'arrêtent pas là ; quand il s'apprête à remonter son troupeau vers le nord, l'un des bœufs prend la fuite vers le sud, à l'opposé du chemin du retour. L'animal, poursuivit par le héros et le reste du troupeau, se jette alors à la mer et nage vers la Sicile en espérant s'y perdre définitivement.
Hercule et Cacus, huile sur toile,
Nicolas Poussin, XVIIème siècle.
Hercule et Cacus, huile sur toile,
Hendrick Goltzius, 1613.
Mais la légendaire ténacité du héros lui interdit de laisser échapper ne serait-ce qu'une seule bête, il lance donc son bétail à l'eau et plonge à son tour dans la mer ; accroché à l'une des cornes d'un bœuf il navigue vers l'île aux trois cornes. A son arrivée en Sicile, les problèmes vont se poursuivre avec le vol de plusieurs bêtes par le célèbre monstre marin Skylla (ou Sylla), mi-jeune fille mi-chienne ; comme à son habitude Héraclès ne fait pas dans les détails et tue l'odieuse hybride (que son père Phorkys fera bouillir et ressusciter : il faut bien que Skylla reste en vie pour attaquer, plus tard, l'embarcation d'Ulysse). L'épisode sicilien du héros se résume en une série de combats (dans les cités d'Himère, de Syracuse...) et de victoires sur les nombreux chefs indigènes et la fondation de nouveaux cultes censés civiliser les barbares ; toujours est-il qu'Héraclès et son troupeau de nouveau au grand complet regagnent la côte sud de l'Italie... à la nage.
De retour sur le continent, entre Rhégion et la Locride (dans la Calabre actuelle, sur la pointe sud de la botte), le héros est gêné dans sa sieste par les cigales qu'il chasse à jamais de la région. Poursuivant son chemin vers le nord, Héraclès et son troupeau atteignent Crotone où un certain Lakinios fait la connaissance de la massue du héros après avoir tenté de voler quelques bêtes, puis ils traversent sans encombre le reste de la péninsule pour contourner le fond de la mer Adriatique par voie de terre ; Héraclès laisse derrière lui de nombreuses traces de son passage en fondant notamment les cités de Pompéi, d'Herculanum et d'Héraclée...
Le robuste bouvier poursuit sa longue et lente marche en longeant la côte est de la mer Adriatique ; il atteint paisiblement les frontières grecques sur les rives de la mer Ionienne quand intervient la perfide Héra : elle envoie un taon qui provoque une énorme panique dans le troupeau, les bœufs s'affolent, fuient et s'éparpillent dans la nature. Mais Héraclès ne se décourage pas pour autant, pendant plusieurs semaines il poursuit sans relâche les bêtes apeurées jusque dans les montagnes de Thrace et il parvient à grand peine à en rassembler suffisamment pour reprendre le chemin vers Mycènes ; le reste des bœufs laissé sur place devint sauvage. Fatigué et éreinté par ce très long voyage, le héros s'en prend au fleuve Strymon : irrité par ses maintes traversées à la nage il jette dans l'eau tant de pierres qu'il se fabrique un pont assèchant définitivement la rivière. Le bouvier et ses bêtes peuvent ainsi franchir le Strymon au sec ; en laissant une rivière pierreuse derrière lui, Héraclès dépose une nouvelle fois la marque de son passage.
Le reste du voyage se déroule sans entrave et le héros arrive à Mycènes avec la quasi-totalité du troupeau de Géryon et malgré les nombreuses tentatives de vols dont il a été victime le dixième travail arrive à son terme. Eurysthée commençait à trouver le temps long quand on le prévint que le héros attendait aux portes de la ville. Le roi, fit introduire l'immense troupeau, admira leur beauté et ordonna de les sacrifier en l'honneur d'Héra. Quelle récompense plus merveilleuse pour le héros que de voir ces bœufs, si difficilement conduits jusqu'en Grèce, sacrifiés à cette si charmante déesse ?
La ceinture d'Hippolythé
Héraclès n'a à peine le temps de souffler qu'Eurysthée lui assigne une nouvelle épreuve. Le roi de Mycènes cède à tous les caprices de sa fille Admète et celle-ci exige expressément qu'on lui rapporte la ceinture d'or d'Hippolyté, la reine des amazones. Ce peuple guerrier est uniquement composé de femmes, elles ne connaissent ni la pudeur ni la pitié et sont célèbres pour leurs coutumes sauvages et cruelles, elles s'unissent aux hommes (avant de les assassiner) uniquement pour perpétuer la lignée féminine abandonnant ou tuant les nourrissons de sexe mâle ; on raconte aussi que, arrivées à l'âge de se battre, elles se coupent le sein droit pour mieux manier l'arc et le glaive et n'épargnent leur sein gauche seulement pour pouvoir allaiter leurs filles. Héraclès sait donc ce qu'il lui reste à faire et il met le cap vers l'est en direction de la Bithynie (au bord de la mer Noire, dans l'actuelle Turquie) ; accompagné par un groupe de volontaires il s'embarque donc une nouvelle fois à bord d'un navire.
En raison du climat défavorable la traversée de la mer Egée s'interrompt brusquement sur l'île de Paros, célèbre pour la pureté de son marbre blanc. La petite armée réalise rapidement que l'archipel n'a rien de paradisiaque quand deux des compagnons d'Héraclès sont abattus par des flèches à leur descente sur la plage. Les auteurs de se double meurtre ne sont autres que les quatre fils du roi Minos: Eurymédon, Chrysès, Néphalion et Philolaos ; ces derniers aimaient à prendre pour cible les pauvres voyageurs et naufragés qui avaient la malchance de s'échouer sur l'île. Cependant, cette fois-ci se sont eux qui jouent de malchance : à peine ont-ils le temps de voir leurs deux victimes tomber au sol qu'Héraclès est déjà en train de se précipiter sur eux brandissant sa massue et hurlant sa colère d'autant plus que les traversées en bateau le rendait particulièrement nerveux. En deux temps trois mouvements le héros écrase son arme sur le crâne des insouciants fils du roi de Crète et les tuent sur le coup. Mais Héraclès ne s'arrête pas là, il continue dans son élan, animé par une rage inassouvie, et s'attaque aux habitants de l'île, à l'intérieur même de la ville. Il fracasse les maisons, défonce les palais, écrase les récoltes... bref, le héros se convertit en véritable tornade dévastatrice. Pour apaiser cette furie la population décide de lui envoyer une ambassade capable de calmer les esprits ; profitant d'un moment de répit, les diplomates proposent au bouillonnant Héraclès de choisir deux hommes de l'île de Paros en remplacement de ses deux défunts compagnons. Le héros accepte le marché, il met fin à ses ravages et choisit les robustes Alcéos et Sthénélos, les deux rejetons d'Androgée (lui-même fils de Minos et de Pasiphaé), pour substituer la perte de deux de ses soldats. Héraclès reprend donc la mer avec le même nombre de combattants qu'à son arrivée sur l'île. Les habitants de Paros ne sont pas mécontents de voir s'éloigner la flotte de cet homme caractériel qui détruisit leur ville sur un coup de colère.
Après plusieurs jours de navigation qui paraissent durer une éternité, Héraclès et son armée atteignent enfin les bords du continent en arrivant en Mysie (en actuelle Turquie). Là, le héros et sa bande trouvent la généreuse hospitalité de Lycos, un homme constamment en guerre contre le peuple des Bébryces. Toujours aussi serviable, Héraclès donne un petit coup de main à son hôte en exterminant à lui tout seul la totalité de l'armée ennemie ; il offre alors à Lycos l'immense région qu'il subtilise aux Bébryces, le territoire ainsi constitué fut dénommé Héraclée. Mais Héraclès n'en a pas fini, il doit pénétrer plus loin dans les terres orientales pour trouver le royaume des amazones ; pour cela la petite armée traverse la Dardanie pour embarquer dans un port de la mer de Marmara, de là ils atteignent la mer Noire et après de longs jours de navigation, ils jettent l'ancre dans le port de Thémycire (Yhemiscra) en Bithynie.
Hercule et Hippolyté, dessin,
Charles Lameire, XXème siècle
Hercule et Hippolyté, huile sur toile,
Pierre Paul Rubens, XVIIème siècle.
Hercule prend la ceinture à Hippolyté,
bronze, Paul Manship, 1966
A la grande surprise d'Héraclès, Hippolyté lui rend visite dès qu'il met pied à terre, sans la moindre intention belliqueuse, comme s'il s'agissait de la réception d'un hôte de la plus haute autorité. En descendant du navire, tous sont subjugués par la beauté sauvage de la reine, ses vêtements, composés de morceaux de fourrures hirsutes, laissent entrevoir une peau brunie par le soleil, des bras musclés par les combats à l'épée et de longues jambes sculptées tout au long de l'année par ses excursions à cheval, monté "en amazone". Héraclès aussi a les yeux fixés sur la reine mais pas pour les mêmes raisons : son regard se dirige vers l'objet de sa venue en Bithynie, à savoir la ceinture d'or qui enveloppe la fine taille d'Hippolyté. Cet objet incarne la suprématie que lui offrit son père Arès (le dieu de la guerre) sur le peuple des amazones ; autant dire que l'objet qui ceignait la reine était bien plus qu'une simple parure, il représentait bel et bien son pouvoir moral et militaire, ce qui compliquait quelque peu les desseins du héros...
La charmante Hippolyté invite alors Héraclès, comme dans tout bon protocole, à l'entretenir en privé au sujet de sa venue en terres amazones, ce à quoi consent le héros sans aucune méfiance. Une fois n'est pas coutume, son attitude calme et pondérée allait enfin pouvoir lui permettre de résoudre l'un de ses travaux sans verser la moindre goutte de sang...du moins l'espérait-il. De ce tête-à-tête nous ne connaissons que très peu de détails, toujours est-il que le héros plait beaucoup à Hippolyté, sans doute séduite par ses puissants pectoraux et sa barbe foisonnante, et qu'il se permet de révéler à la reine, sans rien occulter, la raison de son arrivée en Bithynie. Après avoir écouté très attentivement le récit du héros, la reine, envoûtée et conquise, lui promet son merveilleux ceinturon d'or qu'elle dégrafe assez vite...
Mais le destin d'Héraclès était décidément écrit en lettre de sang, surtout dans les moments où il s'y attendait le moins ; en effet, la méchante Héra s'était résolue à contrecarrer les plans de l'homme qu'elle détestait le plus au monde. Pour cela, la déesse s'était déguisé en amazone et répandait la rumeur d'une incursion étrangère visant à enlever la reine. Il n'en faut pas moins aux amazones pour prendre leurs montures et de fondre sur le campement d'Héraclès. C'est au petit matin que le héros se réveille au bruit sourd d'une armée au galop ; les sens aux aguets, il scrute l'horizon et aperçoit les milliers de cavalières enragées prêtes à l'attaquer, lui et ses compagnons. Fidèle à son manque de clairvoyance, Héraclès est alors convaincu de la trahison d'Hippolyté, il comprenait maintenant l'accueil pacifique de la reine qui n'avait été en fait qu'un moyen de l'amadouer. Aveuglé par la colère, il se jette sauvagement sur la pauvre reine endormie et lui assène un coup mortel sans qu'elle n'ait eu le temps de s'éveiller : la brutalité de cette mort s'ajoutait à son injustice, le tempérament inconstant du héros, associé à la malveillance d'Héra, avait provoqué la mort de la belle et généreuse reine des amazones. Dans la hâte, Héraclès arrache la ceinture d'or du corps d'Hippolyté et réunit ses hommes pour embarquer au plus vite. Avant de quitter les lieux, le héros a juste le temps de massacrer une petite centaine de guerrières acharnées en faisant tournoyer sa célèbre massue.
Hercule contre les amazones, amphore
à figures noires, VIème avJC.
Amazonomachie, frise du mausolée
d'Halicarnasse, 350 avJC.
Le navire s'éloigne au large de la mer Noire laissant le chaos le plus total au pays des amazones. Durant la traversée, Héraclès put repenser tranquillement aux événements qui venaient de survenir mais il était bien loin d'imaginer que l'intervention d'Héra avait faillit lui être fatale et la rancunière déesse n'en avait pas encore fini avec lui. Toujours est-il que le héros est maintenant en possession de la ceinture d'Hippolyté et il est bien décidé à la remettre coûte que coûte à la fille d'Eurysthée. La traversée dure plusieurs jours avant que l'embarcation ne fasse escale au port de Troie, la célèbre cité grecque.
Cependant, ce qui devait être une simple halte va se convertir en nouvel épisode héroïque. En effet, lorsque Héraclès et ses compagnons atteignent les côtes de Dardanie ils aperçoivent, enchaînée à un rocher de la falaise, une jeune fille terrorisée par la présence d'un gigantesque monstre marin que l'embarcation a peine à contourner. Cette scène intrigue le héros et celui-ci s'empresse de débarquer dans le prestigieux port de Troie. Sur place, il apprend bien vite que la donzelle qui se débat pour sortir de ses chaînes n'est autre que la princesse Hésione, fille du roi Laomédon. Ce dernier avait eu l'audace de refuser de payer deux extraordinaires ouvriers après que ceux-ci aient fortifié la cité de Pergame (située au sud de Troie). Or il s'avéra que ces deux formidables bâtisseurs n'était autre que Poséidon et Apollon : les deux dieux s'étaient justement déguisés pour mettre à l'épreuve l'outrecuidance du roi. La punition divine fut cruelle puisque Apollon répandit une épidémie de peste dans la cité tandis que Poséidon envoyait le monstre marin pour tourmenter les navigateurs de la côte. Ainsi, quand l'infortuné Laomédon reçoit Héraclès dans son palais, son désespoir est infiniment grand ; il explique au héros que les oracles lui avaient prédit la fin de ses malheurs seulement s'il donnait sa fille en sacrifice au monstre des mers : la jeune Hésione était donc la victime de la déloyauté de son père. Sensible à ce genre d'injustice, Héraclès s'engage à sauver la princesse ; en échange, il réclame simplement que le roi lui cède ses superbes juments que Zeus lui avait offert en compensation de l'enlèvement de son fils Ganymède dont le dieu de l'Olympe était éperdument tombé amoureux... Laomédon lui donne sa parole d'honneur et le prie qu'il fasse au plus vite car la marée montante menace la vie d'Hésione. Sans plus attendre, le héros s'en va secourir la princesse. En quelques heures Héraclès atteint la côte et arrive juste à temps pour éviter que la jeune fille ne se fasse dévorer : Héraclès n'hésite pas et se jette de la falaise pour atterrir sur la tête visqueuse du titanesque poisson qui a juste le temps de voir s'abattre la massue du héros. L'impacte est colossal, le crâne du monstre se brise dans un énorme fracas projetant Héraclès dans la mer. Mais le héros refait rapidement surface, il se hisse jusqu'en haut de la falaise pour constater la mort de la bête et délivre Hésione de ses chaînes. Cependant, son succès va être quelque peu refroidi quand il ramène la princesse à son père. Comme il l'avait fait avec Poséidon et Apollon, ce dernier manque à sa parole et refuse de lui livrer la récompense promise : humilié, Héraclès quitte le palais et promet à Laomédon qu'il reviendrait lui faire la guerre ; le roi peut trembler car le héros tient toujours sa parole quand il est en colère!
Hercule sauvant Hésioné, dessin, école hollandaise, XVIIIème siècle.
Mais le temps lui est compté, Héraclès doit accomplir sa mission et pour cela il doit quitter Troie au plus vite et entamer le chemin du retour. Mais le trajet vers Mycènes ne se réalise pas sans obstacles, en effet, des courants défavorables emportent l'embarcation vers les côtes thraces s'échouant sur Ainos. Après quelques jours passés dans la cité ( où il fait la rencontre de deux fils de Poséidon : Poltys et Sarpédon, ce dernier trouvant la mort pour son impertinence), le héros met les voiles pour l'île de Thasos. Sur place, il mate les quelques habitants thraces pour offrir l'archipel à ses deux fidèles compagnons de substitution, Alcéos et Sthénélos ; la générosité d'Héraclès n'a pas de limite quand il faut récompenser des amis. Enfin, le bateau s'arrête au port de Toronè en Chalcidique où le héros a le temps de donner une bonne leçon à Polygonos et Télégonos (fils de Protée et petits-fils de Poséidon) lesquels avait eu l'audace de défier Héraclès en duel ...(mal leur en a pris !).
Le reste du voyage fut beaucoup plus tranquille, en quelques jours, le navire rejoignît le port de Mycènes et le héros, exténué par la traversée, pût enfin remettre la ceinture d'or à Eurysthée. On raconte que sa fille Admète ne fut pas plus impressionnée que cela, il faut dire qu'il s'était écoulé pas mal de temps depuis le départ d'Héraclès ; toujours est-il que beaucoup de sang avait coulé pour céder aux caprices d'une princesse.
Hercule et Diomède, dessin,
anonyme italien, XVIème siècle.
Les juments de Diomède
Le huitième travail va conduire le héros dans les régions nord du monde grec, là où vivent les sombres peuples barbares. En effet, Eurysthée ordonne à Héraclès de se rendre en Thrace (territoires répartis de nos jours entre Bulgarie, Grèce et Turquie occidentale) afin de subtiliser les quatre juments carnivores de Diomède. Ce dernier est le fils d'Arès, dieu de la guerre, et de la néréide Cyrène, et il règne en maître sur les cruels Bistones, peuple querelleur de la contrée thrace. Pour la première fois depuis le début de ses travaux, le succès d'Héraclès passait donc par un combat contre une armée belliqueuse.
Sans doute intéressé par la conquête de la Thrace, Eurysthée autorise au héros de constituer une troupe de volontaires afin de vaincre plus aisément les barbares. Même si Héraclès est persuadé qu'il est assez fort pour dérouter seul n'importe quelle armada, il cède finalement face à l'obstination des hommes les plus motivés. Parmi ceux-ci figure l'un de ses amis nommé Abdéros, originaire de la cité d'Oponte en Locride et fils du dieu Hermès ; le héros lui fait tellement confiance qu'il le charge d'organiser la traversée en bateau. Quand s'achèvent les préparatifs et que l'équipe est prête à mettre les voiles, Héraclès fait savoir qu'il ne les accompagnerait pas sur la mer Egée...le héros abandonnerait-il ces compagnons de peur de devoir affronter les Bistones ? Évidemment non, en fait, il préfère faire le voyage en marchant plutôt que de supporter l'incessant tangage du navire ; il leur donne rendez-vous sur place, en Thrace. Il quitte donc Mycènes et entame une très longue promenade que seule une extraordinaire constitution physique pouvait lui permettre de surmonter... et tout cela à cause de son mal de mer!
Le héros traverse l'isthme du Péloponnèse, puis la Béotie avant d'atteindre la Thessalie. Là, quelque peu fatigué, il décide de faire une petite halte chez son ami Admète, souverain de Thessalie. Mais ce qu'Héraclès ne sait pas c'est que son hôte vit un moment très difficile.
En effet, le pauvre Admète vient de perdre Alceste sa tendre épouse ; et toute la maison, parents et serviteurs, pleure le sacrifice de la reine. La cause de cette mort remonte à quelques années auparavant et elle implique deux dieux de l'Olympe : à la suite de la mort de son fils Esculape causée par Zeus, Apollon massacre en retour les ouvriers du souverain de tous les dieux, les cyclopes primitifs. Zeus décide alors de le punir pour cette basse vengeance et il lui impose un an d'esclavage sur terre lui choisissant pour maître...le malheureux Admète. L'année de châtiment d'Apollon va se dérouler au mieux, il se lie rapidement d'amitié avec Admète, Alceste et avec tous les serviteurs du palais royal. Un jour, il découvre que les trois Parques (Clotho, Lachésis et Atropos) s'apprêtent à couper le fil de la destinée d'Admète ! Apollon met vite au courant le roi de Thessalie et lui annonce que son unique sursis serait de trouver la belle âme qui accepterait de mourir à sa place... Après le refus successif de ses vieux parents et de ses meilleurs amis, il s'en va trouver, désespéré, celle qu'il aime le plus au monde, son épouse Alceste ; cette dernière n'hésite pas une seule seconde et dans un élan de courage et d'abnégation elle accepte de se sacrifier corps et âme à son mari... en embrassant sa femme il s'aperçoit qu'il serre un corps déjà sans vie. C'est donc peu de temps après la mort d'Alceste qu'arrive Héraclès ; celui-ci est impatient de revoir son vieil ami, et il est bien décidé à profiter au maximum de son séjour avant de partir au combat. Admète l'accueille chaleureusement en habits sombres. Le héros, ennuyé et confus, se propose de passer son chemin et de le laisser en paix, mais le maître des lieux, au contraire, lui offre l'hospitalité et le reçoit noblement. Il reste très évasif quant à l'identité de la défunte et s'empresse de faire conduire Héraclès loin des lieux des funérailles.
La mort d'Alceste ou l'Héroïne de l'amour
conjugal, huile sur toile, Zurbarán.
Hermès et hercule ramenant Alceste des Enfers,
amphore à figures noires, 530-520 avJC.
Ce dernier se retrouve donc seul à dîner et, sans se soucier de rien, il réclame aux domestiques les mets les plus exquis, les vins les plus raffinés...qu'il ingurgite aussi vite qu'ils sont venus. Après s'être repu et enivré, il chante à tue-tête, hurle, ri aux éclats devant des domestiques indignés par sa conduite ; l'un d'eux se risque d'ailleurs à lui faire remarquer que son comportement indécent offense la cérémonie funèbre ; mais pourquoi se sentirait-il affecté par la mort d'une étrangère? Héraclès commence à sentir qu'on lui cache quelque chose ; au moment où un valet lui rempli son verre de vin il lui saisit son bras : va-t-on enfin lui expliquer ce qui se passe vraiment ? le pauvre domestique sait très bien qu'il ne faut pas plaisanter avec un Héraclès en colère et encore moins quand il nous tient le bras...Il révèle alors au héros qu'il ne s'agit en rien de funérailles ordinaires mais bien ceux de la reine Alceste. Héraclès encaisse durement le coup, son ami Admète ne lui avait rien raconté par excès d'hospitalité et il s'était saoulé sans se rendre compte de rien ; inondé de remords il tente de trouver le moyen de se repentir. Le lendemain matin, de retour à son palais, Admète, encore bouleversé par le sacrifice de son épouse, apprend qu'Héraclès est revenu d'une virée nocturne. Inquiet, il s'en va prendre des nouvelles. A sa grande stupeur, il découvre son hôte accompagné d'une femme qui se trouve être...Alceste. Héraclès était allé la chercher dans l'Hadès (le monde des morts) et l'avait ramenée dans la nuit ; ébahi par cette vision, Admète ne pouvait que constater la dualité du héros successivement naïf et stupide, maladroit et fruste, puis honteux et repentant, enfin, certain de sa force, il défie la mort pour réparer ses erreurs...cet épisode résume à lui seul les qualités et les défauts d'Héraclès. Satisfait d'avoir réuni le couple royal, le héros repart en direction du nord non sans avoir reçu de chaleureux adieux d'Alceste et d'Admète.
Hercule luttant contre la mort pour le corps d'Alceste, 1871, Leighton
Le reste du trajet n'est qu'une formalité, il traverse la Macédoine puis la Chalcidique sans aucun contretemps et atteint finalement la Thrace. Son flair légendaire lui permet de localiser les écuries royales de Diomède : il découvre, enchaînées à leur abreuvoir, les quatre juments en train de dévorer les restes d'un voyageur égaré. Héraclès ne perd pas de temps et, jouant de sa massue, il écrase le crâne des gardiens pétrifiés par la peur et détache les horribles équidés. Mais au moment où il s'apprête à dérober les juments, l'alerte est donnée : les Bistones se rassemble derrière leur chef Diomède et se jettent sur les traces du voleur. Héraclès atteint rapidement les plages égéennes où l'attendent Abdéros et les autres volontaires qui languissent depuis plusieurs jours au large des côtes. Le héros leur promet de l'action car les barbares se sont révoltés et ils n'ont pas l'air spécialement paisible. Avant de partir au combat, il confie les juments anthropophages à son fidèle Abdéros non sans l'avoir averti que ces pouliches avait la fâcheuse tendance de croquer des humains...
Diomède dévoré par ses chevaux, huile
sur toile, Gustave Moreau, XIXème siècle.
Diomède, huile sur toile,
Gustave Moreau, 1851.
Le combat fait rage entre les deux troupes : fidèle à lui-même, Héraclès anéantit la majorité des Bistones en les martelant de son gourdin ; devant la rage du héros, les survivants battent en retraite ce qui sonne le glas de la fière armée thrace. Le butin qu'on apporte à Héraclès n'est pas négligeable, en effet ses fidèles compagnons ont capturé Diomède, le roi de Thrace. Toutefois, la joie de la victoire militaire est de courte durée ... quand le héros et son équipe regagnent le navire, ils s'aperçoivent que les juments ne sont plus surveillées par personne, autrement dit, le malheureux Abdéros avait été dévoré par les boulimiques équidés. Fou de colère et envahi par le chagrin, Héraclès jette le cruel Diomède dans l'auge de ses propres bêtes, il rend ainsi justice à son défunt ami et à tous les voyageurs qui succombèrent dans les écuries thraces.
Hercule et Diomède, huile sur
toile, Pierre Gros, 1835.
Hercule et Diomède, huile sur toile,
Charles Lebrun, XVIIème siècle.
Avant d'embarquer pour Mycènes, Héraclès donne une nouvelle preuve de son bon cœur : tout près de la tombe d'Abdéros il fonde en son honneur la cité d'Abdéra laissant ainsi sur les bords de la mer Egée le souvenir d'un ami sincère.
Comme il était convenu, le héros présenta à Eurysthée les juments anthropophages de feu Diomède validant par-là même son huitième travail. Mais le roi de Mycènes, indiscutablement peu téméraire, relâche dans la nature les quatre montures qui gagnèrent un peu plus tard le mont Olympe où, selon certains, elles furent dévorées par des bêtes sauvages ; selon d'autres sources, elles furent sacrifiées à la déesse Héra et on dit que leur descendance se perpétua jusqu'aux temps d'Alexandre le Grand.
Le septième travail inaugure un nouveau cycle des aventures du héros; en effet, Eurysthée s'inquiète de la popularité sans cesse grandissante de celui qui a vaincu des monstres aussi coriaces que le lion de Némée ou l'hydre de Lerne: le nom d'Héraclès est chanté dans tout le Péloponnèse et on ne compte plus les nombreux sacrifices effectués en son honneur. Le roi de Mycènes et de Tirynthe lance donc au héros un premier défi loin des terres de la petite Grèce; celui-ci consiste à capturer l'effrayant taureau de Crète que certains identifiaient comme le père du célèbre Minotaure.
Hercule et taureau de Crète,
huile sur toile, Zurbarán
Héraclès contre le taureau, marbre, métope du
temple de Zeus à Olympie, Vème avJC.
La présence de l'animal sur l'île calcique était due à un épisode survenu quelques années auparavant: un beau jour d'automne, Minos, le roi de la Crète, avait promis à Poséidon qu'il sacrifierait ce que le dieu de la mer ferait jaillir des flots ; plus vite qu'il ne faut pour le dire la divinité au trident fît émerger des eaux un merveilleux taureau noir. Emerveillé par l'apparition du splendide bovidé, le souverain de l'île ne pût résister à la tentation de s'en emparer et il ordonna à ses serviteurs d'emmener l'énorme herbivore jusqu'à ses propres étables. En échange, il sacrifia une autre bête de son troupeau pensant confondre Poséidon mais ce dernier, exaspéré, s'aperçût aussitôt de la duperie : puisque Minos n'avait pas tenu parole et qu'il avait tenté de tromper sa divine personne, il le punirait en convertissant le fabuleux taureau en animal sauvage et incontrôlable.
Hercule luttant contre la taureau, lécythe à
figures noires, 480 avJC.
Hercule domptant le taureau, dessin,
Théodore Géricault, XIXème siècle.
Déchaîné par une folie destructrice, l'animal ravage les vignobles, dévaste les campagnes, fonce à travers les forêts, encorne le toit des demeures, transperce le cœur des cités, et assaille les habitants de la Crète depuis déjà plusieurs années. Quand Héraclès débarque sur l'île après quelques jours de navigation et de mal de mer, il part seul à la recherche du taureau divin sans compter sur l'aide de Minos. Traversant de long en large les terres de l'archipel, notre héros poursuit l'animal enragé, cavalant à toute vitesse tant pour s'agripper à l'énorme cou du monstre que pour éviter un mauvais coup de corne. Une fois encore, la ténacité du héros va être récompensée : profitant d'un moment de répit durant lequel le taureau broute tranquillement l'herbe verte de la plaine, Héraclès grimpe sur un arbre et se jette sur le dos de l'animal. Surprise et apeurée, la bête se met à bondir sur place avant d'entamer une course folle; le héros s'accroche désespérément aux gigantesques cornes de la bête qui agite sa tête avec rage. Après avoir traverser l'île d'est en ouest et d'ouest en est pendant plusieurs jours, l'animal s'immobilise et se soumet enfin à son obstiné cavalier ; Héraclès, épuisé par son rodéo et à la grande stupeur de Poséidon, a finalement réussi à dompter le taureau révolté et, profitant de la docilité de sa divine monture, il traverse la mer Egée sur son dos pour regagner Mycènes.
Hercule ramenant le taureau de Crète,
bas-relief en terre cuite, époque romaine.
Le retour de Crète, amphore à
figures rouges, 525-500 avJC.
Quand on lui présenta le bovidé crétois, Eurysthée préféra abréger rapidement l'entrevue et, ne voulant pas s'encombrer d'un tel animal, il le libéra. Le taureau chemina alors vers Sparte, errant à travers les champs, piétinant les récoltes et massacrant le bétail à travers toute l'Arcadie. Finalement, il traversa l'isthme du Péloponnèse en direction de Marathon où il trouva la mort des mains de Thésée, le célèbre héros athénien.
Troodon
Sous-groupe des Maniraptores
Au Crétacé, les terres étaient peuplées de petits dinosaures carnivores extrêmement agiles. La plupart de ces prédateurs de petit gibier étaient des maniraptores « mains préhensiles », groupe de théropodes auquel appartiennent les oiseaux.
Les maniraptores les plus connus sont : le Troodon « dent blessante », le Caudipteryx « plume à la queue », le Sinornithosaurus « lézard oiseau de Chine », le Bambiraptor.
Certains maniraptores portaient des sortes de plumes. C’est le cas pour Caudipteryx, Sinornithosaurus ou Sinosauropteryx.
Les fossiles retrouvés le prouvent.
Fossile de Sinosauropteryx. Il possédait des plumes et était inapte au vol. Il a vécu il y a environ 140 millions d'années.
Concernant Bambiraptor et Troodon, l’hypothèse reste valable mais n’a pas encore été prouvée.
sinornithosaurus
Le cas particulier de Caudipteryx
Ce dinosaure est particulièrement intéressant. Il a été découvert en Chine. Il était haut sur pattes et gros comme une dinde.
Il semble mélanger deux types d’animaux :
Cet étrange dinosaure vivait au Crétacé inférieur en Asie Orientale. Il ne mesurait que 70 cm de haut.
Les paléontologues ne sont pas du tout d’accord sur ses liens de parenté : était-ce un dinosaure avien ou non avien ?
En résumé, pouvait-il voler ou non ?
Des plumes dont le penne mesurait 20 cm de long étaient fixées sur les bras, les doigts et la queue. Il est peu probable que caudipteryx pouvait voler. En effet, ses rémiges (plumes des ailes) étaient symétriques alors qu'elles sont asymétriques chez les oiseaux aptes au vol.
Rémiges symétriques d'un dindon sauvage inapte au vol
Son corps était recouvert de plusieurs types de plumes. Il possédait un duvet d'isolation.
Troodon : l’intellectuel
Troodon est le dinosaure qui possède le plus gros cerveau par rapport à sa taille. Il est classé dans la famille des Troodontidés et vivait au Crétacé supérieur.
Des nids fossilisés de Troodon ont été retrouvés à Egg Mountain (Montana). Des os d’adultes gisaient près des nids ce qui tendrait à prouver que le Troodon couvait et protégeait ses œufs.
Taille importante des orbites et du cerveau visible sur ce squelette
Bambiraptor : un Bambi effrayant
Bambiraptor a été découvert en 1994 dans le Montana. Le squelette, vieux de 75 millions d’années, est celui d’un jeune. Il mesure 1 mètre de long.
Il possède également de longs tibias propices à la course. Son cerveau est également très grand par rapport à sa taille.
Certains de ses os contiennent des poches d’air reliées aux poumons, comme chez les oiseaux. Ces poches lui fournissaient un supplément d’oxygène. Ce dinosaure devait donc être très actif, à sang chaud et couvert de plumes pour conserver la chaleur interne.
Squelette et reconstitution du Bambiraptor
Tous ces petits prédateurs véloces avaient en commun une intelligence très développée et une organisation sociale de groupe qui leur permettait de chasser de grosses proies.