Un jour.... une histoire....

Un jour... une histoire... 21 avril 753 avant J.C.

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Un jour... une histoire... 21 avril 753 avant J.C.

 

Romulus et Rémus

recueillis par Faustulis

 

21 avril 753 avant JC

Fondation légendaire de Rome
 
 
 

Le 21 avril de l'an 753 avant JC est une date mémorable dans l'Histoire de l'Occident. C'est ce jour-là que Rome fut fondée si l'on en croit la légende qu'exposera plus tard le poète Virgile dans L'Enéide.

 

Des festivités commémorent encore cet événement dans la Ville éternelle tous les 21 avril.

 

 

Une légende épique
 
 

Selon une légende reprise et embellie par les écrivains Tite-Live et Virgile, Enée, héros troyen fils d'Anchise et de... Vénus se réfugia sur les bords du Tibre après la chute de sa ville. Son fils Ascagne, aussi appelé Iule, fonda la ville d'Albe la Longue, capitale du Latium.

 

Numitor, descendant d'Ascagne et roi d'Albe, eut une fille, Rhéa Silvia, qui devint vestale (servante de Vesta, déesse du foyer et du feu domestique) et dut faire serment de chasteté. Elle n'en donna pas moins le jour à des jumeaux : Rémus et Romulus, qu'elle dit avoir été conçus par le dieu de la guerre Mars en personne !

 

Un oracle ayant prédit à Amulius, frère et rival de Numitor, que les jumeaux ne lui amèneraient que des malheurs, celui-ci ordonna de les tuer. L'homme chargé du meurtre se contenta de les abandonner en un lieu désert. Ils furent recueillis par une louve et survécurent grâce à ses bons soins avant d'être enfin adoptés par Faustulus, intendant des troupeaux du roi, et sa femme.

 

 

La Louve de Rome

 

 

 

Cette statue en bronze, qui représente une louve, est d'origine étrusque. On y a vu très tôt une représentation de la louve légendaire qui nourrit Rémus et Romulus. Les deux nourrissons ont été ajoutés à la statue par un artiste de la Renaissance (musée du Capitole, Rome).

 

 

Devenus adultes, les deux frères chassèrent Amulius qui avait renversé Numitor. Puis, associés à une troupe d'aventuriers, ils décidèrent de fonder une ville à l'endroit où ils avaient été sauvés par la louve, à 25 kilomètres au nord-ouest d'Albe.

 

Pour savoir lequel règnerait sur la ville, ils demandèrent un signe aux dieux. Rémus, du haut de l'Aventin, vit six vautours, mais Romulus, lui, en vit douze du haut du Palatin !

 

 

 

Romulus et Rémus, la Louve et le Bergers

Mosaïque ,musée Civique de Larino

 

 

Romulus traça aussitôt à la charrue le périmètre de la future cité, réputé sacré et inviolable, infranchissable par des troupes en armes. Cette enceinte se conserva sous le nom de pomerium. Notons que toutes les cités antiques en possédaient l'équivalent.

 

Romulus ne put empêcher son frère de sauter par-dessus le sillon, par bravade. Et c'est alors qu'il tua son frère jumeau... Ainsi, c'est sous le signe des dieux et de la violence que naquit la Ville éternelle, empruntant son nom à son fondateur.

 

Rome se développa rapidement sous le règne éclairé de Romulus, celui-ci se faisant assister par un sénat de cent patres (ou ancêtres) qui représentaient les familles fondatrices de la ville, les familles patriciennes.

 

 

L'enlèvement des Sabines et la roche tarpéienne

 

Rome se trouvant manquer de femmes, Romulus lança une invitation à ses voisins à l'occasion de festivités destinées à honorer Neptune. Lorsque les Sabins se présentèrent, les Romains se jetèrent sur leurs filles et les enlevèrent tandis que leurs parents, terrorisés, s'enfuyaient. Les Sabins se ressaisirent et tentèrent d'investir la ville. Leur roi, Tatius convainquit une jeune fille romaine, Tarpeia, de leur ouvrir les portes de l'enceinte.

 

Tarpeia était la fille du chef de la garde romaine. Pour prix de sa trahison, elle demanda aux guerriers «ce qu'ils portaient au bras gauche» en désignant leurs beaux bracelets d'or. Une fois les guerriers dans la place, Tarpeia réclama son dû. Les Sabins s'exécutèrent et... l'étouffèrent sous le poids des boucliers qu'ils portaient aussi au bras gauche!

 

La roche tarpéienne rappelle cette triste légende. Ce lieu dédié à l'exécution des traîtres est voisin de la colline du Capitole, haut lieu du pouvoir à Rome. Il rappelle à chacun que le châtiment suprême peut succéder aux plus grands honneurs selon l'adage : «La roche tarpéienne est proche du Capitole».

 

 

 

L'enlèvement des Sabines (détail) par David

musée du Louvre

 

 

Les Sabins entrent donc dans la cité de Rome et ouvrent les hostilités quand s'interposent les jeunes victimes qu'ils se proposaient de délivrer.

 

Les Sabines avaient eu l'occasion d'apprécier tous les charmes de leurs vigoureux ravisseurs. Elles plaident avec passion pour la réconciliation et les Sabins prennent le parti de ne plus faire qu'un avec Rome. C'est ainsi que débuta (selon une belle légende) la prodigieuse expansion de Rome.

 

À Romulus succédèrent six rois. Tous furent élus par le sénat. Le premier, un Sabin du nom de Numa Pompilius, organisa les cultes, les célébrations religieuses et le calendrier.

 

Après lui, Tullus Hostilius fut un roi combattant comme le donne à penser son nom. Ancus Martius lui succéda. Sous son règne s'installa à Rome un Étrusque du nom de Lucius Tarquin l'Ancien. Citoyen émérite, il fut élu à la succession d'Ancus. Rome lui doit (toujours selon la légende) le Circus Maximus (ou Grand Cirque) dont on voit encore l'empreinte entre le Palatin et l'Aventin. Tarquin l'Ancien assainit l'emplacement du Forum, une plaine marécageuse entre les collines du Palatin et de l'Esquilin. Il fit construire un temple à Jupiter sur la colline du Capitole.

 

Tarquin ayant été assassiné par des partisans à la solde des fils d'Ancus, c'est son gendre Servius Tullius qui lui succède. Il bâtit une nouvelle enceinte qui englobe les sept collines de Rome. Il organise aussi la société romaine en cinq classes selon une hiérarchie fondée sur la fortune (le principe est proche de celui qu'applique Solon à la même époque à Athènes).

 

Ces réformes ne plaisent pas à tout le monde. Aussi Servius Tullius est-il assassiné par le fils de Tarquin l'Ancien, Tarquin le Superbe (on situe cet épisode vers 534 avant JC). Tarquin le Superbe et son épouse Tullia exercent une odieuse tyrannie tout en poursuivant les travaux d'embellissement de leurs prédécesseurs. C'est ainsi qu'est construit le grand égoût de la ville, le Cloaca Maxima.

 

Tite-Liveraconte qu'un jour apparut un énorme serpent dans la résidence du roi. Tarquin envoya deux de ses fils et son neveu Brutus à Delphes, en Grèce, pour interroger le célèbre oracle sur la signification de cet événement. Les princes en profitèrent pour demander à l'oracle qui serait le prochain roi de Rome. À quoi il répondit : «Celui qui le premier donnera un baiser à sa mère». Brutus, dont le père et le frère avaient été assassinés par Tarquin se faisait passer pour un imbécile (d'où son nom) afin de ne pas subir leur sort. Il n'en était pas moins plus malin que les autres et sitôt qu'il eût entendu l'oracle, fit mine de trébucher et baisa... notre mère à tous, la Terre !

 

 

Le viol de Lucrèce
 
 

Plus tard à Rome, au cours d'une soirée entre jeunes nobles, l'un d'eux, Tarquin Collatin, affirma que sa femme, Lucrèce, surpassait toutes les autres en vertu et il amena ses amis chez lui pour le leur prouver. Le groupe fut accueilli par la jeune femme qui cousait et filait avec ses servantes... Rien à redire. Mais l'un des fils du roi, Sextus Tarquin, fut séduit par le charme de la jeune femme et revint chez elle une nuit à l'improviste. L'épée à la main, il la somma de lui céder sous peine de la faire accuser de fornication avec un esclave. Lucrèce se soumit.

 

Le lendemain, elle raconta le viol à son père et à son mari, en présence de... Brutus, un ami de la famille. Puis saisissant un couteau, elle se l'enfonça dans la poitrine et mourut. Indigné, Brutus souleva le peuple contre le tyran et sa famille qui furent chassés tandis qu'était tué Sextus Tarquin.

 

Ainsi naquit la République romaine avec Brutus et Collatin pour premiers consuls. La légende est belle. Elle est aussi en partie vraie et recoupe par endroits les enseignements de l'archéologie et de l'historiographie.

 

Un jour... une histoire... 20 avril

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Un jour... une histoire... 20 avril

 

René Caillé

 

20 avril 1828 

René Caillié entre à Tombouctou
 
 
 
Le 20 avril 1828, l'explorateur René Caillié découvre Tombouctou, une cité interdite aux chrétiens, sur les bords du Niger.
 
 
 
Le rêve fou d'un pauvre jeune homme
 

Né le 19 novembre 1799 dans le ménage d'un boulanger misérable, le jeune René Caillié (on écrit aussi Caillé) a grandi en rêvant aux noms mystérieux inscrits sur les cartes d'Afrique. À 16 ans, il quitte son village de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) avec l'ambition de devenir le premier Européen à entrer à Tombouctou... et à en revenir.

 

Il est enrôlé comme moussaillon sur une escadrille qui quitte Bordeaux pour le Sénégal le 27 avril 1816. Elle a mission de reprendre le Sénégal que le traité de Paris a restitué à la France après la chute de Napoléon, quelques mois plus tôt. Elle compte cinq navires de guerre dont la frégate La Méduse, vouée à une tragique célébrité.

 

René Caillié échappe au naufrage et arrive à Saint-Louis-du-Sénégal. Là, il a connaissance d'une expédition anglaise qui se prépare à partir sur les traces d'un célèbre explorateur écossais, Mungo Park, disparu depuis plus de dix ans dans l'Afrique intérieure.

 

Démuni de tout, il suit deux Noirs dans la forêt et tente de rejoindre le major Gray qui commande l'expédition en question. Mais trop épuisé, il doit renoncer et embarque sur un navire à destination de la Guadeloupe. De là, il retourne à Bordeaux.

 

 

L'aventure à tout prix
 

Une deuxième fois, il trouve le moyen de revenir à Saint-Louis et rejoint une nouvelle expédition britannique, partie cette fois à la rescousse du major Gray, prisonnier d'un roitelet local. René Caillié, en manque de ressources, participe à quelques voyages vers les Antilles et économise 2.000 francs. En 1824, il peut enfin revenir au Sénégal pour réaliser son rêve de jeunesse.

 

Le gouverneur, le baron Roger, tente de le dissuader. Il lui fait valoir qu'un grand nombre d'Européens ont déjà perdu la vie en tentant de rejoindre Tombouctou... Et ce n'est pas fini ! L'année suivante, un officier britannique, Alexander Gordon Laing, quitte Tripoli, sur la côte méditerranéenne, avec une petite escorte et le soutien officiel du gouvernement britannique. On apprendra plus tard qu'il a été tué sur le chemin du retour.

 

L'inconscient ne veut rien entendre et s'obstine dans son rêve d'atteindre Tombouctou !

 

 

Léon l'Africain et Tombouctou, la «cité interdite»

 

Localisée au coeur de l'Afrique occidentale, au nord du fleuve Niger, dans une zone encore inconnue des Européens, Tombouctou a une réputation de sainteté dans l'islam noir depuis l'époque lointaine où elle faisait partie de l'empire songhai. Son existence a été révélée aux Européens par Léon l'Africain.

 

Ce voyageur est né dans une famille musulmane de Grenade (Andalousie) en 1488 sous le nom de Hassan al-Wazzan, peu avant la prise de cette ville par les Rois catholiques. Réfugié au Maroc, il accompagne son oncle en mission diplomatique auprès du souverain du Songhai, l'askia Mohamed Touré, pour le compte du roi du Maroc. Il est capturé en 1518 par des pirates siciliens au retour d'un pèlerinage à La Mecque. Ses ravisseurs l'offrent au pape Léon X, né Jean-Léon de Médicis. Celui-ci, appréciant son intelligence, l'adopte comme son fils et le fait baptiser sous son propre nom.

 

Désormais connu sous le nom de Léon l'Africain, le jeune Andalou met sa science au service du pape. On lui doit la première description de l'Afrique... et la première évocation de Tombouctou, où il n'est pas sûr qu'il soit réellement allé ! Léon l'Africain évoque ses mosquées, où seraient conservés de précieux manuscrits arabes, et ses palais aux toits revêtus d'or. Il souligne que les chrétiens sont particulièrement malvenus dans la «cité interdite».

 

René Caillié décide avant toute chose d'adopter les manières locales.

 

Il rejoint un groupe de Maures et en un an, apprend leurs coutumes ainsi que quelques rudiments de langue arabe. Il s'applique à déchiffrer le Coran.

 

 

René Caillé en pélerin musulman

 

 

Enfin, le 19 avril 1827, René Caillié quitte Saint-Louis avec une petite caravane, se faisant passer pour un enfant d'Alexandrie (Égypte) enlevé par les troupes de Bonaparte et désireux de revenir chez lui.

 

La longueur de son nez et la couleur de sa peau n'en finissent pas d'étonner. Son parapluie rouge excite la curiosité. Il mendie l'hospitalité et la protection des chefs locaux, cachant avec soin l'argent qui doit lui assurer le retour. Supportant des épreuves et des humiliations sans nom, malade même du scorbut, il arrive sur les bords du Niger et se repose à Kankan, une petite ville africaine de la Guinée actuelle, en pays mandingue.

 

Nouveau départ pour Djenné, ville commerçante de grande réputation. Il y arrive le 14 mars 1828. Dans cette ville exclusivement africaine, il a la surprise de découvrir des marchandises d'Europe, preuve de flux commerciaux notables via le Maroc et le Sénégal.

 

Un an jour pour jour après son départ du Sénégal, il débarque en pirogue à Cabra (ou Kabara), le port de Tombouctou sur le Niger. Le lendemain, «au moment où le soleil se couchait à l'horizon», il a le bonheur de toucher au but. Bonheur immédiatement terni par la réalité.

 

C'était donc cela, Tombouctou ? Une ville africaine assoupie entre le fleuve et le désert.

 

 

 

Tombouctou - croqui de René Caillé

 

 

Aucune trace des richesses espérées (toits en or, dallages,...) ni d'une quelconque effervescence intellectuelle et religieuse. La ville, qui plus est, a été pillée par des Touaregs peu de temps auparavant.

 

Après deux semaines durant lesquelles il accumule des notes entre les pages de son Coran, René Caillié prend le chemin du retour avec une caravane d'esclaves qui remonte vers le Maroc. Traité comme une bête, il souffre comme jamais mais arrive néanmoins à Fès le 12 août 1828.

 

Quelques jours plus tard, il se présente en loques au vice-consul de France à Tanger, Monsieur Delaporte. Celui-ci le prend dans ses bras et pleure d'émotion. Membre de la Société de Géographie, il mesure l'exploit à sa juste dimension et assure au jeune explorateur un retour triomphal en France.

 

Le 5 décembre 1828, à Paris, en présence de l'illustre paléontologue Georges Cuvier, la Société de Géographie fait fête à René Caillié et lui remet la somme de 10.000 francs promise au premier Européen qui ramènerait une description de Tombouctou.

 

René Caillié publie son Journal d'un voyage à Tombouctou. C'est aussitôt un grand succès de librairie. L'explorateur peut désormais se reposer. Il revient dans sa région natale où il meurt le 15 mai 1839, à 39 ans, marié et père de quatre enfants.

 

 

Un jour... une histoire... 19 avril 1314

Publié à 08:13 par acoeuretacris Tags : un jour 19 avril
Un jour... une histoire... 19 avril 1314

 

Philippe le Bel

 

19 avril 1314

Les amants scandaleux
 
 
 

Deux chevaliers sont exécutés à Pontoise, dans d'atroces conditions, le 19 avril 1314 («le vendredi qui suivit le dimanche de Quasimodo», selon une chronique de l'époque). Leur crime est d'avoir aimé des princesses.

 

Les frères d'Aunay sont les principales victimes du scandale dit «de la tour de Nesle» qui assombrit la dernière année du règne de Philippe IV le Bel.

 

 

Pénible fin de règne pour Philippe le Bel
 

Le scandale blesse cruellement l'amour-propre de ce roi profondément pieux qui, d'après le témoignage des contemporains, resta chaste après la mort de son épouse Jeanne de Navarre, survenue neuf ans plus tôt.

 

Le roi a eu quatre enfants qui devaient atteindre l'âge adulte : une fille, Isabelle, plus tard reine d'Angleterre, surnommée la «Louve de France» et trois fils qui allaient à tour de rôle monter sur le trône capétien : Louis, Philippe et Charles.

 

– L'aîné, Louis, a un caractère difficile qui lui valut le surnom de «Hutin» ou de «Noiseux». Il épouse Marguerite, fille de Robert de Bourgogne et d'Agnès, elle-même fille de Saint Louis. Altière et un rien frondeuse, cette jolie jeune femme aimait la vie.

 

– Philippe, prince intelligent, épouse Jeanne d'Artois, fille d'Othon IV de Bourgogne et de Mahaut d'Artois.

– Charles, à la personnalité plus effacée, épouse Blanche, la soeur de Jeanne, plus frivole que cette dernière et facilement influencée par sa belle-soeur Marguerite.

 

 

Princesses adultères

 

 

Philippe le Bel en famille (miniature du livre de Nina et Kalina - 1313)

 

Les jeunes brus de Philippe le Bel donnent à la cour un air de gaieté très apprécié, qui contraste avec l'austérité du roi et de son entourage. Or, après trois ou quatre ans de mariage, voilà que Marguerite et Blanche prennent pour amants de «jeunes et biaux chevaliers», les frères Gautier et Philippe d'Aunay. On chuchote à la cour, mais personne n'ose en souffler mot à Philippe le Bel.

 

L'affaire s'évente pourtant en avril 1314, à l'abbaye de Maubuisson où le roi aime à se retirer avec sa cour. Il semble, suivant certains historiens, que c'est leur belle-soeur Isabelle qui les dénonce. Immédiatement, Philippe le Bel fait faire une enquête qui, malheureusement, ne laisse pas de place au doute. Elle démontre de surcroît que Jeanne est au courant de tout.

 

La justice royale s'abat implacablement sur les amants adultères. Marguerite et Blanche sont arrêtées, jugées et condamnées à être tondues, habillées de robes grossières et conduites dans un chariot recouvert de draps noirs aux Andelys, dans les geôles du château Gaillard.

 

Marguerite, éplorée et repentante, y occupe une cellule ouverte à tous vents au sommet du donjon.

 

Et de Navarre la reine
Prise comme garce et méchine
Et en prison emprisonnée
A Gaillard où elle fut menée
Dont le royaume était troublé.

(Geoffroi de Paris)

 

[Le mari de Marguerite, Louis le Hutin, fut roi de Navarre avant d'être roi de France]

 

Victime de mauvais traitements et sans doute étranglée sur ordre de son mari, désireux de se remarier au plus vite, la malheureuse est retrouvée morte dans sa cellule à l'été 1315.

 

Blanche est un peu mieux traitée dans un cachot «enfoncé dans la terre». Elle survit à l'épreuve. À l'avènement de Charles IV, son époux, elle est transférée à Gavray, en Normandie, et obtient l'autorisation de prendre l'habit de religieuse. Elle finit ses jours en 1326, à l'abbaye de Maubuisson. Jeanne est aussi arrêtée et placée sous surveillance au château de Dourdan. Traitée avec beaucoup plus d'égards, elle défend sa cause auprès du roi :

 

Por Dieu, oez moi, sire roi
Qui est qui parle contre moi ?
Je dis que je suis prude fame
Sans nul crisme et sans nul diffame.

(Jean de Troyes)

 

Mahaut d'Artois, qui siège au Conseil du roi, plaide pour sa fille Jeanne. Considérant qu'il eut été difficile à celle-ci de dénoncer sa soeur et sa belle-soeur, on lui pardonne et on lui rend rapidement sa liberté. Elle retrouve sa place auprès de son époux Philippe ainsi qu'à la cour, où on lui fait fête.

 

 

Lesamants au supplice
 

Les frères d'Aunay, coupables d'avoir batifolé avec les belles-filles du roi de France, sont arrêtés et subissent la question. Ils avouent sans tarder et après un rapide jugement à Pontoise pour crime de lèse-majesté, ils sont exécutés sur le champ en place publique.

 

Leur supplice est épouvantable : dépecés vivants, leur sexe tranché et jeté aux chiens, ils sont finalement décapités, leurs corps traînés puis pendus par les aisselles aux gibets.

 

On reste confondu devant tant de cruauté et, si le peuple a l'habitude de ces pratiques, il trouve néanmoins le châtiment bien sévère pour une faute qui, d'ordinaire, n'entraîne pas tant de violence... C'est sans mesurer les conséquences d'un tel comportement adultère. Au-delà de l'affront fait à la famille royale, ce crime est en effet une atteinte aux institutions du royaume plus encore qu'à la morale : il met tout simplement en péril la dynastie capétienne.

 

En effet, quelles auraient été la légitimité et l'autorité d'un futur souverain dont on aurait pu mettre en doute la royale paternité ? Comment sacrer et donner l'onction divine à un roi qui n'aurait pas été, sans équivoque possible, le fils du roi précédent ? Les implications politiques sont si graves que le châtiment se doit d'être exemplaire.

 

Mais ce scandale pose à la maison du roi un autre problème. En effet, l'adultère n'est pas considéré par l'Église comme un motif suffisant pour annuler un mariage. Comment assurer la descendance dynastique et la venue d'un hoir (héritier) mâle ?

 

 

Quel avenir pour la dynastie ?
 

Au moment où éclate l'«affaire de la tour de Nesle», Louis (le futur roi) et Marguerite ont déjà une fille, Jeanne (future reine de Navarre et mère de Charles le Mauvais). La mort rapide de Marguerite, dans sa prison, permet à Louis de se remarier avec Clémence de Hongrie, mais il n'en a qu'un enfant posthume, Jean 1er, lequel ne vit que cinq jours (comme quoi l'assassinat de Marguerite ne lui a été d'aucune utilité !).

 

Philippe V le Long succède à son frère Louis Le Hutin et à Jean 1er Le Posthume. Il n'a pas de mal à utiliser l'affaire d'adultère pour écarter sa nièce, la petite Jeanne, de la succession au trône (la prétendue loi salique sur l'exclusion des femmes de la succession au trône de France n'est pas invoquée à cette occasion ; elle ne sera mentionnée pour la première fois qu'en 1358, dans une chronique). Mais Jeanne d'Artois, son épouse réhabilitée, ne lui donne «que» trois filles et aucun garçon.

 

À sa mort, son frère cadet monte donc à son tour sur le trône sous le nom de Charles IV le Bel. Attaché à Blanche, malgré l'affront, il vit douloureusement sa disgrâce.

 

Les deux époux s'accordent sur l'obligation politique d'annuler le mariage. Reste à trouver une justification acceptable par le pape. Le couple royal ne peut invoquer l'argument classique d'une trop proche parenté comme ce fut autrefois le cas pour Louis VII et Aliénor d'Aquitaine.Mais quand on veut on peut... Charles se souvient que la mère de son épouse, Mahaut d'Artois, était sa marraine et, par là même,... sa «mère spirituelle». Son épouse Blanche est donc, en quelque sorte, «sa soeur»!

 

Cette clause de parenté spirituelle étant un motif de nullité prévu par le droit canonique, il peut se remarier avec Marie de Luxembourg. Las, cette deuxième épouse, enceinte, meurt prématurément et Charles n'hésite pas à épouser Jeanne d'Évreux, sa cousine (nécessité faisant loi, il fallut bien que le Ciel s'accommodât de cette autre parenté). Le roi n'a pas plus de chance avec cette troisième épouse. Elle lui donne une première fille qui meurt prématurément puis une fille posthume.

 

Isabelle, la «Louve de France», seule fille de Philippe IV le Bel, n'a pas une vie conjugale plus enviable que ses belles-soeurs. Délaissée par son époux Édouard II, roi d'Angleterre, qui préfère les jeunes pages, elle vit au vu et au su de tous avec son amant, le baron Roger Mortimer. La mort «naturelle» en 1327 de son mari, emprisonné par elle-même à Berkeley, ainsi que le trop jeune âge de son fils Édouard III, lui permettent d'exercer avec son amant une régence de fait.

 

En 1330, Édouard III reprend le pouvoir, fait exécuter Mortimer et relègue sa mère au château de Norfolk où elle meurt en 1358. On n'a pas fini d'entendre parler de lui...

 

Ainsi troublées furent les destinées conjugales des derniers représentants des Capétiens directs. Si Marguerite de Bourgogne n'avait pas si gravement fauté, peut-être aurait-elle donné un fils à Louis X, assurant ainsi la continuité de la dynastie... mais on ne refait pas l'Histoire !

 

Faute d'héritier mâle en ligne directe, la noblesse du royaume donne le trône au représentant de la branche cadette des Valois. Celui-ci devient roi sous le nom de Philippe VI non sans exciter la rancoeur de ses rivaux, dont le roi d'Angleterre et celui de Navarre. Il en résultera la guerre de Cent Ans!

 

 

Une légende qui a la vie dure

 

 

 

Gravure de l'ancienne Tour de Nesle

 

L'affaire d'adultère des brus de Philippe le Bel est souvent appelée à tort «Scandale de la tour de Nesle». Si l'hôtel de Nesle a bien existé et a été offert en 1319 à Jeanne par Philippe le Long, il n'a pas été le théâtre de ces événements, quoi qu'en dise Alexandre Dumas:-) Jeanne l'occupa seulement après la mort de son époux.

 

La gravure ci-dessus montre la tour de Nesle telle qu'elle était juste avant sa démolition en 1663. Elle a laissé place à l'Institut de France et à la bibliothèque Mazarine.

 

 

Les Rois maudits
 

Cet enchaînement de drames à la cour royale a inspiré une pièce de théâtre au jeune Alexandre Dumas en 1832 : La Tour de Nesle. Il a aussi inspiré une grande fresque romanesque à Maurice Druon, sous le titre : Les rois maudits, magnifiquement adaptée à la télévision dans les années 1960. Frissons assurés.

 

Les siècles suivants nous ont habitués aux nombreuses maîtresses des rois, mais ce comportement n'a pas eu de conséquence politique sur la légitimité dynastique.

 

On trouve pourtant un autre cas semblable d'adultère dans l'Histoire de France. Le dauphin Charles, futur Charles VII, n'ignorait rien des frasques de sa mère Isabeau de Bavière. Il en garda un doute qui rongea sa fragile personnalité déjà minée par un contexte politique bien difficile. Il semble que c'est Jeanne d'Arc qui réconforta le roi de Bourges sur sa situation filiale lors de l'entrevue de Chinon, lui rendant ainsi un peu de son assurance.

Un jour... une histoire... 18 avril 1904

Publié à 10:32 par acoeuretacris Tags : un jour 18 avril
Un jour... une histoire... 18 avril 1904

 

18 avril 1904

Jean Jaurès fonde L'Humanité
 
 
 
Le 18 avril 1904 paraît le premier numéro du quotidien L'Humanité. Son fondateur est Jean Jaurès (44 ans).
 
 
 
Le philosophe en action
 
 
 
Né dans une famille bourgeoise de Castres (Tarn), ce professeur de philosophie est un homme de très grande culture, helléniste et germanophone, et surtout un tribun hors pair, au verbe caressant et généreux.
 

Les mineurs de Carmaux, dont il a soutenu une grève en 1892, lui offrent un siège de député socialiste.

 

Humain et démocrate, il prend parti pour Dreyfus et s'oppose au sein du parti socialiste aux marxistes rigoristes Jules Guesde et Édouard Vaillant.

 

Journaliste talentueux, Jean Jaurès s'attire un grand succès avec L'Humanité. Tiré à 140.000 exemplaires, le nouveau quotidien français ne tarde pas à réunir d'illustres signatures comme Léon Blum, Anatole France, Aristide Briand, Jules Renard, Octave Mirbeau, Tristan Bernard, Henri de Jouvenel,...

 

 

Les socialistes de la division à l'union
 
 

Quelques mois après la création du journal, le congrès d'Amsterdam de l' Internationale socialiste réprouve toute forme de collaboration des socialistes avec les partis «bourgeois». C'est une victoire pour Jules Guesde.

 

Au congrès de Paris, le samedi 23 avril 1905, Jean Jaurès se rallie avec armes et bagages au nouveau parti socialiste de Jules Guesde: la SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière). L'Humanité en devient très vite le porte-parole. Jean Jaurès, qui a feint de s'incliner, ne s'avoue pas vaincu. Avec Édouard Vaillant, il arrive à reprendre la tête de la SFIO et impose une orientation réformiste au parti.

 

 

La générosité assassinée
 
 

Jean Jaurès poursuit à la Chambre des députés son combat oratoire en faveur des travailleurs mais aussi contre la politique coloniale de la République et en faveur d'une réconciliation franco-allemande. Ces orientations téméraires lui valent la haine des «revanchards» qui le classent au mieux comme une dupe, au pire comme un traître à la nation... Notons que ce leader de premier plan n'a pas une seule fois été ministre !

 

Le 31 juillet 1914, à l'avant-veille de la Grande Guerre, un déséquilibré du nom de Raoul Villain tire au revolver sur Jean Jaurès, assis au café du Croissant, dans un quartier nord de Paris. Il lui reproche (à tort) d'être opposé à la mobilisation générale et à la guerre imminente contre l'Allemagne.

 

Le mois suivant, les socialistes Jules Guesde et Marcel Sembat entrent dans le gouvernement d'«Union sacrée» pour conduire la guerre contre l'Allemagne.

 

L'assassin de Jaurès sera jugé et acquitté après la guerre cependant que le 24 novembre 1924, après la victoire du Cartel des gauches aux élections législatives, la dépouille de sa victime sera solennellement transférée au Panthéon.

 

 

 

Transfert des cendres de Jean Jaurès au Panthéon

 

 

La SFIO, quant à elle, sera victime de la division entre les partisans de Lénine et ses opposants. Le 29 décembre 1920, au congrès de Tours, la majorité de ses militants rejoindront le nouveau Parti communiste français et L'Humanité en deviendra l'organe officiel. Léon Blum restera aux commandes de la SFIO. Il assumera la garde de la «vieille maison»jusqu'à la victoire du Front Populaire aux élections législatives de 1936. Ce sera une forme de revanche posthume de Jean Jaurès.

 

Un jour... une histoire... 17 avril 1492

Publié à 10:46 par acoeuretacris Tags : un jour 17 avril
Un jour... une histoire... 17 avril 1492

 

Christophe Colomb

 

Le 17 avril 1492, les souverains espagnols signent les Capitulations de Santa Fé. Par ce contrat, ils permettent à Christophe Colomb de traverser vers l'ouest la «mer Océane» (l'océan Atlantique).

 

De laReconquistaà la découverte
 

Le navigateur génois, alors âgé de 41 ans, rumine le projet de gagner les Indes et la Chine en contournant la Terre par l'Ouest. D'après ses calculs (erronés), il est convaincu que l'océan (l'Atlantique) est moins large qu'on ne le croit et que sa traversée est à la portée des frêles navires de l'époque.

 

Christophe Colomb a d'abord pris contact avec le Sénat de Gênes puis avec le roi du Portugal en vue d'obtenir un financement de 2 millions de maravedis. Mais les Portugais sont sur le point de contourner l'Afrique et espèrent arriver aux Indes par l'Est. C'est pourquoi le roi Jean II du Portugal refuse ses offres.

 

Veuf, Colomb quitte Lisbonne avec son fils Diego, alors âgé de 5 ans. Il est accueilli au monastère franciscain de la Rabida, près de Huelva, en Espagne, où il reçoit l'appui fervent du père Marchena.

 

Celui-ci le recommande à des armateurs de Séville, les frères Pinzon, et lui ménage une première entrevue avec les rois d'Espagne, Ferdinand V d'Aragon et Isabelle 1ère de Castille, en 1486, au château de Jaen, où les souverains préparent la conquête du royaume nasride de Grenade.

 

Isabelle est intéressée mais rien ne se concrétise. Une commission de savants présidée par le confesseur de la reine, Hernando de Talavera, rejette son projet.

 

Colomb ne se décourage pas. Il s'installe en Espagne et se met en ménage avec une jeune femme de Cordoue, Beatriz de Arana, qui lui donnera un second fils, Ferdinand, cependant que son frère Bartolomeo se rend en Angleterre pour tenter de convaincre le roi Henri VII puis en France pour rencontrer la régente Anne de Beaujeu. Échec sur toute la ligne.

 

Malgré leur ténacité et leur force de persuasion, le navigateur et son frère voient le projet tomber à l'eau quand survient l'heureuse surprise de la chute de Grenade. La capitale du dernier royaume musulman de la péninsule est tombée le 2 janvier 1492 entre les mains des souverains espagnols, Ferdinand et Isabelle.

 

Colomb se rend dans leur camp de Santa Fé (la Sainte Foi), à quelques kilomètres de Grenade. Il leur présente une nouvelle fois son projet sans plus de succès et, dépité, prend le chemin de la France !

 

Pendant ce temps, la reine réfléchit... Après le triomphe espagnol sur les musulmans, le projet de Christophe Colomb n'offre-t-il pas en prime une occasion de damer le pion aux Portugais et de conclure en beauté la Reconquista (la Reconquête) ?

 

Elle en parle à son mari et, après moult hésitations, les deux souverains rappellent le Génois !

 

Par les Capitulations de Santa Fé du 17 avril 1492, ils lui accordent le titre très prestigieux d'Amiral, d'ordinaire réservé à un membre de la famille royale. Le titre concerne toutes les terres et les îles à découvrir, donnant au navigateur le droit d'y exercer la justice et d'y percevoir l'impôt au nom des Rois.

 

La générosité des souverains s'explique certes par leur euphorie après la chute de Grenade... mais aussi par la quasi-certitude que l'explorateur ne reviendra jamais de son voyage !

Un jour... une histoire... 16 avril 1917

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Un jour... une histoire... 16 avril 1917

 

16 avril 1917

L'offensive du Chemin des Dames et les mutineries
 
 
 

Le 16 avril 1917, les Français lancent une grande offensive en Picardie, sur le Chemin des Dames, un escarpement de 35 kilomètres qui s'étire de Craonne, à l'est, au moulin de Laffaux, sur la route Soissons-Laon (son nom évoque une route qu'avaient coutume d'emprunter les filles de Louis XV).

 

Mal préparée, mal engagée, elle va entraîner un profond ressentiment chez les soldats et une reprise en main des questions militaires par le gouvernement.

 

 

Le Chemin des Dames aujourd'hui

 

 

Paysage du Chemin des Dames près du fort de Malmaison

 

 

C'est dans ce paysage aujourd'hui souriant qu'a eu lieu la sanglante offensive du Chemin des Dames, une route de crête, orientée est-ouest, à mi-chemin de Laon (au nord) et de Soissons (au sud).

 

 

Échec sanglant
 
 

L'échec de l'offensive est consommé en 24 heures malgré l'engagement des premiers chars d'assaut français (une quarantaine). On n'avance que de 500 mètres au lieu des 10 kilomètres prévus, et ce au prix de pertes énormes : 30.000 morts en dix jours.

 

Le général Robert Nivelle, qui a remplacé le général Joseph Joffre à la tête des troupes françaises le 12 décembre 1916, en est tenu pour responsable.

 

Lors de la conférence interalliée de Chantilly, en novembre 1916, il assurait à tout un chacun que cette offensive serait l'occasion de la «rupture» décisive tant attendue grâce à une préparation massive de l'artillerie qui dévasterait les tranchées ennemies en profondeur. «Je renoncerai si la rupture n'est pas obtenue en quarante-huit heures» promettait-il aussi !

 

Mais le lieu choisi, non loin de l'endroit où s'était déroulée la bataille de la Somme de l'année précédente, n'est pas le moins du monde propice à la progression des troupes, avec ses trous d'obus et ses chemins défoncés.

 

Qui plus est, avant l'attaque, les Allemands ont abandonné leurs premières tranchées et construit un nouveau réseau enterré à l'arrière, plus court, de façon à faire l'économie d'un maximum de troupes : la ligne Hindenburg.

 

Une offensive parallèle est menée par les Anglo-Canadiens au nord de la Somme, près d'Arras et de la crête de Vimy. Plus chanceux que leurs alliés, ils avancent dès le premier jour d'un à cinq kilomètres, les Allemands ayant allégé leur dispositif pour concentrer leurs efforts sur le Chemin des Dames.

 

 

 

Une tranchée pendant l'offensive du Chemin des Dames

 

 

Désespoir et mutineries
 
 

Après l'attaque du Chemin des Dames, au cours de laquelle sont morts pour rien 29.000 soldats français, la désillusion est immense chez les poilus. Ils ne supportent plus les sacrifices inutiles et les mensonges de l'état-major.

 

Des mutineries éclatent çà et là. En fait de mutineries, il faudrait plutôt parler d'explosions de colère sans conséquence pratique (aucun soldat n'a braqué son arme sur un gradé ; aucune compagnie n'a déserté). Elles surviennent à l'arrière, dans les troupes au repos qui, après s'être battues avec courage mais inutilement, apprennent que leurs supérieurs veulent les renvoyer au front sans plus d'utilité.

 

Le général Nivelle, qui n'a pas tenu sa promesse d'arrêter les frais au bout de 48 heures, est limogé le 29 avril 1917 et remplacé par le général Pétain, auréolé par ses succès de l'année précédente à Verdun. Il s'en faut de beaucoup que ce changement ramène la discipline dans les rangs et les mutineries se reproduisent en assez grand nombre jusqu'à la fin du printemps.

 

Le nouveau commandant en chef s'applique en premier lieu à redresser le moral des troupes. Il sanctionne, semble-t-il, avec modération les faits d'indiscipline collective, limitant à quelques dizaines le nombre d'exécutions...

 

L'historien Guy Pedroncini chiffre le nombre de condamnations à 3.500 environ et les exécutions effectives à 60 ou 70. Les autres condamnés voient leur peine commuée en travaux forcés (ils échappent du même coup à la guerre !). L'historien Jean-Baptiste Duroselle évalue à 250 le total des mutineries sur le front français au printemps 1917. Elles auraient impliqué un maximum de 2.000 soldats et se seraient soldées par 27 exécutions pour faits d'indiscipline collective.

 

À l'arrière, notons-le, on sévit avec moins de ménagement contre les défaitistes et les supposés traîtres. Ainsi fusille-t-on une pitoyable demi-mondaine, Mata-Hari.

 

 

Lesexécutions et les mutineries en question
 
 

Il y eut au total pendant la Grande Guerre autour de 600 soldats français condamnés à mort et passés par les armes, 330 anglais, 750 italiens, 48 allemands (ce dernier chiffre est sans doute sous-estimé quoique les tribunaux allemands, à la différence des français, admissent les circonstances atténuantes en cas d'abandon de poste).

 

Ces exécutions pour abandon de poste en présence de l'ennemi, mutilation volontaire ou... crime de droit commun (viol, rapine, meurtre), eurent surtout lieu dans la première année du conflit, parfois même sans jugement, quand le général Joffre cherchait dans la troupe des responsables à la faillite de son plan XVII.

 

Jean-Jacques Becker, spécialiste de la Grande Guerre, rappelle cependant que le commandement français n'a pas procédé à des «fusillés pour l'exemple». En d'autres termes, il n'y a pas eu de soldats pris au hasard et fusillés pour sanctionner l'indiscipline de leur unité. Au contraire de l'armée italienne où le général Luigi Cardona, responsable du désastre de Caporetto, n'a pas craint de sanctionner les défaillances de la troupe par «décimation», à la façon de la Rome antique. Notons aussi que l'armée australienne s'interdisait les condamnations à mort comme le rappelle Nicolas Offenstadt dans Les fusillés de la Grande Guerre (Odile Jacob, 1999).

 

En France, dans les années 1920, beaucoup de fusillés furent réhabilités à la demande de leurs compagnons survivants ou de leurs familles et l'on construisit même des monuments en leur souvenir, par exemple à Vingré (Aisne). La plupart ont aussi leur nom sur le monument aux morts de leur village, les concepteurs de ces monuments s'étant rarement appesantis sur les conditions de leur disparition... Les Anglais ont quant à eux attendu 1993 pour une démarche de «pardon» à l'égard de leurs fusillés.

 

Les mutineries du printemps 1917 sont passées pratiquement inaperçues des contemporains et n'ont suscité l'intérêt des historiens qu'à partir des années 1930.

 

Les soldats fusillés de 1914-1915 ont inspiré au cinéaste américain Stanley Kubrick Les sentiers de la gloire (1957), avec Kirk Douglas dans le rôle principal. Remarquable sur le plan cinématographique, ce film est très éloigné de la réalité de la guerre. Un autre film, français celui-là, évoque des soldats jetés sur les lignes ennemies pour s'être volontairement mutilés : Un long dimanche de fiançailles (Jean-Pierre Jeunet, 2004). Le fait de punir de la sorte des insoumis s'est peut-être produit mais rien ne l'atteste selon Jean-Jacques Becker.

 

 

La chanson de Craonne

 

Le ressentiment et le désespoir des poilus, s'exprime dans la Chanson de Craonne, sur un air de bal-musette. Soulignons que cette chanson a été écrite et popularisée dans les milieux pacifistes après la Grande Guerre et n'a jamais été entonnée par les poilus.

 

Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

 

Refrain:
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

 

 

 

Photo d'une exécution

 

 

Un jour... une histoire... 15 avril 1874

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Un jour... une histoire... 15 avril 1874

 

 Claude Monet

 

15 avril 1874

Première exposition de l'Impressionnisme
 
 
 

Le 15 avril 1874, une trentaine de peintres exposent leurs oeuvres dans l'atelier de leur ami, le photographe Félix Tournachon, plus connu sous le pseudonyme Nadar, au 35, boulevard des Capucines.

 

Nombre d'entre eux ont déjà participé onze ans plus tôt au «Salon des Refusés» autour d'Édouard Manet.

 

 

Le Salon des Refusés
 

L'aventure commence à l'apogée du Second Empire, lorsque Édouard Manet et d'autres artistes d'avant-garde sont rejetés par le jury du Salon qui s'est ouvert au palais de l'Industrie de Paris le 1er mai 1863. À l'origine du refus, une toile d'Édouard Manet intitulée Le Bain et aujourd'hui appelée Le Déjeuner sur l'herbe... Devant l'émotion suscitée par l'affaire, l'empereur Napoléon III lui-même décide de les accueillir le 15 mai 1863 dans un «Salon des Refusés» à côté du Salon officiel !

 

Édouard Manet devient dans les années 1860 le chef de file de l'avant-garde picturale. Il retrouve ses amis Edgar Degas, Camille Pissaro ou encore l'écrivain naturaliste Émile Zola au café Guerbois.

 

 

Du Salon des Refusés à l'impressionnisme
 

Onze ans plus tard, l'exposition organisée dans l'atelier de Nadar reçoit la visite, parmi d'autres, d'un certain Louis Le Roy, critique du journal Le Charivari. Il ironise sur ces peintres qui se détournent de la manière académique en vogue sous le Second Empire et au début de la IIIe République.

 

Il intitule son article «L'exposition les impressionnistes», d'après le titre d'un tableau de Claude Monet : Impression soleil levant (1872) qui fait partie de l'exposition.

 

 

 

Impression soleil levant

Claude Monet

(Musée Marmottan, Paris)

 

 

Prétendant ridiculiser les exposants, le critique écrit : «Impression, impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans».

 

Le qualificatif d'impressionniste va rester au groupe pour la postérité ! La plupart de ces peintres : Boudin, Cézanne, Degas, Monet, Pissaro, Renoir, Sisley... font aujourd'hui les choux gras des salles des ventes.

 

 

Claude Monet, de Londres à Paris

 

Claude Monet a eu la révélation de sa vie à Londres, où il s'était réfugié en 1870-1871 pour échapper à la guerre franco-prussienne.

 

Alors âgé de 30 ans, il découvre dans les musées l'oeuvre de Joseph William Turner, mort 20 ans plus tôt. Celui-ci a peint, comme personne avant lui, les nuances de la lumière et les reflets du soleil sur l'eau. À son retour en France, en 1872, de passage au Havre, Claude Monet représente le port, vu de la fenêtre de son hôtel, à la manière de Turner. Il baptise sa toile faute de mieux Impression, Soleil levant. Deux ans plus tard, il la présente à l'exposition de son ami Nadar. La toile va être achetée par l'amateur Ernest Hoschedé pour 800 francs.

 

Le peintre, à Londres, comme à Paris et plus tard dans sa maison de Giverny, en Normandie, s'illustre par la multiplication de «séries» qui montrent les variations de la lumière autour d'un même motif : la Tamise, un port, la gare Saint-Lazare, des locomotives ou des cheminées d'usine, les nymphéas de Giverny, la lagune de Venise,...

 

 

Primauté de la lumière
 

En dépit de leurs dissemblances, les peintres dits impressionnistes cultivent en commun une nouvelle technique picturale qui donne la primeur aux effets de lumière. Sur leurs tableaux, le dessin s'efface devant les touches de couleur ainsi que les objets devant la représentation qu'en donnent les sens. À ce titre, les impressionnistes constituent le chaînon intermédiaire entre les romantiques anglais (Constable,...) et les peintres abstraits qui leur succèderont.

 

Auguste Renoir se souviendra plus tard : «Nous voulions dans nos tableaux des accords gais, de la vie sans littérature. Un matin, l'un de nous, manquant de noir, utilisa du bleu. L'impressionnisme était né».

 

Les impressionnistes se démarquent des peintres académiques, qu'ils appellent «pompiers», par un autre trait : ils décrivent la vie quotidienne de préférence à des sujets mythologiques ou historiques. Grâce à la peinture en tube métallique mise au point par Jean-Frédéric Bazille, ils sortent de leur atelier et peignent volontiers en extérieur.

 

Révolutionnaires dans la forme, ils se montrent très conservateurs dans les sujets traités : paysages bucoliques, enfants adorables ou belles adolescentes dénudées (à l'exception notable de Claude Monet qui peint les paysages industriels, usines fumantes et locomotives à vapeur).

 

Sous le règne de Napoléon III, ces peintres représentent les joies de la vie parisienne et les quartiers modernes créés par le préfet Haussmann. Ils mettent en scène les bourgeois, les demi-mondaines et les courses à Longchamp.

 

 

Des bourgeois tranquilles

 

Le journaliste et romancier Émile Zola, fin observateur de son époque, écrit vers 1866 : «La vie d'un artiste aujourd'hui est celle d'un bourgeois tranquille qui peint des tableaux comme d'autres vendent du poivre derrière leur comptoir. La race chevelue de 1830 a même, Dieu merci, complètement disparu et nos peintres sont devenus ce qu'ils doivent être, des gens vivant la vie de tout le monde».

 

Après les horreurs de la Commune, écoeurés par les violences populaires et la laideur de la société industrielle, les peintres impressionnistes se replient vers les villages bucoliques des environs de Paris : Auvers-sur-Oise, Barbizon, Chatou,... en quête de lumière pure et de bonheur simple.

 

La frange éclairée des bourgeois de la IIIe République ne tardent pas à reconnaître leur talent. L'impétueux Georges Clemenceau se lie ainsi d'amitié avec Claude Monet.

 

 

La IIIe République se détourne du peuple
 
 

La IIIe République de cette fin de siècle n'a d'yeux que pour les débats sur la place de l'Armée et de l'Église dans la société et pour les enjeux coloniaux.

 

Le temps n'est plus où Millet, l'auteur de L'Angélus, exaltait la vertu des pauvres à travers ses durs portraits de travailleurs (comme ont pu s'en apercevoir les heureux visiteurs de l'exposition «Millet et Van Gogh », en 1999, à Paris).

 

Même changement dans la littérature romanesque. On oublie Eugène Sue qui faisait pleurer son public sur le sort des pauvres en 1842, dans les Mystères de Paris, et même Victor Hugo, qui racontait en 1866 l'épopée émouvante des Misérables.

 

Au contraire de ses devanciers, le grand romancier de la fin du siècle, Émile Zola, ne s'apitoie pas sur les miséreux et les ouvriers mais les dépeint comme des êtres irrémédiablement marqués par leur ascendance génétique.

Un jour... une histoire... 14 avril 1865

Publié à 06:36 par acoeuretacris Tags : un jour 14 avril
Un jour... une histoire... 14 avril 1865

 

14 avril 1865

Mort d'un Juste : Abraham Lincoln assassiné
 
 

Ce soir du 14 avril 1865, le 16e président américain manifeste le désir d'un moment de détente. Abraham Lincoln se rend avec sa femme Mary au Ford's Theatre de Washington. La guerre de Sécession, qui a déchiré les États-Unis pendant 4 ans, vient de se terminer le 9 avril avec la reddition du général sudiste Lee.

 

Meurtre en folie

 

Au théâtre, un homme attend son heure. John Wilkes Booth (26 ans), appartient à une famille d'acteurs à succès. C'est un habitant du Sud établi dans le Nord. Il profite de ce que le vieux policier chargé de la protection du couple présidentiel s'en est allé négligemment boire une chope pour se glisser dans la loge de Lincoln et lui tirer un coup de pistolet dans la nuque.

 

Son crime accompli, il saute sur la scène, non sans se casser la jambe au passage, et s'écrie : «Sic semper tyrannis» (Qu'il en soit toujours ainsi avec les tyrans, devise de la Virginie, attribuée au Romain Brutus). Puis il trouve moyen de s'enfuir. Repéré, il sera abattu une semaine plus tard dans une grange. Les trois complices avec lesquels il avait préparé son forfait sont jugés et pendus. L'un d'eux avait, pendant le drame du Ford's Theatre, poignardé dans son lit le Secrétaire d'État William Seward sans réussir toutefois à le tuer. Un autre, qui avait reçu mission de tuer le vice-président Andrew Johnson, avait au dernier moment renoncé...

 

Le lendemain matin 15 avril 1865, le président s'éteint dans une chambre voisine du théâtre, après une brève agonie. On prête au ministre de la Guerre Stanton ces mots : «Now he belongs to the ages» (Maintenant, il appartient à l'éternité). Le monde pleure en apprenant la mort d'Abraham Lincoln. L'ancien président sera inhumé au cimetière d'Oak Ridge (Springfield, Illinois) le 4 mai au terme de grandioses funérailles.

 

Au service du droit
 

En fait de tyran, l'homme que Booth a blessé à mort a servi la démocratie toute sa vie au détriment de sa santé et de son bonheur personnel. Épuisé et sans doute gravement malade, Abraham Lincoln (56 ans) avait signé le 31 janvier 1865 un projet d'amendement à la Constitution en vue d'abolir l'esclavage.

 

Il se disposait aussi à rétablir la concorde entre ses concitoyens après les affres de la guerre civile. Mais lui-même était la cible des plus violentes critiques et beaucoup d'Américains, à l'image de Booth, lui en voulaient à mort pour sa conduite de la guerre, ses mesures autoritaires et la ruine du Sud.

 

Le 8 novembre précédent, il n'avait été réélu à la présidence de la République qu'avec 55% des voix (exclusivement nordistes évidemment). C'était un résultat somme toute assez modeste pour un chef de guerre au bord de la victoire. Face à lui s'était levé le général McClellan, qui avait dirigé les armées nordistes pendant la première partie de la guerre sans cacher son souhait d'un compromis avec le Sud sur l'esclavage.

 

La mort tragique de Lincoln allait paradoxalement rehausser son image et ressouder les Américains et lui permettre d'échapper au sort de Thomas W. Wilson, lequel, après avoir entraîné les États-Unis dans la guerre de 14-18 et dirigé avec brio les négociations de paix, avait été désavoué par ses concitoyens et jeté dans un purgatoire dont il n'est pas encore sorti... Mais l'assassinat libèrera aussi la fureur vengeresse de tous les radicaux nordistes que Lincoln, jusque-là, tenait en laisse et rendra d'autant plus lente et difficile la reconstruction du Sud.

 

Depuis ce premier assassinat d'un président américain, aucun hôte de la Maison Blanche ne se sent désormais en sécurité.

Un jour... une histoire... 12 avril

Publié à 07:08 par acoeuretacris Tags : un jour 12 avril
Un jour... une histoire... 12 avril

 

12 avril 1961

Un homme dans l'espace !
 
 
 
Le 12 avril 1961, le cosmonaute soviétique Iouri Gagarine (27 ans) accomplit le tour de la Terre en 108 minutes à bord d'une fusée Vostok 1, à 327 km d'altitude.
 

Le module, construit en aluminium, est une sphère de 2,3 mètres de diamètre, avec un volume habitable de seulement 1,6 m3.

 

Iouri Gagarine, premier homme à naviguer dans l'espace, n'a rien à faire dans son habitacle que de laisser les techniciens de la base de Baïkonour guider son vaisseau.

 

Pour le retour sur terre, quelque part en Sibérie, il s'éjecte quelques minutes avant l'atterrissage et c'est en parachute qu'il termine son périple.

 

Quatre ans après le lancement d'un premier satellite, les Soviétiques présentent son exploit comme la preuve de la supériorité de leur système politique.

 

Le président américain John Kennedy relève le défi et, le 25 mai 1961, dans un discours retentissant, promet qu'un Américain marcherait sur la lune avant la fin de la décennie.

 

Iouri Gagarine n'a pas eu l'amertume d'assister à cette revanche. Il a trouvé la mort dans un accident d'avion, au cours d'une mission d'entraînement, le 27 mars 1968, à 34 ans.

Un jour... une histoire... 11 avril 1241

Publié à 10:15 par acoeuretacris Tags : un jour 11 avril
Un jour... une histoire... 11 avril 1241

 

Bela IV

 

11 avril 1241

Les Mongols écrasent les Hongrois
 
 
 

Le 11 avril 1241, les Mongols remportent une éclatante victoire sur les troupes hongroises du roi Bela IV, en un lieu appelé Mohi... L'Europe est à leur merci.

 

En France, c'est l'époque épanouie de Saint Louis. On compose le Roman de la Rose et le roi songe à édifier la Sainte Chapelle. Dans cette chrétienté médiévale plutôt souriante, nul n'imagine les soubresauts qui secouent les lointaines steppes d'Asie centrale. Ces contrées parcourues par des cavaliers nomades ont été unifiées avec brutalité par un chef mongol qui est resté dans l'Histoire sous le nom de Gengis Khan.

 

 

L'Europe à merci
 
 

Mort le 18 août 1227, Gengis Khan a laissé à son fils Ogodai et à ses lieutenants le soin d'étendre ses conquêtes vers la Perse, la Chine et aussi bien l'Ukraine et la Hongrie. C'est ainsi qu'à l'automne 1236, le vieux général Subotai (60 ans) se dirige vers l'Occident avec une armée de 150.000 hommes. Une partie de son armée marche sur les principautés russes du nord et les ravage jusqu'aux abords de la riche cité de Novgorod.

 

Un peu plus tard, le 6 décembre 1240, Kiev, principale ville d'Ukraine, est prise d'assaut et détruite. L'Ukraine ne se remettra jamais totalement de l'invasion mongole et perdra sa suprématie sur les peuples de la grande plaine russe.

 

Poursuivant sa marche, l'armée mongole brûle Cracovie, principale cité de Pologne et se heurte à une armée de chevaliers polonais et allemands. Ces derniers sont anéantis à Wahlstadt, en Silésie.

 

Les Occidentaux, alertés, échouent à organiser une croisade commune. Les Chevaliers teutoniques profitent au contraire des désordres pour partir en guerre contre les Russes de Novgorod mais ils seront arrêtés par Alexandre Nevski.

 

En Hongrie, le roi Béla IV rassemble en hâte ses forces et se porte au-devant des Mongols mais ses hommes sont presque tous massacrés et lui-même prend la fuite..

 

Les Mongols ravagent les régions du Danube avec un raffinement de cruauté. Incendies, viols et égorgements systématiques, pratique des «boucliers humains»... Autant de comportements dont ils n'ont hélas pas le monopole. Ils poussent des pointes jusqu'aux abords de Vienne et de l'Adriatique. Là-dessus arrive la nouvelle de la mort du grand-khan Ogodai dans la lointaine Mongolie.

 

Pressés de prendre part à la succession, les chefs se retirent avec leurs armées. L'Europe occidentale, inconsciente du malheur auquel elle a échappé, est sauvée. Mais quelques années plus tard, d'autres Mongols ravageront Bagdad et l'empire arabe.

 

 

 

En contrepartie de ses horreurs, l'invasion mongole a pour effet d'unifier les steppes de l'Eurasie et d'ouvrir la Route de la Soie qui relie l'Europe à la Chine à travers l'Asie centrale.

 

Des marchands occidentaux audacieux en profitent bientôt. Le plus célèbre est Marco Polo, qui parcourra l'Asie en tous sens pendant 25 ans au service de l'empereur mongol de Chine, Koubilaï Khan.